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  • 8 déc. 2019

    Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski - L'échappée belle de Benvenuto Gesufal

    Auteur : Jean-Philippe Jaworski
    Éditeur : Folio SF
    Genre : Dark Fantasy
    Pages :  979 pages (format poche)

    Lu dans le cadre du « Pumpkin Autumn Challenge »

    Résumé : « Gagner une guerre, c’est bien joli, mais quand il faut partager le butin entre les vainqueurs, et quand ces triomphateurs sont des nobles pourris d’orgueil et d’ambition, le coup de grâce infligé à l’ennemi n’est qu’un amuse-gueule. C’est la curée qui commence. On en vient à regretter les bonnes vieilles batailles rangées et les tueries codifiées selon l’art militaire. Désormais, pour rafler le pactole, c’est au sein de la famille qu’on sort les couteaux. Et il se trouve que les couteaux, justement, c’est plutôt mon rayon... »


    Ma chronique : J'ai beau crier sur pas mal de toits mon amour pour la Fantasy francophone, sans Gagner la guerre de l'ami Jaworski dans le coin de livres lus de ma bibliothèque, j'étais clairement pas très très crédible ! L'homme et son diptyque du Vieux Royaume font office de monuments en la matière et forte d'une rencontre un peu loupée avec le bonhomme et ses Rois du monde il y a un sacré bail, j'avais dans l'idée d'attendre le bon moment pour me lancer dans la briquasse Gagner la guerre. Heureusement que j'ai attendu les amis, parce que ce roman, c'est pas celui qu'on lit sur un malentendu pour passer le temps, mais plutôt le bon gros pavé dont on se délecte tout en y mettant beaucoup du sien sur la longueur. Traînons pas, y a près de mille page à revoir ensemble et quantité de crapules à dompter !

    La guerre opposant la République de Ciudalia au chah Eurymaxas du Royaume de Ressine touche à sa fin. Forte de sa flotte nettement supérieure et d'un jeune officier audacieux, la République s'arrache une victoire mémorable au cours d'une violente bataille navale. L'heure est au retour des valeureux lorsque la galère de Bucefale Mastiggia, distingué héros de guerre, est sournoisement mise à sac par des bâtiments ressiniens embusqués. L'équipage tombe et Mastiggia trouve la mort en la personne de Benvenuto Gesufal, un visage « ami » venu servir les intérêts d'un maître ambiteux. Le temps est venu de négocier sous le manteau le prix de la paix, et c'est à Benvenuto qu'il convient d'être persuasif s'il souhaite que Leonide Ducatore le garde à son service. La guerre avec le chah est finie, reste plus qu'à se disputer le butin...

    ... et le butin, c'est le nerf de la guerre et le début des emmerdes. Point d'abordages en masse ni d'explosions tonitruantes de mâts au feu grégeois ; à part quelques carcasses fumantes sur les eaux ressiniennes, on ne voit pas grand-chose du conflit opposant Ressine à Ciudalia et c'est-nor-mal ! L'important pour Jaworski n'est pas le conflit en lui-même mais ce qu'il y a après : les graines de la discorde qu'il sème du côté des vainqueurs prêts à tout pour faire individuellement main basse sur la plus belle part, et la sournoiserie dont chacun fait preuve pour parvenir à ses fins - Leonide Ducatore en tête d'une liste sacrément bien velue. S'il parait d'après un certain Petyr Baelish que le chaos est une échelle, ça se bouscule à son portillon ciudalien pour savoir qui y grimpera le premier, et à ce jeu du « moi d'abord » certains frisent la légende. C'est de ce spectacle qu'on se délecte pendant près de mille pages : ça se bouscule sur les barreaux, ça se plante des couteaux dans les mollets et ça balance de la caillasse sur les malheureux d'en dessous ... le tout dans les coulisses d'une République à la façade aussi cultivée que distinguée. L'essentiel du roman se passe à Ciudalia dans la maison du Podestat Ducatore, figure de proue de la République d'un côté et vilain petit cachottier ambitieux de l'autre - fallait bien une fouine pareille pour embaucher Benvenuto Gesufal, mais ça on en reparle très vite !

