Auteur :
H. P. Lovecraft
Illustrateur :
F. Baranger
Genre :
Fantastique, horreur
Éditeur :
Bragelonne
Résumé : « Corona Mundi... Toit du Monde... Toutes sortes de formules fantastiques nous vinrent aux lèvres tandis que nous contemplions, depuis notre point d'observation vertigineux, l'incroyable spectacle. » Arkham, 1933. Le professeur Dyer, éminent géologue, apprend qu'une expédition scientifique partira bientôt pour l'Antarctique avec pour ambition de suivre les traces de celle qu'il avait lui-même dirigée en 1931. Dans l'espoir de dissuader cette tentative, Dyer décide de faire un récit complet des tragiques événements auxquels il survécut, cette fois sans omettre les passages qu'il avait écartés à son retour, de peur d'être pris pour un fou. Deux ans plus tôt, les navires affrétés par l'université Miskatonic avaient accosté le continent glacé au début de l'été austral, et le contingent de quatre professeurs et seize étudiants s'était mis aussitôt au travail. Les premiers résultats ne s'étaient pas fait attendre et le biologiste de l'expédition, le professeur Lake, était parti de son côté avec plusieurs membres de l'équipe afin de suivre une piste fossilifère prometteuse. Au bout de quelques jours à peine, il avait annoncé par radio avoir découvert de stupéfiants spécimens d'une espèce inconnue, extraordinairement ancienne, avant de cesser toute communication après une terrible tempête. Pressentant le pire, Dyer s'était porté à leur secours le jour suivant. Ce qu'il avait découvert sur place dépassait ses craintes les plus folles...
Chronique :
Lovecraft, tout le monde connaît. Mais de là à dire que tout le
monde en lit, faut pas pousser bobonne trop loin dans les orties.
Toute fana que je suis de littérature de l'Imaginaire et de bons
gros récits horrifiques (à mes heures perdues, le frisson, c'est
carrément mon truc), il m'a fallu un sacré bout de temps pour
trouver le format qui me collait le plus à la peau. Les nouvelles
hyper denses version papier, bof, très peu pur moi. Alors quand a
débarqué François Baranger et son talent fou d'illustrateur – ou
d'illustrateur fou, c'est selon – j'ai bondi sur l'occasion et
passé un moment dingue en la compagnie de notre maître à tous et
Grand Ancien à tentacules. Seulement Baranger n'en est pas resté à
L'appel de Cthulhu. Il a poursuivi sur sa lancée et illustré
un autre monument de Lovecraft : Les montagnes hallucinées –
également connues sous le joli nom de Montagnes de la folie.
Et causer de monument, c'est vachement pertinent dans le cas qui nous
occupe : géologiquement, littérairement et graphiquement
parlant, cette édition illustrée, elle en impose. Alors chaussez
les crampons, enfilez une petite laine et prévoyez un rendez-vous
chez un psy sur le retour, on part en Antarctique découvrir une cité
inexplicablement ancienne et oppressante juste un poil.
Le professeur Dryer est
un éminent géologue de l'université de Miskatonic dont la
réputation n'est plus à faire. En 1931, il met sur pied une
expédition vers l'Antarctique afin d'y effectuer des prélèvements
rocheux prometteurs. Son équipe se compose d'une vingtaine de gens
de science : étudiants et aspirants géologues, ingénieurs
émérites et professeurs de biologie ainsi que de physique.
Rapidement l'expédition porte ses fruits. A peine effectués, les
premiers forages offrent à l'équipe quantité d'informations sur la
structure du contient ainsi que nombre de fossiles, parmi lesquels un
pose particulièrement question. Poussant plus avant les recherches
sur l'étrange échantillon, l'équipe met la main sur quelques
spécimens inconnus remarquablement conservés par la glace, et dont
la structure interpelle autant qu'elle enflamme l'enthousiasme des
biologistes. Mais soudain l'atmosphère se fait lourde et la vent
balaie davantage le camp, saisissant l'équipe totalement prise au
dépourvu ...
Comme pour L'appel de
Cthulhu, on ne va pas faire trop long pour Les montagnes
hallucinées et le moment au top
que j'ai passé dessus. Quand bien même les œuvres de
Lovecraft sont sujettes à de nombreuses études poussées côté
universitaire (le comble pour un gars qui n'a pas été lu des masses
de son vivant), ma petite approche terre-à-terre d'amateure de
bouquins calée en sciences me convient bien et sonne plutôt juste
avec le ton de la nouvelle – ou plutôt avec celui de sa première
partie, Bragelonne ayant divisé comme Ki-oon avant elle la nouvelle
en deux tomes. C'est que Lovecraft
a beau être un grand personnage littéraire, il m'a tout l'air
d'avoir aussi été un sacré homme de sciences (ou du moins un
bonimenteur de classe intergalactique). A la lecture des Montagnes
hallucinées, j'étais
vachement contente d'avoir un solide background de biologie et un
petit bagage résiduel de géologie derrière moi pour m'aider à
comprendre tout ça. Car oui, soyez prévenus, il y a de
l'info là-dedans, et nettement plus que ce qu'on peut facilement
saisir grâce aux maigres connaissances scolaires. Les mots
choisis par Lovecraft pour coucher sur papier le témoignage de
Dryer sont ceux qu'on attendrait d'un rapport d'expert authentique
(c'est le but, ça tombe bien) : jamais rébarbatif, c'est
pourtant parfois déroutant à la lecture et on s'y paume
facilement si on n'y prend pas garde. En dignes gens
du XXIe siècle, on n'a plus franchement l'habitude d'user de
terminologies exactes : le langage se simplifie, ça fait grosse
tête de trop la ramener avec des mots compliqués, tout ça tout
ça, et on perd très
regrettablement l'habitude d'appeler un chat un chat.
