Auteur : Margaret Atwood
Éditeur : Pavillons poche (2017)
Genre : Dystopie, Science-fiction
Pages : 521 (format poche)
Lu dans le cadre du « Féminibooks Challenge »
Le résumé : Devant la chute drastique de la fécondité, la république de Gilead, récemment fondée par des fanatiques religieux, a réduit au rang d'esclaves sexuelles les quelques femmes encore fertiles. Vêtue de rouge, Defred, « servante écarlate » parmi d'autres, à qui l'on a ôté jusqu'à son nom, met donc son corps au service de son Commandant et de son épouse. Le soir, en regagnant sa chambre à l'austérité monacale, elle songe au temps où les femmes avaient le droit de lire, de travailler... En rejoignant un réseau secret, elle va tout tenter pour recouvrer sa liberté.
Ma chronique : Il y a des romans qu'on ne pense jamais à lire, faute d'occasion et d'inspiration. Il y en a même dont on se persuade à l'avance et à tort qu'ils ne sont pas pour nous. La servante écarlate de Margaret Atwood a pour moi fait partie des deux, et sans ma participation au Féminibooks Challenge j'ignore si je l'aurais vu atterrir un jour sur mes étagères. Clairement, c'est dans des cas comme celui-là que je me dis que les challenges ont du bon. Parce que passer à côté de tout ça, de cette bombe littéraire, maintenant que je sais ce que j'aurais raté, ç'aurait été une belle erreur. Une terrible erreur. ~ et dire que la poste a failli ne jamais me l'amener !
Les Etats-Unis d'Amérique tels que nous les connaissions sont tombés en une nuit, et de l'ombre a émergé la République dictatoriale de Gilead. En réponse à la chute dramatique de la fécondité dans la population caucasienne, les fanatiques religieux à la tête du système ont fait des femmes encore en âge de concevoir des Épouses ou des Servantes. Et tandis que les premières jouissent de droits tous relatifs dont ne peuvent pourtant que rêver les secondes, les Servantes se voient dépouillées de tout, jusqu'à leur nom, et réduites à une seule et unique fonction : la conception à tout prix. Defred, Servante écarlate, vient d'être affectée à son nouveau Commandant et son Épouse infertile. Elle dispose de trois années pour donner naissance à un enfant viable. Passé ce délais, ce sera les Colonies et une mort à petit feu. Mais dans sa chambre dépouillée, Defred se souvient des temps d'avant ...
C'est à travers le quotidien de Defred que Margaret Atwood nous fait vivre son roman. Defred dont les journées sont rythmées par les commissions, les Rédemptions populaires et les Cérémonies en la compagnie détestable de son Commandant et de son Épouse. Defred dont on n'attend que le silence et l'obéissance, qu'on surveille étroitement, sans arrêt. Defred à qui l'on a arraché son nom, son enfant ; à qui on a retiré le droit de lire et de posséder. Defred, enfin, que la République de Gilead a brisée mais pas vaincue et qui le soir, dans sa chambre dépouillée, se souvient de sa famille et du temps d'avant. Un temps pas loin du nôtre, d'ailleurs, dont les nouvelles quotidiennes résonnent effroyablement avec ce récit. Plus qu'un roman, La servante écarlate est un témoignage fait de petites choses du quotidien, où l'horreur se trouve dans les détails jetés au détour d'une phrase. Pas d'action, pas de rebondissements ni de courses-poursuites. Rien que le regard que Defred pose autour d'elle avec détachement, et ce qui lui reste d'indignation, d'insurrection et de bravoure. Un parti pris bourré d'authenticité qui m'a beaucoup plu.
La Servante écarlate n'en met pas plein la vue. C'est tout en banalité et en détachement que le roman vous colle ses frissons, et c'est bien ce qui interpelle.
Ce roman vous met face au monde dans toute son horreur passée, présente et future. La science-fiction dystopique comme on l'aime, arrosée d'une bonne grosse dose de féminisme, mais pas que.
J'aurais aimé ajouter quelques mots au sujet du dernier chapitre, ces fameuses « Notes historiques » que nous livre Margaret Atwood en fin de récit, mais le faire reviendrait à dévoiler le clou du spectacle, alors je m'abstiens tant bien que mal. Sachez toutefois que le froid recul qu'on y découvre m'a sans doute davantage marquée que tout le reste - de quoi sérieusement méditer sur le regard parfois condescendant que nous jetons sur le passé.
Bref, La Servante écarlate est aux antipodes de la dystopie façon Hunger Games ou Divergente. Si c'est ce que vous cherchez, alors partez fouiner ailleurs, vous seriez déçus voire même dégoûtés de tant d'inaction et de longueurs. Mais pour peu que vous soyez demandeurs de réalisme, c'est un roman prenant et magistral qui vous attend, construit à la façon d'un grand huit et conté avec un détachement effroyable auquel j'ai personnellement adhéré. A lire d'urgence !
Note : 18/20
Date : 06 mars 2019 - 10 mars 2019
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