Le Paris des Merveilles, l'intégrale de Pierre Pevel - « Paris, tu nous ouvres ton (coup de) cœur ! »

Auteur : Pierre Pevel

Éditeur : Bragelonne

Genre : Fantasy

Pages : 830 (grand format)

Lu dans le cadre du « Mois de la Fantasy »

Le résumé : Paris, début du XXe siècle. Les messieurs ont de fières moustaches, des chapeaux melons ; les dames portent des corsets, des jupons, des bottines à boutons. Déjà, de rutilants tacots pétaradent parmi les fiacres le long des Grands Boulevards aux immeubles haussmanniens. Mais ce n’est pas le Paris de la Belle Époque tel que nous l’entendons : la tour Eiffel est en bois blanc, les sirènes ont investi la Seine, les farfadets, le bois de Vincennes, des chats-ailés discutent philosophie et une ligne de métro permet de rejoindre le pays des fées. Occupé à enquêter sur un trafic d’objets enchantés, Louis Denizart Hippolyte Griffont, mage du Cercle Cyan, se retrouve mêlé à une série de meurtres. Confronté à des gargouilles immortelles et à un puissant sorcier, Griffont n’a d’autre choix que de s’associer à Isabel de Saint-Gil, une fée renégate que le mage ne connaît que trop bien...

Ma chronique : Mon dernier gros craquage en date, c'est cette intégrale du Paris des Merveilles de Pierre Pevel achetée dans un élan d'enthousiasme lamentablement incontrôlé. Un bon gros coup de tête et de poker chiffré à une quarantaine d'euros - quand même ! - mais in fine un placement terriblement judicieux de mon capital foncier, coup de cœur à la clé. Et dieux que ça faisait longtemps que je n'avais pas vécu pareille expérience fantastico-littéraire. Dieux que c'était bon, que c'était drôle, que c'était intelligent ! J'ai dans la bibliothèque une étagère spéciale « pièces maîtresses » que s'en est instantanément parti rejoindre ce mémorable Paris des Merveilles, et je compte bien venir à bout de vos dernières réticences à vous lancer vous aussi dans ce Paris d'êtres fantastiques, de magie et de vieux dandys. Fouette cocher, on est partis ! ~ et voilà la musique pour l'ambiance.

Louis Denizart Hippolyte Griffont est un mage émérite du cercle Cyan. Il vit dans une maison bourgeoise d'un quartier tranquille de Paris et en ce début du XXe siècle, la ville lumière n'a sans doute jamais mieux porté son surnom - foi de Griffont. En effet, depuis que le Royaume d'OutreMonde peuplé de fées et de créatures fantastiques en tous genres s'est révélé à celui des Hommes, Paris jouit des matériaux exceptionnels dont l'enrichissent ces peuplades extraordinaires. La tour Eiffel est de bois blanc luminescent, les arbres et les chats parlent, et la magie suinte de chaque coin de rue et vous saute au visage. Et de visage, la baronne Isabel de Saint-Gil en a un ravissant qui ne laisse pas Griffont de glace. Le mage et l’enchanteresse font la paire, amants à leurs heures perdues, amis de toujours, et les liens qui les unissent ne seront pas de trop pour démêler les épineuses affaires qui leur tombent sur les bras. Des affaires qui pourraient renverser la monarchie d'OutreMonde si nul gentleman bien intentionné n'intervient ...

On ne le répétera sans doute jamais assez, la fantasy francophone a de très beaux jours devant elle. N'en déplaise aux rageux selon lesquels les auteurs francophones n'écrivent pas aussi bien que leurs homologues anglophones - quand ce n'est pas la soi-disant rareté des auteurs francophones remarquables qu'on pointe du doigt - les lecteurs assidus savent à quoi s'en tenir et peuvent compter sur des auteurs tels que Pevel pour porter très haut les couleurs de la fantasy à la française. Et quel plus bel exemple de réussite que Le Paris des Merveilles ? Quelle plus belle expérience d'intelligence et de drôlerie, de pétillance et de malice que celle-là ? Du gratin mondain à la lie crapuleuse des bas-fonds de la cité, c'est au bras d'un gentleman magicien et d'une baronne aventureuse que Pierre Pevel introduit un Paris qu'on n'aurait même pas imaginé dans nos rêves les plus fous. Amateurs des années folles, vous en aurez pour votre compte et bien plus encore : gnomes, dragons, elfes et chats-savants seront au rendez-vous pour votre plus grand plaisir - la Maison vous le garantit et vous souhaite bien du bon temps en leur compagnie !

Plonger dans pareil univers est un délice, en brasser les flots un régal et boire la tasse une éventualité pas même envisageable. Un peu d'adresse et on esquive sirènes et insubmersibles improbables sans mal : bref, ça pétille et c'est bourré-plein-craqué de caractère. J'a-dore !

Ce qui fonctionne d'autant plus dans ce Paris merveilleux, clinquant et parfois burlesque c'est la touche de noirceur que Pevel y apporte avec des intrigues policières pas tellement joyeuses-joyeuses. Le climat socio-politique d'OutreMonde est tendu, fragilisé par des dissensions internes qu'exacerbent des individus mal intentionnés au service d'un despote qui l'est encore moins. Tel Moriarty et Holmes qui se font face à Londres, c'est à la Reine Noire Lyssandre que s'oppose Griffont avec le soutien non pas d'un docteur Watson et d'un commissaire peu convaincant, mais d'une enchanteresse qui ne manque pas de piquant et d'un lieutenant perspicace. Ajoutez à tout ce beau monde une myriade de protagonistes secondaires explosifs et attachants, quelques références à la littérature de l'époque, un décor pas croyable nourri par une plume extra et un ou deux clins d’œil aux Lames du Cardinal, et vous êtes partis pour Le Paris des Merveilles, aller-simple pour le bonheur et à la revoyure ! L'intrigue du troisième volume est peut-être un peu faiblarde en regard de ses prédécesseuses, mais on n'en accroche pas moins pour autant.

Griffont et Isabel bondissent parfois littéralement d'indices en indices alors que le péril menace Paris et OutreMonde ; on se plaît à être témoin et acteur de cette chasse à la vérité et on ne s'ennuie pas un instant en la compagnie de ce duo d'anthologie à la répartie facile.

Ça m'arrive rarement d'avoir le sifflet coupé et le caquet clapé, mais franchement je n'ai rien à redire du Paris des Merveilles. Cette saga est fabuleuse à bien des égards, elle m'a fait un bien fou et moi qui croyais ne plus pouvoir tenir mon rythme d'autrefois - ah ! la vie d'adulte ! - me voilà détrompée. Comme quoi c'était davantage une question de lectures que de lectrice, et des lectures comme ça j'en veux bien jusqu'à ma mort, surtout si elles sont éditées avec autant de soin et d'attention que cette intégrale. Chapeau Pevel, chapeau Bragelonne, et à très bientôt (ou pas) pour la suite tant attendue de Haut-Royaume.

Note : 20/20

Date :  20 mai 2019 - 27 mai 2019