Auteur :
Hugh Howey
Éditeur : Actes Sud (2013)
Genre : Science-fiction
Pages : 558 pages (grand format)
Le
résumé : Dans un futur post-apocalyptique indéterminé, une
communauté d'hommes et de femmes a organisé sa survie dans un silo souterrain
géant. Du monde extérieur, devenu hostile, personne ne sait rien, sinon que
l'atmosphère y est désormais irrespirable. Les images de mauvaise qualité
relayées par d'antiques caméras, montrant un paysage de ruines et de
dévastation balayé de vents violents et de noirs nuages, ne semblent laisser
aucune place à l'illusion. Pourtant, certains continuent d'espérer. Ces
individus, dont l'optimisme pourrait s'avérer contagieux, représentent un
danger potentiel. Leur punition est simple. Ils se voient accorder cela même à
quoi ils aspirent : sortir.
Ma
chronique : Je ne me suis réellement lancée dans la science-fiction
qu'il y a peu. Et à la lecture d'un livre tel que Silo, je sais que
j'ai eu raison... et que ce genre a beaucoup à m'apporter.
Imaginez
un monde dévasté. Toxines mortelles et atmosphère irrespirable, terre de
poussière et ruines de ce qui fût jadis des villes pour seul horizon. Un
monde où les hommes ont trouvé refuge sous terre, dans un silo bétonné de plus
de cent étages. La durée de son ascension ? Trois jours. Et pour seule fenêtre
vers le monde désolant qui le surplombe, un écran géant relayant à tous des
images du dehors... dont il n'est pas permis de rêver. Mais si la majorité
de la communauté du silo s'est faite à la rigueur de la vie en ses murs,
certains contestent l'authenticité de ces images et osent espérer un monde
meilleur là en haut qu'il ne l'est en bas. Ceux-là se voient alors punis à la
mesure de leur témérité : le silo leur ferme ses portes à jamais. Le shérif
Holston est d'ailleurs le dernier à en avoir fait les frais ; et c'est à Juliette,
une machiniste de trente ans, qu'on propose le poste désormais vacant. Une
nomination qui n'est pas du goût du directeur du département d'infotechnologie
du silo. Or ce dernier a en sa possession connaissances et moyens pour changer
la donne ...
L'un
des points essentiels d'un roman de science-fiction, c'est d'être capable
d'accrocher le lecteur dès les premières lignes. C'est de s'assurer que
l'immersion soit immédiate et efficace ; et que le lecteur ne demande
rapidement plus qu'une seule chose : en (s)avoir encore, en (s)avoir plus. Et
c'est exactement l'effet qu'ont eu sur moi les premiers chapitres de Silo.
Car en six chapitres, Hugh Howey joue déjà avec vos nerfs et vous
bouscule. Il force d'entrée de jeu le lecteur à remettre en question
tout ce qu'il croyait avoir saisi de son univers, et à repenser totalement ce
qu'il tenait pour intrigue principale. Et j'aime être percutée de la sorte.
Objectivement
parlant, Silo est un roman sacrément volumineux... et c'est
tant mieux, car il y en a alors davantage à savourer ! Mais si certains y
verront un obstacle (les pavés ne plaisent pas à tout le monde, c'est sûr), sa
découpe en chapitre de cinq à dix pages en facilite grandement la progression.
Les choses sont simples : pas le temps de se poser des questions qu'on a déjà
lu une centaine de pages. Ici, le piège du "allez, encore un chapitre
et puis j'éteins !" se referme immanquablement sur le lecteur.
D'autre
part, et même si Hugh Howey donne l'illusion en début du roman de ne suivre
qu'un seul et même protagoniste, Silo est une oeuvre aux
points de vue multiples. Un élément supplémentaire qui apporte de la fluidité
et du rythme au récit même si, comme bien souvent dans ce cas, le lecteur a ses
préférences. En l’occurrence, c'est Juliette qui a eu la mienne, et c'est avec
plaisir que je l'ai suivie tout au long des cinq cent pages du roman. Car
Juliette est une mécano. Représentante d'une profession que j'ai peu
rencontré au cours de mes lectures, Hugh Howey use impeccablement de ses
compétences pour influer sur l'intrigue. Ce que j'ai
grandement apprécié, car bien souvent les métiers de cette trempe ne sont
associés à des protagonistes féminins que pour leur donner davantage de
caractère... comme si résolution, opiniâtreté et fermeté s’acquerraient nécessairement
dans le cambouis.
Bernard, l'antagoniste suprême de ce récit, intervient pour beaucoup dans le succès du roman. En tant que chef du département d'infotechnologie, il jouit d'une immunité et d'une influence quasi totales et, surtout, d'un savoir qu'il est le seul à détenir : celui des raisons qui ont poussé les hommes à se terrer sous la surface. Ainsi, Bernard est un homme qui a fait ses choix et qui les assume. En regard du passé, il accepte le prix à payer pour maintenir la vie au sein du silo. Et en cela, on s'écarte du manichéisme classique de la littérature de l'imaginaire. Bernard n'est dur, calculateur et pragmatique que par nécessité et non par nature. Il pose d'ailleurs certaines réflexions pertinentes quant au poids des responsabilités qui lui incombent, et la façon dont il leur fait face (certes très discutables mais, dans le fond, pas si incompréhensibles que cela). Un personnage tout en nuances de gris plutôt que d'un noir de jais, à l'image de nombreux autres protagonistes de Silo.
Claustrophobes, cependant, s'abstenir. Comme son nom l'indique, Silo se déroule essentiellement en espace clos. Une tour gigantesque, toute de béton et de tôle, enterrée sur des kilomètres et des kilomètres et surplombé d'une atmosphère irrespirable... il y a de quoi se sentir oppressé à plus d'une occasion. Mais c'est cela également, le charme de Silo : cette tension palpable de la masse confinée, cette insurrection ascendante qu'on sent poindre à l'horizon ... et cet éclatement final, véritable feu d'artifice. A l'image d'une cocotte minute, la pression monte, et monte, et monte, et monte dans le silo, sous les yeux du lecteur qui n'attend plus qu'une chose : savoir quel élément mettra réellement le feu aux poudres.
Enfin, Silo, c'est aussi un discours et un imaginaire d'une force incroyable qui s'impriment en vous sans que vous y preniez gare. Même refermé, ce roman garde votre esprit captif pour un moment. Un peu comme une toile d'araignée dont on n'arrive pas à se défaire tout à fait. Et vu la nature de la toile, c'est avec plaisir que j'en suis restée (et en resterai encore un moment) prisonnière. Que vous dire de plus, si ce n'est que Silo est mon troisième coup de cœur de l'année ?
Date : 15 mars 2018 - 18 mars 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire