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  • 22 sept. 2023

    L'héritage de l'esprit-roi de Claire Krust - Indolence nipponne



    Auteur 
     : Claire Krust
    Editeur : ActuSF
    Genre : Fantasy, Fantasy asiatique, Fantastique
    Pages : 426 pages (grand format)

    Résumé : Shinya est l'onmyoji impérial. Maniant l'illusion et la divination, il est le garant de l'équilibre entre le monde des humains et celui des esprits, à la fois protecteur, juge et bourreau. Quand la fiancée de l'empereur est victime d'une étrange malédiction, c'est à lui de mener l'enquête. Shinya se lance sur les traces du coupable, mais celles-ci semblent conduire tout droit vers un lieu de son propre passé, qu'il pensait oublié... D'où vient la longévité extraordinaire de Shinya et la marque noire qui apparaît parfois sur son front ? Quel prix l'onmyoji est-il prêt à payer pour maintenir l'équilibre ?

    Rédaction de cette chronique neuf mois après lecture - il est frais mon avis ; il est frais !

    Mon avis : Passons outre le délais dramatique de rédaction de cette chronique, si vous voulez bien, pour attaquer sans attendre un siècle de plus mon retour mi-figue mi-raisin sur ce roman que j'avais attendu, que j'avais rêvé  ... et que j'ai finalement sitôt lu, sitôt zappé. Un bien triste constat pour un roman à la parution si soignée, à l'autrice qui pourtant m'avait déjà fait bondir le coeur avec ses Neiges de l'Eternel, et à la maison d'édition qui (je ne m'en remets toujours pas) a récemment déposé son bilan. J'aurais aimé sortir cette chronique comme une énième ode à ActuSF ; ce ne sera malheureusement pas le cas puisque L'héritage de l'esprit-roi ne m'a pas plu comme je m'y attendais, mais pour autant je n'en tire pas moins mon chapeau à cette ME incroyable qui laisse sans aucun doute un grand vide dans mon rayon préféré des librairies.

    ActuSF, ce fût un plaisir de vous lire et c'est une grande tristesse de vous perdre.
    Mais pour recentrer un peu cette chronique qui part dans le larmoyage, je dois bien avouer que le plaisir fût moins grand qu'à l'accoutumée avec ce dernier roman passé dans mes mains. Il n'est plus tout frais dans ma tête alors je ne me risquerai pas à vous faire un résumé-maison, ni à vous décrire chaque protagoniste un par un. On va ici parler des souvenirs bruts qui subsistent ...

    ... en commençant par celui, plutôt agréable, d'avoir passé un moment doux en toute simplicité. L'héritage de l'esprit-roi n'est pas bien épais. Il offre une parenthèse au quotidien agréable, ni trop courte ni trop ambitieuse. Une boule effervescente parfum cerise dans l'eau de mon bain et le tour était joué : je voyageais vers un Japon médiéval-fantastique en un temps record. La narration est très simple, avec une indolocence nipponne caractéristique qui y est pour beaucoup dans le côté relaxant du roman, mais qui bascule rapidement dans le contemplatif.

    Shinya, le protagoniste principal, n'aide pas à inverser la donne ; en sa qualité d'onmyoji impérial il est l'impassibilité même (rapport aux esprits qu'il doit justement maîtriser en étant avant tout, je vous le donne en mille, maître de soi et de ses émotions). J'ai souvenir d'un héros dont aucune émotion ne filtre, la placidité même. Et si c'est plutôt raccord à la culture japonisée du roman, ça établit une certaine distance entre le héros et le lecteur. Le pas est difficile à franchir vers la compréhension de Shinya, de ses motivations et ambitions. Il en a résulté de mon côté une certaine indifférence pour les enjeux de l'intrigue ; je ne me suis pas autant investie dans cette lecture que j'aurais souhaité. L'un des démons de compagnie de Shinya - Moro si je me souviens bien ? bref, c'est un démon-loup au caractère bien trempé et avide de vengeance - a ajouté du sel au roman, mais malheureusement pas assez dans la mesure où il était bien le seul à lui donner un peu de vie.

