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  • 22 oct. 2018

    Shining de Stephen King

    Auteur : Stephen King
    Éditeur : Le livre de poche (2007)
    Genre : Fantastique, Thriller
    Pages : 576 pages (format poche)


    Lu dans le cadre du « Pumpkin Autumn Challenge »

    Le résumé Situé dans les montagnes Rocheuses, l’Overlook Palace passe pour être l’un des plus beaux lieux du monde. Confort, luxe, volupté… L’hiver, l’hôtel est fermé. Coupé du monde par le froid et la neige. Alors, seul l’habite un gardien. Celui qui a été engagé cet hiver-là s’appelle Jack Torrance: c’est un alcoolique, un écrivain raté, qui tente d’échapper au désespoir. Avec lui vivent sa femme, Wendy, et leur enfant, Danny. Danny qui possède le don de voir, de ressusciter les choses et les êtres que l’on croit disparus. Ce qu’il sent, lui, dans les cent dix chambres vides de l’Overlook Palace, c’est la présence du démon. Cauchemar ou réalité, le corps de cette femme assassinée ? Ces bruits de fête qui dérivent dans les couloirs ? Cette vie si étrange qui anime l’hôtel ?

    Ma chronique : Depuis ma lecture excessivement laborieuse de Sac d'os (chroniqué ici), me lancer dans un nouveau King ne figurait pas parmi mes priorités. Quand bien même je n'étais pas à mon premier roman de l'auteur, il m'a suffi d'un rendez-vous manqué pour me mettre sur mes gardes. Une attitude que je regrette aujourd'hui tant elle m'a fait  postposer ma lecture de l'excellentissime Shining. Lu pratiquement d'une traite, ce roman de génie s'est vu imméditament propulsé dans mon top 3 des King, aux côtés de Simetierre et de Marche ou crève, avec un beau coup de cœur en prime. De quoi se dire : « Non didju, Choupaille, pourquoi tu as tant attendu avant de le lire, celui-là ?! ».

    La famille Torrance va mal. Jack, le père, se sèvre doucement de l'alcool dans lequel il s'est réfugié suite à la perte de son emploi de professeur de littérature. D'un naturel impulsif et colérique, il peine à se relever de ce terrible échec, et sa famille en fait les frais. Wendy, sa femme, contemple chaque jour le dramatique naufrage de son mariage. Elle pense bien au divorce, oui, surtout depuis que Jack a brutalisé le petit Danny ; mais qui est-elle pour ainsi priver un enfant de son père ? D'autant que Danny n'est pas un enfant comme les autres. Exceptionnellement intelligent pour son âge, le petit a le Don. Une forme très puissante du Don, qui lui permet de percevoir les émotions et pensées de ceux qui l'entourent, mais aussi de voir ce qui fut ou sera. Un pouvoir que, du haut de ses cinq ans, il appréhende parfois difficilement. Aussi, lorsque l'emploi de la dernière chance est présenté sur un plateau d'argent à son père Jack - veiller tout l'hiver sur l'hôtel Overlook perdu dans les montagnes du Colorado - , Danny ne parvient pas à se réjouir. Les cauchemars l'assaillent bien avant qu'ils n'emménagent dans l'immense hôtel, et dès les premiers jours Danny sent une présence hostile en ces lieux ... qui semble s'éveiller à mesure que la neige leur coupe toute retraite.

    Dans l'éternelle lutte opposant les livres à leurs adaptations cinématographiques, les partisans de chaque camp sont nombreux et passionnés. Quand bien même chacun a ses points forts et faibles, je me situe très fréquemment dans le clan littéraire. Et concernant Shining, sans surprise, me voilà devenue une fervente défenseuse du roman - quand bien même le film gardera toujours une place de choix dans ma vidéothèque. C'est que les deux n'ont rien à voir, si ce n'est, évidemment, les grandes lignes directrices du scénario : un hôtel hanté coupé du monde par la neige, un père de famille perdant peu à peu la raison et son fils détenteur d'un don hors normes. Bien que je ne souhaite pas me lancer dans une comparaison hasardeuse des deux - je ne dispose d'ailleurs pas des connaissances cinématographiques nécessaires pour décortiquer du Kubrick ! - je compte néanmoins aborder ici les points du roman m'ayant manqué dans le film et responsables de mon coup de cœur.

    King est un maître incontesté de la peur. Il le sait, son lectorat le sait, tout le monde le sait ; et pourtant il surprend toujours. Ce qui m'a dans un premier temps séduite dans Shining, c'est la capacité de King à générer de terribles frissons à partir de pas grand chose. Le tic-tac d'une pendule, la découverte de cotillons et confettis égarés au détour d'un couloir, la rumeur d'une fête battant son plein ; autant d'éléments anodins en apparence mais qui, mis bout à bout dans un contexte particulièrement angoissant, finissent par coller une frousse pas possible au lecteur. Comme d'habitude, me direz-vous. Oui mais non, car si le lecteur a la frousse, ce n'est rien comparé aux Torrance qui, eux, sentent peu à peu l'étau se resserrer autour de l'Overlookdans l'Overlook ... par l'Overlook. Une longue et lente descente aux enfers ponctuée par des manifestations tantôt inoffensives et tantôt terrifiantes, meurtrières et hypnotiques d'angoisse.


    Oubliez les cascades de sang et les fillettes en robe bleue hantant les couloirs à grands coups de « Viens jouer avec nous Dannyyyyyyyy ! » ; King verse dans une subtilité bien plus dévastatrice. Hé oui, c'est possible. Si, si.