Mais voilà : moi
qui pendant mes études me demandais à quoi diable allait pouvoir me
servir l'analyse profonde du cycle de reproduction des fougères et
de l'anatomie des cnidaires, j'ai enfin trouvé un sens à tout ça –
alors huit ans plus tard, merci Lovecraft, merci !
Plus sérieusement,
l'auteur se fond ici totalement dans le personnage du professeur
Dryer livrant la vérité toute nue sur son expédition dans
l'Antarctique. L'idée est d'empêcher d'autres petites curieux de
s'aventurer sur leurs traces au nom de la science, et en bon public
bien attentionné, on comprend vite que c'est pas pour garder sa
découverte pour lui que Dryer prend la plume. Comme on peut
l'attendre d'un homme de faits s'adressant à ses pairs, l'approche
de Dryer par le biais de Lovecraft est mathématique : au début
comme à la fin (plus délicate à rédiger pour cause d'équilibre
mental vacillant, comme on s'en doute) il ne s'embarrasse pas de
trémolos. Il dresse à la place un compte-rendu exemplaire de
l'aventure traumatisante dont il est apparemment l'un des seuls
rescapés. Il y a des dates, des coordonnées, des
retranscriptions rigoureuses de communications radio et nombre de
rapports à l'appui ; bref, il y a des faits
avant tout, et tout autour un récit horrifique habilement tricoté.
Le must dans tout ça, c'est que ça sonne en
conséquence très, très vrai – sans
doute trop pour garder un semblant de santé mentale ... une
thématique récurrente chez Lovecraft, à savourer sans modération
pour les fanas un peu siphonnés de fantastique.
Mais il n'empêche, en
pur format papier, tout ça m'aurait sans aucun doute un peu trop
alourdi la caboche, et je serais passée à côté d'un moment et
d'un texte extras. Sauf que grâce à François Baranger, c'est aéré,
ça respire l'air bien frais mais surtout c'est vivant.
Chaque page est un régal un peu malsain de lecture et de
contemplation, chaque recoin appelle un coup d’œil poussé à
gauche, à droite, au fond du tiroir ouvert négligemment là bas au
bout de la pièce ... ou au fond de la grotte où Dryer et son équipe
ont déniché cinq spécimens fantastiques. Des représentants d'une
espèce assez incroyablement ancienne pour susciter un intérêt
proche de l'obsession, et à l'anatomie tellement improbable que
c'est sans aucun doute une structure alien/mutant/monstre
(appelez-les comme vous voulez, zut !) carrément crédible.
Parce que bon, les extra-terrestres humanoïdes et insectoïdes,
c'est quand même trop beau, trop vu-revu-rerevu et trop commode. Je
voulais du WTF qui sorte de la symétrie bilatérale, des deux bras
et des deux jambes, et j'ai été servie tellement bien que sans
Baranger pour assister mon cerveau clairement pas fait pour se
représenter pareille chose, j'aurais difficilement réussi à
imaginer tout ça. Encore une fois on a la preuve que le duo
fonctionne du tonnerre, et puisse la collaboration durer tant qu'il y
aura des nouvelles à illustrer.
La prochaine parution
Baranger-Lovecraft ne fait toutefois aucun doute, évidemment :
le second tome des Montagnes hallucinées est largement
attendu et j'espère que c'est pour bientôt. Du haut des montagnes
surclassant l'Everest où il s'est engagé en quête de réponses,
Dyer a encore une poignée de chapitres à livrer pour dissuader
quiconque d'un jour poser le pied aux abords de la Corona Mundi et de
la cité désolée qu'elle garde au frais. C'est une certitude, tout
ça n'est pas sans lien avec d'obscures mythes et cultes redoutés
... Bref je sais pas vous mais moi j'ai hâte d'en savoir plus,
toujours plus, au sujet de nos Grands Anciens préférés et des
formes de vies « primitives » (façon de parler, parce
qu'elles ont une tronche à se faire dessus) qui les sont vénérés.
Avec L'appel de Cthulhu j'ai mis un orteil dans l'océan
Lovecraft, grâce aux Montagnes hallucinées (tome
un), j'ai précautionneusement tâté le fond (ouais, j'ai pied), et
maintenant que je sais ce qui m'attend au large, j'ai qu'une envie :
me balancer à la flotte. Soyez bien inspirés et faites pareil,
cette édition est une merveille !
Note : 18/20
Date : 26 mars 2020-
27 mars 2020
J'ai offert ce premier volume des Montagnes Hallucinées à mon amoureux mais je ne l'ai toujours pas ouvert (oups). Aucun doute que je prendrai plaisir à le découvrir, j'avais été convaincue par L'appel de Cthulhu.
RépondreSupprimerAh, ces cadeaux dont est plusieurs à pouvoir profiter <3 ! J'ai aucun doute sur le fait que tu vas adhérer, si tu as déjà été convaincue par Chtulhu...
SupprimerRolalala ça a l'air tellement bien !
RépondreSupprimerAh mais OUI OUI OUI ça l'est ! Je zieute avec impatience la suite en espérant qu'elle ne tarde pas trop.
SupprimerIl tourne autour des trente euros, mais vaut largement son prix !