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  • 9 mars 2019

    Les neiges de l'éternel de Claire Krust - Questions de vie et de mort

    Auteur : Claire Krust
    Éditeur : Hélios (2018)
    Genre : Fantasy, Fantastique
    Pages : 359 (format poche)


    Le résumé : Dans un Japon féodal fantasmé, cinq personnages racontent à leur manière la déchéance d’une famille noble. Cinq récits brutaux qui voient éclore le désespoir d’une jeune fille, la folie d’un fantôme centenaire, les rêves d’une jolie courtisane, l’intrépidité d’un garçon inconscient et le désir de liberté d’un guérisseur. Le tout sous l’égide de l’hiver qui s’en revient encore.


    Ma chronique : Les boîtes littéraires c'est un peu  des réceptions à double tranchant : soit le livre tape dans le mille, soit il laisse de marbre voire déplaît - c'est le jeu ma pauvre Lucette, comme on dit ! Et après l'horrible flop rencontré avec Spin de R. C. Wilson reçu en septembre et jamais chroniqué ici pour cause d'abandon prématuré, j'avais besoin d'une réception qui me remette en selle. Bingo, Les neiges de l'éternel a été celle-là : une belle grosse claque littéraire dans la trogne pour débuter le mois de mars, ça ne se regrette pas et ça se partage !

    Yuki est la benjamine d'une famille noble au plus mal. Son frère Akira, seul héritier du domaine, se meurt depuis des semaines d'une maladie face à laquelle les meilleurs herboristes sont impuissants. Déterminée à ne pas abandonner à la mort ce frère qu'elle aime de tout son cœur, Yuki prend la route en quête d'un guérisseur aux pouvoirs divins. Sur son chemin elle croise quantité de quidams dont elle change la vie, tantôt pour le meilleur, tantôt pour le pire ; quand ce n'est pas la sienne et celle de sa famille qui virent radicalement. Génération après génération, l'hiver s'en va et s'en revient, témoin des maux des Hommes.

    Les neiges de l'éternel est un récit d'une grande et belle authenticité. De la couverture au synopsis, auteur comme éditeur nous le vendent pour ce qu'il est : un recueil de cinq nouvelles empreintes d'un poil de spiritualité, d'une touche de poésie et d'un brin de fantastique. Ni plus ni moins que ce qu'on trouve au détour des chapitres, et tout ce dont on savoure les bienfaits. Il ne paie pas de mine, ce petit récit, et pourtant il fait beaucoup de bien. Au travail, à la maison, dans les transports ; la magie prend partout. La narration y est d'ailleurs pour beaucoup : Claire Krust prend son temps, s'attarde là où il faut pour que la magie émerge et que l'on s'imprègne de son univers, parfois dans les plus infimes détails mais sans que jamais on ne s'ennuie. Si vous cherchez de l'action, de la bagarre et des rebondissements, vous faites fausse route et frappez de loin à la mauvaise porte. L'ambiance est à l'honnêteté, à la paix et au voyage. Un mariage aux saveurs asiatiques incomparables et qui se savoure lentement.

    L'esprit du recueil est intimiste, comme un petit boudoir feutré dans lequel on se jette avec plaisir en fin de journée.

    Difficile pourtant de coller une étiquette à ce roman, et tout particulièrement à son univers. Le Japon y est à l'honneur, mais de là à le savoir imaginaire ou non ... c'est une autre paire de manches. Empereur, Shogun et Daimyôs se disputent les rennes du pouvoir, mais tout ça reste finalement assez vague, le récit étant centré sur la vie des petites gens plutôt que sur l'histoire avec un grand H - une proximité qui fait toute sa force. Claire Krust nous amène dans des contrées populaires dont elle ne s'embarrasse pas des noms, de l'auberge du coin au donjon austère en passant par la demeure isolée. En cours de route le traditionnel culte animiste se révèle d'abord par petites touches puis plus franchement, et même quand il commence à être question d'esprits et de fantômes, on ignore toujours si on a franchi le cap du Fantastique ou non. Du flou, que du flou, mais ce n'est pas un mal. L'enchantement est là.

    A défaut et parce qu'il le faut bien, je range cette petite perle dans le coin Fantasy/Fantastique de ma bibliothèque, mais j'aurais clairement pu la caser ailleurs.

    Dans chaque nouvelle de Les neiges de l'éternel, la vie et la mort se côtoient coude à coude. Elles sont indissociables l'une de l'autre, et la plupart des personnages du recueil font preuve d'un recul étonnant à leur égard. On voit là qu'il s'agit de gens d'un autre temps, avec un rapport différent au monde que le nôtre, et ça y est pour beaucoup dans le charme du récit. Quelques questions se sont frayées un chemin jusqu'à moi et j'avoue encore les méditer aujourd'hui - la vie, la mort, tout ça tout ça. Cependant de tous les protagonistes il faut bien un préféré, et de mon côté c'est la jeune Sayuri que j'ai beaucoup appréciée. Sa nouvelle, L'enfant et la courtisane, fut de loin celle qui m'a le plus touché. Mais au delà des personnage de chair et d'esprit, il y a ceux qui se font plus intangibles et fascinants encore, et Les neiges de l'éternel nous en offre un sur un plateau : l'hiver qui veille, à la fois spectateur et acteur. Joliment mis en avant, il est le fil conducteur de ces cinq nouvelles. C'est un grand oui pour moi.

    Les neiges de l'éternel est donc, pour résumer,  un recueil aux nombreux points forts, mais à ne pas mettre dans des mains avides d'action ; c'est même tout le contraire. L'ennui n'est pas au rendez-vous pour autant, le récit est bourré de richesses à déguster lentement mais sûrement, quand bien même certaines nouvelles volent bien plus haut que d'autres - mon seul petit regret. Tout est là pour charmer, de l'univers aux réflexions soulevées sans prétention, et le caractère plutôt inclassable du recueil n'en entretient que davantage de mystère. Je vous le recommande très, très sincèrement.


    Note : 19/20

    Date :  02 mars 2019 - 05 mars 2019

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