    Les querelles entre onmyojis rivaux occupent une place importante dans l'intrigue et apportent quelques touches d'action bien placées (ah, les disputes de famille, toujours un grand moment !)... mais retardent la mise en place de l'intrigue principale, ce qui pour un roman si court commence à faire long. Lorsque Shinya rejoint enfin la cité des esprits dont l'esprit-roi est en péril, c'est pour s'enfermer de nouveau dans une indolence crasse. C'est pas qu'il n'en touche pas une, simplement avec quel flegme il agit ! Je garde par contre un souvenir plus mouvementé de la dernière ligne droite, ce qui est une bonne chose. Simplement il me reste ce regret d'avoir attendu beaucoup d'un roman qui finalement ne m'a fait ni chaud, ni froid.

    Farewell, my ActuSF friends !

    Les Dieux sauvages, tome 4 de Lionel Davoust - Wer, va te faire encul-t-er !



    Auteur 
     : Lionel Davoust
    Editeur : Critic
    Genre : Fantasy, post-apo
    Pages : 976 pages (grand format)

    RésuméLa guerre entre les dieux sauvages fait rage. La forteresse de Rhovelle, Loered, est isolée ; Mériane, la Messagère du Ciel, l’espoir du peuple, dispose d’une armée qu’elle ne peut déployer. Ganner fait route librement vers Ker Vasthrion, où gît un pouvoir qui offrira à Aska la domination totale. Wer est en train de perdre, et dans les hautes sphères du pouvoir, les hommes se raccrochent à l’espoir insensé que la vertu les sauvera. L’union des provinces et l’ultime résistance contre l’envahisseur démoniaque doit venir d’un symbole fort. Face à la main-mise du clergé sur le pouvoir, il faut un nouveau roi à la Rhovelle. Parallèlement, l’étau se resserre autour de Mériane : quitte à tout perdre, l’Église de Wer ne saurait accepter qu’une femme la sauve. Trahie par ses alliés, rongée par l’usage prolongé de son armure de l’Ancien Temps, la Messagère du Ciel se voit glisser inexorablement dans les ténèbres. Mais au fond de l'abysse l’attend la clé pour mettre un terme définitif à la guerre. La vraie nature de Dieu.

    Parution de cette chronique cinq mois après sa rédaction - nope, même pas honte !

    Mon AvisVous connaissez la rengaine: non, je ne suis pas morte, juste occupée à faire de l’aqua-poney sur mon temps libre. Et la lecture passe ainsi à la trappe de même que les chroniques - je ne me fais d’ailleurs aucune illusion sur le peu de monde qui me lit toujours, aha ! Il n’empêche lire, c’est comme le vélo : ça ne s’oublie pas mais surtout, c’est toujours un plaisir ! Et revenir par ici pour discuter de mes dernières lectures aussi. Elles ne sont pas nombreuses, mais elles ont le mérite d’être là, et la première dont j’aimerais parler c’est le quatrième tome d’une saga monstrueusement bonne : Les dieux sauvages de Lionel Davoust, parue aux éditions Critic - et dont le premier tome a pour rappel rafflé le prix Elbakin 2017 du meilleur roman de frantasy français, je dis ça je dis rien. Toujours un vrai régal que de s’en mettre un tome sous la dent !

    Lecteurs : Mais de quoi ça cause ton affaire, encore (avec le temps, on a oublié !) ?

    Choupaille : De fantasy post-apo, pardi, doublé d’une réinvention de l’histoire de Jeanne d’Arc ! En l’an ± 400 après l’effondrement d’Asreth, en Evanégyre, les envahisseurs ne sont point Anglais mais Askalites : des aberrations de chair et de métal animées par la technologie magique et honnie d’un empire déchu. L’Eglise n’est pas catholqiue mais weriste, et Dieu (Wer) sussurre à l’oreille de Mériane, une paria – mais sourtout une femme, aïe aïe aïe ! Et dans ce tome quatre, plus précisément ...

    ... Leored, le Verrou du Fleuve, a TENU face aux hordes askalites venues conquérir la Rhovelle grâce à Mériane, le héraut femme de Wer venue inspirer les troupes acculées. Les Rhovelliens paient cependante cher cette victoire : son prix est l’isolement de la cité du mauvais côté du fleuve qu’elle tient. Avant de poursuivre Ganner et son armée qui se tournent à present vers la capitale Ker Vashtrion, Mériane et ses alliés doivent reprendre non sans mal pied sur la rive opposée occupée par le redoutable général Arcis. Au delà de ce défi s’en profile un autre, titanesque : unir la Rhovelle autour d’un nouveau Roi et rassembler les gens de foi autour de la Pucelle de Doélic. Car ce n’est que dans l’unité que Wer triomphera de son frère Aska, dans un épique face à face de leurs hérauts au pied de Ker Vashtrion. A moins que les dieux ne jouent selon leurs propres règles, et que les enjeux ne soient pas ceux que l’on soupçonne ?