    D'ailleurs, là où Kubrick n'a choisi de centrer son oeuvre que sur la mésaventure du précédent gardien et de sa famille, c'est toute l'histoire de l'Overlook que King retrace dans son roman. Une histoire sombre, vous vous en doutez, et qui incite le lecteur à porter un autre regard sur l'hôtel. Un recul qui m'avait manqué dans l'adaptation de Kubrick pour saisir pleinement le sens de certaines scènes, et que je suis heureuse d'avoir aujourd'hui. C'est que l'Overlook n'est pas passé dans les meilleures mains d'Amérique, et nombre de vices s'y sont agglomérés en une volonté malfaisante qui, manque de chance, semble s'éveiller à mesure que les Torrance voient la neige chuter. Ainsi, le seul et unique antagoniste de Shining, c'est l'Overlook ; une force qui surpasse les Torrance, Danny compris. Et les voir lutter contre cette force face à laquelle il ne peuvent rien est proprement terrifiant. Comment, en effet, avoir quelque prise sur un hôtel qui a décidé que vous rejoindriez son bal éternel ? 

    Tous les Torrance, cependant, ne vivent pas l'influence malsaine de l'Overlook de la même façon. Si le petit Danny se renferme sur lui-même à mesure que ce dernier s'éveille, Wendy, sa mère, ne semble que peu visée par la volonté qui l'anime. Mais Jack, c'est une autre paire de manches. Anciennement alcoolique, écrivain raté, professeur démis de ses fonctions et père sur le fil, il est une proie facile. Mais l'emprise insidieuse de l'hôtel ne s'exerce pas en un jour, loin s'en faut, et le lecteur assiste, impuissant, à la lutte perdue d'avance que mène Jack Torrance. Je ne m'y attendais pas, mais j'ai été finalement bluffée par ce personnage que je pensais pourtant avoir déjà cernéMême constat pour le petit Danny, protagoniste principal du récit dont la lucidité et l'innocence apportent beaucoup au roman et contrastent, je vous l'assure, avec l'enfant mollasson de l'adaptation de Kubrick.

    « Il avait fourré sa main dans le Grand Guêpier de la vie, sans s'en rendre compte (...). C'était comme s'il avait passé la main derrière des lattes pourries et que son bras tout entier avait été dévoré par des flammes sacrées. Elles avaient obscurci sa raison, lui faisaient oublier tout comportement civilisé. Pouvait-on s'attendre à une conduite rationnelle de la part de quelqu'un dont la main est transpercée par une multitude d’aiguillons brûlants ?  Quand des nuées de guêpes vengeresses, dissimulées derrière l'apparence innocente des choses, surgissaient soudain et s'acharnaient contre lui, pouvait-on le tenir responsable de ses actes alors qu'il courait comme un fou sur un toit en pente, au bord d'un précipice de vingt mètres, sans savoir où il allait, sans se rendre compte que si dans son affolement il venait à trébucher il serait projeté par-dessus la gouttière et irait s'écraser sur les dalles de béton. »

    Enfin, sans révéler la chute du roman - qui se veut différente de celle du film, ai-je vraiment besoin de préciser que la préfère de loin ? Contrairement à Kubrick qui, avec succès, a proposé du sensationnel attendu, King clôt son roman en une apothéose explosive. Car une fois l'étau serré à son maximum, c'est un véritable ouragan malfaisant qui s'abat sur les Torrance, et fait froid dans le dos. A ce stade du récit et pour la centaine de pages qu'il reste alors, il est proprement impossible de lâcher Shining. Un dénouement dynamique, haletant et sans aucun temps mort dont on ne ressort pas les nerfs indemnes.

    Un incontournable intemporel pour qui aime frissonner, et un énorme coup de cœur !



    Note : 20/20

    Date : 18 octobre 2018 - 21 octobre 2018

    3 commentaires:

    1. J'avais eu le même sentiment que toi en commençant King.
      J'ai commencé par Désolation, et je n'avais pas du tout aimé ! Pourtant, l'écriture de King m'a frappé, et rien que son don de créer des ambiances particulières m'a poussé à continuer.
      J'ai lu Salem, que j'ai adoré, ensuite Shining, que j'ai adoré aussi. J'ai récemment lu le premier tome de Ca qui sans surprise m'a beaucoup plut, et j'ai aussi acheté le Fléau.

      Pour Shining, je n'ai pas vu le film, je voulais lire le livre avant et quand j'ai vu que King n'aimait pas le film... Ca m'a un peu refroidi. Je ne suis pas sure de vouloir voir un film que l'auteur lui même désapprouve ! xD

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      1. Objectivement parlant, le film est très bon, mais c'est vrai qu'il a été adapté en gardant les grandes lignes, et c'est tout. Rien de très étonnant quand on sait que c'est Kubrick qui l'a adapté (il ne devait certainement pas apprécier de coller à 100% au roman - pas son genre, au bonhomme !). L'esprit des deux est le même, mais ils sont très différents, c'est sûr, et je comprends la réaction de King. Mais ceci dit, avant j'aimais le film ; et maintenant j'aime le livre ET le film ! Double amour, mais pas le même genre d'amour LOL :-) !

        J'ai également lu Salem, qui était au top ! Un autre que j'avais adoré de King, c'était Simetierre. Il pourrait te plaire :-) !

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    2. Je ne l'ai jamais lu celui-là, mais le film... brrr !!!

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