Auteur : Floriane Soulas
Éditeur : Scrineo (2018)
Genre : Steampunk, Policier
Le résumé : Paris, 1897. De nouveaux matériaux découverts sur la Lune ont permis des avancées scientifiques extraordinaires. Mais tout le monde n'en profite pas ! En dehors du Dôme qui protège le centre urbain riche et sophistiqué, le petit peuple survit tant bien que mal. C'est dans une maison close sur l'un de ces faubourgs malfamés qu'a échoué Violante, prostituée sans mémoire. Alors qu'elle se démène pour trouver son identité dans un monde dominé par les hommes et les puissants, sa meilleure amie disparaît dans d'atroces circonstances. Contre la raison, la jeune femme décide de prendre part aux investigations...
Ma chronique : Avant la semaine dernière, je n’avais plus ouvert de récit Steampunk depuis trois bons mois, et pour être totalement franche, je ne comptais pas spécialement m’y replonger de sitôt. Il faut dire que mes précédentes expériences avec le genre - des échecs complets, au pire ; des romans passables, au mieux - ne me motivaient pas tant que ça à tenter de nouveau le coup. Et puis, surtout, je n’avais pas la moindre idée de la façon dont je devais ré-attaquer la bête. C’est que le Steampunk , bien que plutôt bien fourni côté romans, se fait encore discret et timide dans le monde de la SFFF. En conséquence, en dénicher de bons auteurs ou de bons romans, c’est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin : on ne sait pas trop par où commencer, on manque de repères et on finit par y aller au pif – avec une chance sur deux de se louper. Cependant, dès que j’ai vu Rouille de Floriane Soulas, j’ai su qu’elle et moi on allait s’entendre. Une bonne intuition, et un roman qui malgré son héroïne insupportable m’a réconciliée avec ce genre difficile à exploiter.
Paris, 1897. La révolution française n’est vieille que de quelques dizaines d’années, et déjà l’Homme a conquis la lune. De ses mines, il exploite un métal noble aux multiples usages, le lunium. Pourtant, l’astre recèle bien plus. En ses monts reculés se terre un métal plus précieux encore, l’éternium, matériau de tous les possibles. Mais les gisements sont rares, et le duc Armand de Vaulnay dispose de la seule exploitation lunaire ; l’occasion pour lui d’user du formidable matériau dans la conception d’animécas plus robustes que jamais, et de les mettre à disposition des forces de police parisiennes. Ces dernières en ont en effet bien besoin : prostituées et enfants des rues disparaissent sans laisser de traces, ne refaisant surface que morts et atrocement mutilés tandis qu’une nouvelle drogue ravageuse circule dans Paris. Violante, prostituée solitaire et amnésique – mais néanmoins la plus réputée des Jardins mécaniques - a bien compris que Paris ne tournait plus rond. Cela ne l’empêche cependant pas de descendre la nuit dans les rues afin d’apporter du réconfort à son amie Satine, dont elle partage la condition. Mais un jour, Satine disparaît. Décidée à retrouver la malheureuse, Violante s’échine à mener son l’enquête envers et contre tout – surtout contre sa patronne Madeleine et son proxénète Léon - mais avec des appuis de taille, comme le mystérieux comte Armand de Vaulnay, tombé sous ses charmes. Et si la clef de sa mémoire était à portée de main ?
La plus grande force de Rouille, c’est son univers sombre, étouffant et puissant, mais surtout équilibré. Le monde de Floriane Soulas se met au service d’une intrigue efficace, ni trop abracadrabrantesque, ni trop simplette ; et en retour cette dernière le lui rend bien. Du scénario et de l’univers, aucun ne prend le dessus sur l’autre, et Rouille n’a donc rien de contemplatif ni de dynamique à outrance. Une balance et une alliance parfaites que j’ai savourées à chaque instant de ma lecture ! Et c'est sans parler du côté graphique de l'univers : quoique Floriane Soulas décrive, on s'y croit ! Ceci dit, si j’ai effectivement apprécié l’intrigue et la façon dont elle se coulait merveilleusement dans ce Paris alternatif, je regrette sa prévisibilité – pas systématique, certes, mais fréquente. Floriane Soulas sème plusieurs indices sur le chemin de Violante – qu’ils concernent l’enquête qu’elle mène ou son passé – et cette dernière les saisit bien plus lentement et difficilement que le lecteur. Les révélations n’en sont donc pas vraiment, quand bien même on prend plaisir à voir Violante comprendre enfin ce qui se trame dans son dos. Et quelle affaire avons-nous là, justement ! De quoi faire tourner de l’œil les âmes les plus sensibles, et donner un côté glauque bienvenu au roman. Le Steampunk étant souvent associé aux genres Policier et Thriller, Floriane Soulas n’apporte donc rien de neuf de ce côté-là, mais a le mérite de jouer cette carte avec beaucoup de succès.