    Soyons brefs, j’ai vraiment beaucoup d’admiration pour Lionel Davoust. Entre autres projets professionnels il tient avec une constance et une rigueur épatantes une saga de déjà quatre tomes bien touffus dans un univers qui l’est encore plus. Dès le premier tome, on sait que Les dieux sauvages est une saga avec une fin déjà murie de longue date. S’en rapprocher un peu plus encore avec ce quatrième volume, faire quelques detours par les ruines d’Asrethia l’empire maudit et en apprendre toujours plus à son sujet, c’est hyper satisfaisant ! ... mais attention, il faut apprécier prendre son temps. Certains éléments de l'intrigue traînent à aboutir, et quand je dis ça je pense notamment à une certaine révélation concernant Wer et Aska : ça fait pas mal de bornes qu’on voit la destination se profiler au loin, alors entretenir encore tout ce mystère sur nos amis les dieux, au bout de quatre tomes déjà à teaser, ça commence à faire long. Mon petit message à l’auteur : ON. A. COMPRIS. Et j’aurais aimé que les protagonistes percutent aussi un peu plus vite – parce que là, le franc n'est toujours pas tombé chez tout le monde.

    Non pas qu’ils soient lents d’esprits, hein, mais disons que quand on a été effectivement élevé dans la liturgie wériste, c’est le genre de révélation massive pour laquelle on est prêt à se coller toutes les oeillères du monde. Et puisque le récit se déroule pratiquement à vitesse réelle, ça explique que le sujet traîne sur un coin de table depuis quatre tomes. Mais il n’empêche en tant que lecteur, on a un peu envie de leur coller la tête sur ladite table pour accélérer le rythme ~ juste un peu.

    « T’as imprimé là, Mériane ? T’as impriméééééé ? »

    En parlant de rythme, comme je l’ai dit, le récit évolue à vitesse réelle. Pas (trop) de sauts improbables dans le temps : le conflit qui oppose les weristes aux askalites se déroule au rythme des armées qui piétinent et des chevaux qui trottent dans la forêt. Ne vous découragez pas, on a quand même droit à de grosses scènes de baston bien vivantes : le siège de Ker vashtrion, pour ne citer que lui, s’étend sur le dernier tiers du livre. J’ai quand même trouvé ça long, et j’ai eu du mal à passer au travers (il m’a presque fallu deux mois pour venir à bout du livre, on ne juge pas). Avis aux amateurs d’empoignades et de batailles pas si rangées : a défaut de quantité, il y a de la baston de qualité.

    J’apprécie beaucoup cette approche réaliste qui renforce la dimension très humaine de l’histoire. Le rythme posé offre une meilleure proximité avec tous les personnages, surtout dans ce quatrième tome où chacun se complexifie encore advantage. Leopol et Chunsène, juste waouw. Je sens venir la question à un million : QUOI, Mériane n’est pas ma protagoniste number one ? Hé non, c’est la troisième sur la liste, mais vraiment parce que Chunsène et Leopol sont un niveau au dessus. D’autant que Mériane déguste si sévèrement dans ce tome qu'elle en devient méconnaissable voire un poil lassente – tout ça pour revenir avec davantage de fougue dans l’ultime ligne droite et, je n’en doute pas, dans le cinquième et dernier volume à paraître.

    La fin de ce tome est incertaine pour une majorité de personnages (en plus d’avoir souffert tout du long, chacun est en fâcheuse position). La dream-team de Leored est explosée à travers la Rhovelle et j’ai hâte de savoir comment tout se mettra en place pour le grand final. Sans parler de mon excitation à savoir ce qu’il adviendra de ce petit merdeux de Wer et ses cultistes. Encore une fois ma lecture m’a donné envie de plonger dans les récits parallèles d’Evanégyre, alors en attendant la sortie de La succession des Âges, 2023 est peut-être la bonne année pour m’y coller ?

