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  • 3 avr. 2020

    Olangar, bans et barricades, tomes 1 et 2 (fin) de Clément Bouhélier – La social-fantasy des nains, des elfes et des orcs


    Auteur : Clément Bouhélier
    Editeur : Critic
    Genre : Fantasy
    Pages :  446 et 489 respectivement (grands formats)

    Résumé du tome un : Dix-sept ans ont passé depuis la bataille d'Oqananga, où la coalition entre les elfes et les hommes ont repoussé les orcs par-delà les frontières. A l'approche des élections, Olangar est une capitale sous tension, véritable poudrière où seule manque une étincelle. Tandis que les trois candidats noircissent les journaux de leurs promesses, les ouvriers s'épuisent dans les usinés, les acidents se multiplient sur les chantiers navals et la Confrérie des nains menace d'engager un mouvement de grève d'une ampleur sans précédent. Leur meneur, Baldek Istömin, ira jusqu'au bout. Au même moment, Evyna d'Enguerrand, fille d'un ancien seigneur de guerre, débarque en ville pour chercher la vérité sur la mort de son frère, assassiné au Grand Mur dans d'étranges circonstances. Pour l'aider, elle fait sortir de prison Torgend Aersellson, un elfe banni par les siens et un vieil ami de son père. Ensemble et avec l'aide de Baldek, ils se lancent dans une enquête acharnée qui les mènera des bas-fonds de la cité aux confins du royaume, là où l'ombre des orcs menace encore.

    Ma chronique : Rester cloîtré à la maison en cette période de confinement, c'est drôle trois-quatre jours, puis basta, y a de nouveau besoin d'air et d'occupations. Sauf que faute de pouvoir traîner en terrasse, de se faire un petit ciné ou d'inviter du monde autour du barbecue, il faut s'occuper comme on peut ... et à ce petit jeu les lecteurs du monde entier sont vachement fortiches. Depuis une quinzaine de jours c'est la course à qui videra sa PAL le plus vite, et vu l'état de la mienne, rentrer dans le game n'était franchement pas si mal ! Après de longues et harassantes fouilles presque archéologiques dans mes caisses de livres, j'ai donc fini par dénicher un roman que je gardais justement sous le coude en cas de crise apocalyptico-pandémique : Olangar, tome un, de Clément Bouhélier – rétrospectivement une idée de génie. Dans ma lancée je me suis fait livrer le tome deux (pas bon pour la PAL, je sais), et là je suis présentement chaude comme les forges de Frontenac pour vous partager tout le bon que j'en pense – les vapeurs méphitiques en moins, et quelques nains syndiqués en plus.

    Olangar est en effervescence. Le mandat du Chancelier unioniste d'Aspremont touche à son terme, et bientôt le peuple devra se choisir un nouvel élu. Le candidat sortant s'oppose fermement à la tête de liste régionaliste, Ransard d'Alverny, tandis que sorti du nulle part émerge Malberg, un homme dont le discours ferme, populaire et sécuritaire trouve écho chez de nombreux des citoyens. Sur les chantiers navals, la préoccupation n'est pourtant pas aux urnes. Depuis plusieurs semaines, les ouvriers nains sont victimes d'incidents tristement fréquents que l'intervention d'une Confrérie ouvrière musclée de parvient pas à réduire. Baldek Istömin, maître de l'officine portuaire, est contraint de creuser la sombre affaire que semble dissimuler le géant Grand Large. Evyna d'Enguerrand est une audacieuse jeune sudienne à la recherche de réponses concernant la mort de son frère, prétendument décédé lors d'une patrouille au grand mur de l'Ouest. Avec pour alliés Torgend, un elfe banni en quête de repentir et le nain Baldek, l'affaire prend rapidement un tournant national : la mort d'Andréan semble d'une façon ou d'une autre liée aux agissements suspects des grandes compagnies d'Olangar ... et de la Chancellerie elle-même.