Tout n’est cependant pas rose dans Rouille, Violante la première. Comme beaucoup d’autrices – oui, autrices et non auteurs (du moins d'après ce que j'ai pu constater suite à de nombreuses lectures) – Floriane Soulas souffre du syndrome de l'héroïne caractérielle ; et pas qu'un peu. Comme de trop nombreuses écrivaines de Young Adult avant elle, à trop vouloir rendre service à la cause féminine en dépeignant des femmes indépendantes et fortes dans son récit, Soulas passe complètement à côté et ne sert à ses lecteurs qu'une Violante insupportable, colérique et hautaine. Les seules émotions qui transparaissent de la jeune femme sont des émotions brutes et négatives : colère, haine, agressivité et mépris sont constamment au rendez-vous et s'abattent sans cesse sur tous ceux qui l'entourent ; même quand ces derniers ne cherchent qu'à lui apporter leur aide. Dans ces conditions il m'a été impossible de m'attacher à Violante, et encore plus (si c'est possible) de la supporter - surtout quand du jour au lendemain la voilà qui, sans transition aucune, ne supporte plus qu'un certain client pose la main sur elle. Sans vouloir dénigrer sa profession, j'ai trouvé ce revirement peu crédible et bien trop brutal pour passer avec pertinence. Tout comme, d'ailleurs, le comportement de son proxénète et de sa matrone à son égard, bien trop coulant et peu crédible. On lui passe tout, ce qui permet à Floriane Soulas de faire fi des détails et de ne se centrer que sur son intrigue. Un peu facile, non ?
Vous connaissez Katniss Everdeen (The Hunger Games), Kelsea Raleigh (Trilogie du Tearling), Lila Bard (Shades of Magic) et Mare Barrow (Red Queen) ? Hé bien Violante joue dans la même catégorie d'héroïnes imbuvables et hautaines. C'est du moins ainsi que je vois les choses.
En ce qui les concerne et malgré le manque de crédibilité de certains portraits (un proxénète avenant et compréhensif, sérieusement ?), les autres protagonistes offrent de nombreuses possibilités au récit. Contrairement à Violante, la plupart d'entre eux présente différentes facettes que Floriane Soulas exploite très bien. Léon, le proxénète autoritaire, se fait protecteur ; Jules, son gros bras, éveille chez Violante des émotions insoupçonnées et apparemment réciproques ; et enfin Surin - mention spéciale pour ce nom du feu de dieu, immersif au possible ! - dévoile en cours de récit un aspect de sa personnalité inattendu. Ainsi, si Violante est prévisible, ce n'est pas le cas de ses compagnons d'infortune. De quoi relever le niveau et ajouter du pep's à un récit qui en vaut le coup. Car oui, sans être le roman de l'année, Rouille n'en est pas moins une jolie réussite Steampunk. C'est sans doute le roman le plus abouti du genre que j'ai lu jusqu'ici, et j'espère en croiser d'autres comme lui sur ma route.
En bref, malgré Violante avec qui le contact n'est pas du tout passé de mon côté et certains incohérences, Floriane Soulas m'a ravie. Elle propose un roman à l'univers fort et adapté à son intrigue, et que sa conclusion clôt parfaitement. Sans être la fin du siècle, je m'en suis contentée avec satisfaction, et je n'en demandais pas plus. Il y a matière à suivre Floriane Soulas de près, c'est moi qui vous le dit !
Note : 15/20
Date : 12 octobre 2018 - 16 octobre 2018
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