    17 nov. 2022

    Le sang des Parangons de Pierre Grimbert - Vertu sous roche

     

    Auteur  : Pierre Grimbert
    Editeur : Mnémos
    Genre : Fantasy
    Pages : 320 pages (grand format)

    RésuméLe monde des hommes est en train de s’effondrer. Et toutes les prières, tous les sacrifices, semblent incapables d’y remédier. L’humanité assiste, impuissante, à son crépuscule. Une dernière chose doit cependant être tentée. Une folie, à la hauteur de cette situation désespérée. Chaque nation, chaque territoire a ainsi désigné son champion. Certains sont des sages, des savants, ou des dévots. D’autres sont des mercenaires, des aventuriers ou des chevaliers. Il y a même des rois et des reines… Ils ne se connaissent pas, ils ont parfois des intérêts contraires, mais ils ont été réunis pour former le groupe des parangons. Une escouade d’exception dont la mission représente la dernière chance de survie de leurs peuples respectifs. Ensemble, ils vont devoir pénétrer la montagne sacrée, siège du palais souterrain des dieux. Et s’ils parviennent jusqu’aux éternels, malgré les dangers légendaires que renferme cet endroit, ils devront les convaincre de sauver leur monde agonisant. En les suppliant… ou bien en les défiant, si nécessaire. Mais combien de parangons verront leur sang versé sur le chemin, pour permettre aux autres de continuer ? En restera-t-il un seul, qui pourra prouver que l’humanité mérite vraiment d’être sauvée ?

    Mon avis : Le mois où on a manqué de justesse un gros carambolage pour cause de betterave sur l'autoroute, une bonne nouvelle est venue nous enjailler : monsieur Choupaille a gagné un exemplaire du Sang des Parangons de Pierre Grimbert à un concours Mnémos. Mille merci à eux, on a bien reçu le colis (la Belgique c'est loin, il aurait pu se perde ou se prendre une betterave en route, qui sait ?). Toujours est-il qu'en bonne crevarde que je suis, je l'ai fauché à mon cher et tendre pour le lire sous son nez... et conclure qu'il aurait plutôt intérêt à le lire fissa, parce que c'est un one-shot de qua-li-té !

    Le terre meurt et se fend sous les cités démunies des Hommes, déchaîne sa lave en fusion sur les plaines fertiles et accule face à l'océan dévorant peuples et tribus. Face à ce déchaînement des éléments, seuls les Dieux semblent en mesure d'intercéder en la faveur de l'Humanité avant que ne sonne sa fin. Des émissaires sont envoyés implorer leur aide dans la Montagne Sacrée, puis des groupuscules musclés et enfin des armées entières, tous vomis démembrés sur son flanc en un macabre et implacable spectacle. Alors les seigneurs, les reines et les chefs de guerre se décident à unir leur force en une expédition unique et symbolique, la dernière chance de l'Humanité : les Hommes envoient leurs Parangons, les meilleurs représentants de chaque peuplade. La troupe hétéroclite s'engage sous la Montagne, déterminée à convaincre les Dieux tapis au fond de leur Palais. Mais les tunnels sont traîtres et la volonté de la Montagne ferme : on n'accède pas si facilement au palais des Dieux...

    Vous le sentez, le pitch net et efficace ?

    J'ai connu Pierre Grimbert avec la saga Le secret de Ji - comptez une bonne dizaine de tomes passionnants (au passage, je recommande à fond !). Après avoir lu une tonne d'avis conquis, j'ai décidé de commencer Le sang des Parangons sans pression. On ne peut pas attendre la même chose d'un one-shot que d'une saga complète, que je me disais. Faux ! En trois cent pages, Pierre Grimbert ficelle un roman zéro-reproche, multi-genres et tous publics (comprenez par là qu'il est capable de plaire à une autre sphère que celle des purs lecteurs Fantasy). Le Sang des Parangons est un stand-alone solide qui se dévore rapidement ; il devient ma nouvelle recommandation passe-partout aux collègues et amis qui ont envie de sortir de leur zone de confort littéraire. C'est qu'il y en a, des éléments pour plaider en sa faveur !

    Premièrement, malgré ses trois cent petites pages, j'ai été positivement surprise par l'éventail très riche des personnages, leur profondeur et leur qualité. Sur la quarantaine de Parangons qui s'engage sous la Montagne (guerriers et guerrières émérites, assassin, voleurs, mercenaires, savants, prêtres, moines, mages et j'en passe), on en suivra peut-être une quinzaine à tour de rôles, avec quelques fétiches qui reviennent davantage. Mais à travers cette multitude de protagonistes, Pierre Grimbert dépeint aussi leurs coutumes respectives, et c'est d'autant plus fort que c'est fait sans lourdeur et sans impacter le rythme très soutenu du récit. Dresser un tableau pareil sur un one-shot sans que l'histoire en pâtisse, c'est simplement dingue. Et si vous pensez que tel personnage est à l'abri parce que "on ne tue pas un narrateur", nope. Chacun a une belle épée de Damoclès au dessus de la caboche, et plus on descend dans les entrailles de la Montagne, plus elle vacille...

    Car si la troupe avance avec confiance les premiers instants, ses membres les plus dégourdis comprennent assez rapidement qu'il y a une couille dans le pâté. Des murmures à gauches, des pièges mortels à droite et droit devant, des galeries luminescentes comme sorties d'un autre monde. A mesure qu'on descend même l'espace et le temps semblent perdre leur droits, au point que de roman Fantasy Le sang des Parangons passe presque à un récit fantastico-horrifique à huis clos. Il y a des bestioles de cauchemar et cette volonté malsaine de la Montagne de stopper net la quête des Parangons : on ressent très bien ce climat lourd et oppressant, ça rend la lecture hautement addictive. Je lui trouve d'ailleurs, pour son esprit sanglant et ses morts au compte goutte, une petite touche du Dieu-oiseau d'Aurélie Wellenstein.

    Tout le long de leur périple, les Parangons n'en ont que pour les Dieux : qui sont-ils, pourquoi se terrent-ils dans un palais dont on leur refuse manifestement l'accès avec tant de malfaisance ? Si certains appellent la sainte rencontre avec ferveur, d'autres ont finalement envie d'en découdre après des semaines de terreur dans les boyaux de la Montagne qui, aux yeux des Parangons, n'a plus rien de sacré. La conclusion du récit, le face à face et la révélation finale, est à ce titre incroyable (et arrive après un boss de fin mémorable !). La chute a beau ne pas être une surprise totale, ça n'empêche pas Pierre Grimbert de clore son one-shot avec une fin ouverte qui tombe terriblement juste. C'est un vrai sans faute avec ce roman et une belle pièce à avoir dans sa bibliothèque, sans aucun doute ! Et paf, deux lectures coup de cœur d'affilée !



    14 nov. 2022

    Bazaar de Stephen King - Bonnes affaires et mauvais tours

     

    Auteur  : Stephen King
    Editeur : J'ai lu
    Genre : Fantastique, horreur
    Pages : 384 et 445 pages (format poche)

    Résumé : Au hasard, Balthazar... Ce  pourrait être l'enseigne du bazar qui vient d'ouvrir à Castle Rock. Pourtant, rien, ici n'est laissé au hasard. Perles noires, pâtes de verre, ticket gagnant, saintes reliques... le moindre objet excite al convoitise de chacun des habitants, répondant à ses plus secrets désirs. Un rêve qui tourne vite au cauchemar car le sieur Gaunt, propriétaire des lieux, est un habile commerçant. Si ses prix sont dérisoirs, les blagues soi-disant anodines qu'il demande en échange de ses faveurs ont une saveur empoisonnée ! Qu'importe ! La voix du démon est douce à l'oreille et, pour une pacotille qui les met tous en transe, Brian, Nettie, Wilma et les autres gens de Castle Rock n'hésitent pas à vendre leur âme ...

    Mon avis : Mais quel plaisir de renouer avec Stephen King, et quelles retrouvailles ce fût de le faire avec ce roman incroyable ! L'automne bien frais et brumeux se prête toujours à une lecture horrifique et le maître de l'horreur est ma référence en la matière, l'un des essentiels de ma bibliothèque, et chaque automne je pioche un de ses romans. Il y a un bail j'ai eu la chance de faire main basse sur une vielle collection de King : une vingtaine de romans aux tranches jaunies ont rejoint mes étagères, et parmi eux, Bazaar (paru en 2 volumes VF en 1995 - oui, cette édition est presque aussi vieille que moi). Un roman au pitch aussi séduisant que les étals de Leland Gaunt...

    Castle Rock est en effervescence, un nouveau commerce vient d'y ouvrir ses portes : Le bazar des rêves, magasin de bric et de broc tenu par le charmant, l'autoritaire, le cauchemardesque, le mielleux Leland Gaunt. Un à un les habitants de la petite ville passent sa porte, par simple curiosité, eux qui ne cherchent rien mais repartent tous avec l'objet de leurs désirs inavoués. Le prix ? Dérisoire - le contenu de leur poche et un petit tour à jouer à un voisin, une maîtresse d'école... Les conséquences ? Funestes. A mesure que la tension monte dans la ville, le shérif Alan Pangborn flaire les miasmes démoniaques qui parasitent Castle Rock. Quelle est la source de la menace, et comment la contrer ? Deux volontés s'opposent pour sauver la ville et ses habitants, avant que n'explose le chaos.