    Tout le monde a ses raisons de lire de la Fantasy. Il y en a un bon paquet et on n'est pas là pour en refaire le tour déjà superbement bouclé par certains, mais moi ce que j'aime particulièrement dans ce genre, c'est qu'en général je demande rien - à part un bon récit, évidemment – et qu'il m'apporte pourtant constamment. Des connaissances brutes sur l'art de mener une charge de cavalerie, sur ceux de tenir un siège et de passer commande en taverne comme une pro (sait-on jamais, je reste persuadée que ça peut servir) ; mais aussi pas mal de pistes réflexives tous domaines confondus : un peu de philo parfois, et même de la socio. Sous ses airs humbles, sous la crasse du prolétariat nain, des gueules noires et des patrons de la pègre qui fleurissent dedans, Olangar fait partie de ces romans qu'on est contents d'avoir lus. Parce que ça change de chevaliers, des rois, des reines et des mondes en péril ; parce qu'entre les lignes on cause des droits des travailleurs du petit peuple, de ceux qui triment au fond des mines de mildur aux ouvriers nains qui crèvent sur leurs chantiers, de l'importance de la cotisation sociale, aussi, et de l'émergence des syndicats – et imaginez vous la chose : un syndicat nain ! – ; et enfin parce qu'il est question d'aller aux urnes, de se bouger les fesses ... en faisant au passage la lumière sur un odieux complot d'état (ça, c'est pour le côté trame principale qui tient méchamment en haleine). Tout ça, tout ces éléments, ça se tient et ça envoie d'autant plus de pâté que ces données, je m'attendais clairement pas à les trouver un jour dans un roman d'urban fantasy que pour le coup j'ai plutôt envie de classer dans un genre nouveau : la social-fantasy – tous droits réservés, je dépose ma marque, a-ha !

    Mais entre les revendications des syndicats nains aux méthodes vachement musclées et les politiques dépassés par la tournure de la crise sociale qu'ils ont précipitée par leur inaction, il y a la Fantasy plus classique, celles des créatures magiques, des tavernes miteuses et des bandits de grands chemins, à laquelle on a toutefois donné un gros coup de plumeau. On découvre les nains, les elfes et les orcs en plus ou moins bons citoyens du royaume d'Olangar ou en voisins belliqueux, le tout dans un contexte industrialisé façon XIXe qui tranche avec les habituelles places fortes moyen-âgeuses, forêts elfiques verdoyantes ou canyons accidentés qu'on a l'habitude de lire. Olangar, c'est les mines de mildur, les chantiers navaux, les lignes de chemin de fer rugissantes. Frontenac, c'est l'enfer des fonderies, la chaleur, le bruit et les vapeurs toxiques qui émanent des grandes industries sidérurgiques qui se tamponnent de la populace à leurs pieds. Entre les deux, les plaines où le vent et le froid hurlent et mettent à mal les lignes télégraphiques, les poursuites à dos de cheval ou en draisines, les grosses frayeurs des attaques de train surprise, et en fond les slogans électoraux démagos à base de « votez pour moi ! ». Avouez, vous en avez l'eau à la bouche.

    Pour le contexte XIXe siècle, Olangar rejoignent d'ailleurs la série des Extraordinaires enquêtes de Sylvo Sylvain de Raphaël Albert. Ici on rigole toutefois beaucoup moins mais pour l'ambiance grande ville crasseuse et charbonneuse restituée avec style, on y est !

