Auteur : Robin Hobb
Editeur : Pygmalion
Genre : Fantasy
Pages : 768 pages (grand format)
Résumé : FitzChevalerie Loinvoyant, bâtard de la famille régnante des Six-Duchés et assassin royal à la retraite, a quitté la cour et ses intrigues pour couler des jours paisibles dans sa demeure de Flétribois. Aux yeux du monde, Fitz est mort et enterré. Loin du roi et de ses basses besognes, celui qui vit désormais sous le nom de Tom Blaireau profite néanmoins d'une vie respectable de propriétaire terrien, marié à son amour de jeunesse, Molly. Bien qu'il soit hanté par l'absence de son ami le Fou, dont il n'a plus de nouvelles depuis bientôt dix ans, et la disparition de son loup, Œil-de-Nuit, les vicissitudes du quotidien ont relégué le Prophète blanc et son compagnon de Vif au rang de souvenirs. Jusqu'au jour où de pales inconnus arrivent sur ses terres et menacent le bien-être des siens...
Saga abandonnée - hé oui !
Mon avis : Comme beaucoup de lecteurs Fantasy je suis passée par une grosse phase Robin Hobb. Je l’ai découverte à vingt ans et ses romans me rappellent toujours cette période incroyable entre guindailles, études et bouquins. Allez savoir pourquoi j’ai tardé à me lancer sur l’épilogue en 3 tomes de L’assassin royal : Le Fou et l’Assassin. Chance pour moi, avec le temps les 6 tomes en VF ont été réunis en 3 intégrales qui respectent la partition de la VO (car oui en 2022 on charcute toujours les VO) ; c'est sous ce format de grosse briquasse que j'ai repris l'aventure "Fitz". J’avais vraiment hâte de retrouver la magie Hobb et de renouer avec ses personnages comme avec de vieux amis, mais sans y aller par quatre chemins ça a été un énorme flop. Le Fou et l’Assassin est la suite fan-service de l'AR, et je ne comprends pas ce qui a motivé Robin Hobb à l'écrire.
Alors, prêts à plonger dans les eaux glacées de ma frustration ?
Fitz Chevalerie Loinvoyant est mort.
Tom Blaireau se la coule douce à Flétribois avec sa Dame Molly, sa fille Ortie et ses beaux-enfants. La vie au domaine est douce bien qu’il manque à Tom la présence de ses deux meilleurs amis. Ce n’est pourtant pas faute au Fou disparu d’essayer d’entrer en contact avec Tom, mais hélas la vie de dotaire a émoussé les sens de l'Assassin qui loupe systématiquement toute tentative de contact. Son instinct lui fait d’ailleurs encore défaut quand Molly donne naissance à une petite fille dans la surprise générale et dans des circonstances inhabituelles. L’étrangeté de la gamine est flagrante et Tom s’emploie (difficilement) à devenir un père aimant. Il lui faudra toutefois renouer avec son passé si il souhaite préserver sa fille des dangers qui rôdent en dehors et en dedans de Flétribois... et retrouver un ami depuis trop longtemps perdu.
J’ai essayé de vous faire un résumé consistant et sans spoil, mais rien qu’avec ces quelques lignes je vous ai grosso modo dévoilé la première longue moitié du bouquin. Je vous arrête tout de suite, je ne suis pas coupable ! (hé non) car on touche là au principal problème de cette suite : il ne se passe strictement rien ! La vie à Flétribois est ennuyeuse, les scènes inutiles se succèdent et tirent en longueur un roman qui aurait facilement pu faire la moitié de sa taille seulement. Des petits triggers intéressants popent à gauche à droite comme pour venir cravacher la vieille carcasse de ce livre monotone ; des traces de pas mystérieuses dans la neige, une messagère pourchassée et mourante, un rêve prémonitoire un peu dingue, mais rien de concret ne bouscule l'intrigue. Je suis familière de l'autrice et de ses histoires plutôt indolentes au démarrage, mais là vraiment c'est trop. Au lieu d'une nouvelle aventure dans les Six-Duchés pleine de vie et d'émotions, j'ai assisté aux disputes familiales Loinvoyant, aux commérages domestiques et à la paternité pathétique de Fitz.
Les cinquante premières pages sont pourtant bourrées de promesses. Le récit commence super bien avec une invitée disparue en pleine réception d'hiver et dont on ne retrouve que des traces sanguinolentes. Fitz conte sa propre histoire au passé, avec le recul du narrateur qui sait où il a merdé (au moins peut-on lui décerner le prix de la lucidité). Dès le début on sait donc que le Fou est vivant et qu'il tente de se frayer un chemin jusqu'à Fitz, et dès le début on témoigne de l'incapacité du bâtard Loinvoyant à décrypter les évidences. Quel énervement ! Et j'ai un jour apprécié ce héro neu-neu, vraiment ? Parce que qu'on se le dise : quand on a vécu une vie comme la sienne, on est censé savoir que les coïncidences n'en sont jamais. Même au fond d'un domaine paisible, après ses aventures dingues dans l'Assassin royal (AR), Fitz doit savoir que le hasard n'existe pas. Qu'il s'empâte et s'encroûte, okay. Qu'il cède à la mélancolie, okay. Mais pas ça, ça ne colle pas. Je ne comprends pas ce choix de le faire tourner autour du pot pendant six cent pages. Ce n'est pas raccord avec le personnage du tout.
Et parlons parentalité deux secondes : pour un gars qui s'est si longuement lamenté de son absence aux côté d'Ortie (et qui s'en lamente toujours à plusieurs reprises), je m'attendais à découvrir un Fitz transformé par sa paternité nouvelle. Hé non, c'est un père claqué au sol ; appelez les services sociaux, il n'est même pas au courant qu'un enfant doit être habillé, lavé et occupé ~ hé bon, sans vouloir instrumentaliser la Fantasy et y caser de force des questions de société, ça aurait pu être sympa de dépeindre un père capable plutôt qu'un énième assisté sans esprit d'initiative. Je ne demande pas un père solo exemplaire, mais là vraiment tant d'incapacité me sidère ...
Je vois venir les défenseurs de Fitz : non, le décès d'êtres chers n'est pas une excuse. Y a marre de ce personnage qui ne cesse de se lamenter, l'occasion était justement là d'en faire (enfin) autre chose !
Quant aux autres protagonistes, tous ont été décevants. Je les ai trouvés figés dans les mêmes insupportables défauts qu'il y a vingt ans, sans volonté de les faire évoluer. Fitz est toujours centré sur lui-même, comme à son habitude occupé à broyer du noir et ressasser le passé. Molly incarne la femme telle que je déteste la voir écrite, à porter son couple, sa famille et son domaine à bout de bras comme si c'était là sa juste place. La famille Loinvoyant est d'une fausseté odieuse, et la petite Abeille un reboot du jeune FitzChevalerie dans l'AR : une gamine taciturne et asociale aux capacités latentes. Je n'en reviens pas qu'après vingt ans Robin Hobb n'ait pas cherché à amorcer la moindre petite évolution.
Et juste pour la pertinence (parce que ça m'a titillée toute ma lecture), faudra aussi arrêter de légitimer les batârds Loinvoyant dans un Royaume où, par définition, ils ne devraient avoir le droit que de se faire oublier dans un coin de la Cour. Qu'on m'explique ce que le sacro-saint sang Loinvoyant a de si spécial, s'il vous plaît.
La conclusion n'est pas surprenante et le cliff-hanger final insuffisant pour me donner envie de poursuivre dans un second tome qui partagera certainement tous les défauts du premier (avec sans doute une petite touche de romance ambiguë et platonique Fou/Fitz). J'ai lu beaucoup de livres : j'en ai adoré, j'en ai détesté, mais je crois que c'est la première fois que je regrette vraiment d'en avoir lu un. On ne m'enlèvera pas de la tête que les Six-Duchés se portaient mieux sans lui ; ce livre a bousillé le souvenir que j'avais de cette histoire incroyable et de la fin parfaite de son treizième tome - une fin ouverte qui se tenait très bien toute seule. Sitôt terminé, sitôt revendu.
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