    On commence par se fait alpaguer doucement, comme sur un souk - venez mes amis, matez-moi cette belle marchandise et la populace qui s'y agglutine... On met un pied à Castle Rock, on y pointe timidement le bout de son nez pour découvrir sa nouvelle boutique mystère. Un antiquaire, un prêteur sur gages ? Non, c'est bien plus. C'est le Bazar des rêves et son gérant dur en affaires, Leland Gaunt. C'est la cache où se rassemblent les désirs brûlants des habitants d'une ville entière : une canne à pêche, un gri-gri, une carte de collection. C'est l'antre du démon qui se repaît des âmes qu'il damne. Il demande quelques dollars à ses malheureux clients (mais en demanderait-il des centaines qu'ils les lui donneraient tout de même), et une mauvaise blague. Rien de méchant, vous trouvez ? Attendez, attendez que Leland Gaunt ne vienne exacerber les querelles de voisinage, les griefs communautaires, qu'il glisse ses doigts repoussants là où ça fait bien mal... 

    Attendez que la pression monte progressivement et explose en apothéose sanglante...

    Mais parmi toutes les âmes damnées de Castle Rock, il en demeure une petite poignée pour faire face. D'authentiques gentils que l'emprise du mal ne laisse certes pas indifférents, et qui devront allier leur forces à celles du shérif Alan Pangborn. Grand amateur de tours de passe-passe (attention, c'est important hé hé hé) Alan est un héros lumineux dans une ville rongée par le mal et habitée de base par quelques authentiques crevards. Mais le blanc immaculé, ici, ça n'existe pas : le shérif a vécu sont lot d'épreuves et une bonne partie du roman creuse ce personnage au bord de l'abîme. De quel côté basculera Alan ? Parviendra-t-il à passer outre ses propres démons pour passer sur le corps de Gaunt ? Pour une fois je n'adresse donc pas mon sempiternel reproche à King : dans Bazaar, les héros ne sont pas tout à fait irréprochables - ils sortent de la masse sans être des parangons de vertu.

    Les amis du King reconnaîtront en Alan le héro de La part des ténèbres, roman antérieur se déroulant lui aussi à Caslte Rock et dont il est vaguement question dans Bazaar (principalement pour planter le personnage d'Alan à ceux qui le rencontrent pour la première fois) - je ne l'ai pas lu mais croyez bien qu'il a rejoint ma wish list. Des liens, toujours des liens (et j'adore ça !): Bazaar fait aussi quelques références timides à Cujo (Castle Rock) et Salem (Jerusalem's Lot). Et quand King rappelle que Castle Rock est une petite ville du Maine, on ne peut s'empêcher de penser à la fameuse Derry (Ça, en partie 22/11/1963) et à Ludlow (Simetierre), toutes proches. Ma conclusion : le Maine, ça pue vraiment d'y mettre les pieds, voyagez ailleurs ; mais toutes ces références, ces liens mêmes ténus entre des romans qui ont été écrits à des décennies d'intervalles, c'est le feu ! Et bien qu'on n'en fasse pas explicitement mention (c'est justement ça qui est bon), je flaire un peu de Shining aussi ... je vous laisse le soin de trouver où. Bref Bazaar occupe dans la collection de l'auteur une place bien campée, et qu'il n'a pas volée.

    Par dessus tout ça le déroulement du roman est en lui-même une prodigieuse leçon d'intensité. Le chaos monte crescendo, parfois même un peu trop puisque arrivés à la énième blagounette de Gaunt, on peut trouver le schéma un poil répétitif. Heureusement ça ne dure pas puisque que passé ce moment, les évènements décollent pour atteindre une apothéose diabolique que ne saura contrer que notre cher Alan. J'ai lu le roman en VF de 1995, paru en deux parties, et la séparation arbitraire en deux tomes a vraiment nuit au rythme. Si vous avez le choix, privilégiez une édition one-shot, vous serez gagnant. Le conclusion est prenante et surtout (c'est ce que je préfère) douce-amère. Je ne vous en dis pas plus et vous laisse découvrir par vous même qui sortira vainqueur de la lutte pour Caslte Rock ; quelle que soit l'issue, le roman vaut de toute façon le détour !