    Vous l'aurez compris, Olangar a la très grande classe. Il y a le fond (les terribles luttes sociales qui déchirent la capitale noire de houille), il y a la forme (le style riche, agréable, dynamique et hyper bien dosé de Clément Bouhélier) et enfin, il a ce qui met les deux en valeur : la trame. Le scénario. Je vous dirai pas qu'on voit rien venir, ce serait un peu abuser. Par contre je peux vous dire que Clément Bouhélier maîtrise à fond son récit, distille les éléments de réponse à gauche et à droite sans les rendre trop évidemment accessibles à ses protagonistes : ils souffrent et luttent  comme il faut pour les dénicher, et vous savez que j'aime les personnages torturés - alors bon, là j'ai simplement kiffé ma vie pendant neuf cent pages. Chaque élément nouveau soulève une question nouvelle, entraîne Evyna, Torgend, Baldek et leurs camarades vers des pistes dont on s'interroge sur le lien avant que les révélations nous tombent dessus. Mes intuitions ont souvent été les bonnes mais je l'attribue surtout au talent d'instigateur de l'auteur plutôt qu'à une prévisibilité convenue du roman – et honnêtement, vu la tronche du livre que je viens de finir ce dimanche et la catastrophe que ç'a été, croyez-moi, y a rien de négatif qui se cache dans cette chronique quand je parle de la légère prévisibilité d'Olangar. D'ailleurs plutôt que de parler de prévisibilité, mieux vaut dire que j'étais en phase, je pense, avec la toile que tissait Bouhélier de chapitre en chapitre. Carrément en phase, en fait.

    Tout s’enchaîne comme un parcours de dominos : on passe d'une cité à l'autre, d'une administration à une autre et c'est presque par magie que tout ce qui s'était fait la malle dans une dizaine de directions en début de récit se rejoint très habilement sur la fin. Et ce sentiment de voir que tout est maîtrisé, il est hyper agréable.

    Allez, je ne vous cache rien : j'ai tout de même parfois trouvé le temps un peu long du côté de nos amis les nains qu’on cerne assez vite, et qui au bout d'un premier tome ne parviennent plus à créer très franchement la surprise. Mais c'est tout. Concernant la fin, on est sur le plus pur style doux-amer (plus amer que doux, soyez prévenus), avec potentiellement la possibilité de retrouver plus tard deux des camarades du récit, mais pour des aventures diamétralement différentes – qui sait, moi ça pourrait bien me plaire ! C'est pas souvent que je recommande aussi chaudement des romans, mais là je suis enthousiasmée par ces deux tomes vachement bons et homogènes. Si l’un ou l’autre traîne dans votre PAL où que vous vous apprêtiez à passer commande en ligne … misez donc dessus !

    Date : 16 mars 2020 - 24 mars 2020

    Note : 18/20

    10 commentaires:

    1. Je suis très curieuse, je ne me serais pas arrêtée au départ, mais ton avis le rend très sympathique et intéressant. Je pourrais me laisser tenter si l'occasion se présente ^^

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      1. C'est un livre très discret dont on n'entend pas des masses parler, mais effectivement il vaut le coup ! J'espère que l'occasion se présentera pour toi :-)

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    2. J'avoue que je n'aurais pas été tentée dans un premier temps, mais ton avis me rend curieuse ! J'ajoute le premier tome dans ma wish-list, si jamais je souhaite me lancer dans l'aventure et me dépayser un peu :D

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      1. Yes, si tu l'as ajouté à ta WL, c'est que j'ai réussi ma mission :-D !

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    3. Comme Ewylyn et Nephtys, je ne serais pas allée vers le livre par moi-même mais ton avis m'a rendu vraiment hyper curieuse ! Je suis absolument fan de la façon dont tu parles de livres. 😍
      En tout cas, moi la social-Fantasy ça m'intéresse donc je pourrais me laisser tenter dès que l'occasion se présentera ^^

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      1. Tu verras, c'est atypique mais tellement sympathique ! Avec ça, y a de quoi fermer le caquet des gens qui dénigrent encore la littérature Fantasy ! ^-^

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    4. Ca à l'air bien sympa, je note !

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    5. oh bah dis, j'aime bien l'idée, ça a l'air d'un traitement fort original !

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      1. J'ai pas l'impression d'avoir lu d'autres romans du genre, donc on peut dire que c'est original, ça oui :-D ! J'espère que tu tenteras l'aventure un jour !

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    6. J'ai noté ce dyptique les premiers mois de sa sortie, toujours pas sauté le pas mais un jour promis j'irai ouvrir ces romans ^^

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