    Les manigances vont bon train, les entourloupes bien échafaudées se concrétisent, sauf que comme dirait l'ami Ribéry : « La roue tourne à tourner » et ceux qui s'attendaient à recevoir leur quart d'heure de gloire en ont méchamment pour leurs frais - ah, les aléas de la politique ! Les vestes se tournent et se retournent à mesure que la situation échappe à tout contrôle et comme dans la majorité des cas, c'est le petit contribuable qui paie à la place du grand ponte. Le peuple se divise et se met sur la tronche alors que dans les hautes sphères on se dispute la meilleure place du Sénat à coups de sourires hypocrites ; et lorsque survient un imprévu de taille dans la partie de Stratego grandeur nature du Podestat Ducatore, c'est à Benvenuto de se salir les mains pour redresser la situation sans trop de finesse - la dentelle, c'est pas franchement son truc ! Le langage du gaillard c'est celui du bon acier et des poings qu'il éclate dans la face des petits malins qui croisent sa route et ç'a beau lui mener la vie dure, on change pas une équipe qui gagne, aussi crapuleuse soit-elle ! A force d'assurer les ardeurs de Leonide Ducatore et de sa marmaille il faudra donc tout de même veiller à pas se cramer les ailes ... et c'est plutôt mal parti connaissant l'asticot et son doigté légendaire. Il n'empêche, avec l'ordure Benvenuto aux rênes du récit on a droit à de la dark fantasy explosive, à des tas d'entourloupes savoureuses et à plein de bonne répliques et d'apartés mémorables - et ça les amis, c'est le plus beau cadeau que Jaworski pouvait vous faire !

    Gagner la guerre cache l'une des plus belles crapules de la Fantasy dont on se délecte des méfaits littéraires avec une pointe de culpabilité mais surtout beaucoup de plaisir - il en fallait pas moins pour tenir la longueur d'un pavé pareil.

    Parce que ouais, on va pas se le cacher : Gagner la guerre, c'est long, c'est très long. On a beau ne jamais s'ennuyer vraiment et apprécier les protagonistes qui nous passent sous la dent, il n'empêche que les mille pages du roman, on les voit passer. Elles se tournent lentement parce qu'on en savoure les tournures et qu'on s'immerge dans la vie ciudalienne, mais à terme j'aurais souhaité moins de blabla et plus de rebondissements. Vu comment la bête est cotée sur le net je m'attendais à bondir de surprise en surprise comme une balle de ping-pong, et sur ce point j'ai été sacrément déçue. Le phrasé a beau être superbement maîtrisé et sortir tout droit de la bouche d'un ruffian de classe internationale, une fois la neuf-cent-septante-neuvième page tournée, j'ai pas pu m'empêcher de me dire : arf, tout ça pour ça ? Des retournements de situation, il y en a mais manque de chance, ceux qu'on nous sert sont pile poil ceux que j'attendais. Il m'a manqué des vraies surprises pour pimenter ce roman qui mine de rien se repose un peu trop sur Benvenuto Gesufal et manque de bons gros coups d'éclats. Enlevez le bonhomme et tout s'écroule : pas sûre que je sois arrivée au bout s'il m'avait été aussi sympathique.

    Me faites pas dire ce que j'ai pas dit : Gagner la guerre fonctionne bien comme il est, j'y vais juste de mes petits regrets persos ! Outre la vedette Benvenuto il y a des protagonistes qui valent largement le détour, et parmi eux une donnà Clarissimma Ducatore qui en a clairement plus dans la tête et dans les tripes que ne le pense son paternel. Avec une brute notoire aux commandes le roman ne se veut toutefois pas franchement paritaire mais là n'est pas sa vocation ; Gagner la guerre est là pour les manigances et les faux-semblants, un petit air du Trône de Fer pour l'aspect politique mais cherchez pas les loups, les dragons et l'épicness : ici, y en a pas et c'est pas plus mal de découvrir la facette bureaucratique de la Fantasy - gnons et badass attitude en plus. Ajoutez en guise de final touch une fin ouverte comme il faut sur de probables futures aventures signées Benvenuto Gesufal et vous obtenez un monument francophone un peu surcoté de mon point de vue, mais un monument quand même ! Une lecture à méditer sérieusement si les pavés c'est pas votre dada, mais à tenter malgré tout pour être au fait de ce qui peut se faire de mieux dans le dark side de la Fantasy francophone. Surtout, dites à Benvenuto que vous venez de ma part !


    Note :  16/20

    Date :   18 novembre 2019 - 03 décembre 2019

    11 commentaires:

    1. Il fait partie de mon butin de décembre ! Nous sommes connectées :D

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      1. Décidément ! Bon, j'imagine que tu te le gardes pour plus tard, mais quoiqu'il en soit j'ai hâte de voir ce que tu en penses :-D Fais-moi signe quand tu l'attaques !

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    2. Faudra quand même que je le lise un jour !

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      1. Je pense effectivement qu'un Jaworski n'est jamais de trop dans une bibliothèque ^-^ ! Puis bon, si jamais, vu la taille du livre ça compte aussi comme une arme de défense, nan ?

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    3. Pour le moment je n'ai lu que sa série Rois du monde mais j'ai ce livre dans la PAL

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      1. Ah, et tu as accroché à Rois du Monde ? Personnellement j'ai abandonné, mais VRAIMENT à regrets :-/ J'ai gardé les deux premiers tomes au cas où, pour retenter un de ces quatre ...

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    4. Je suis super tentée, la couverture me fait de l'oeil, le résumé et ton avis le rend méga accrocheur, j'ai hâte de le découvrir !

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      1. L'avantage c'est qu'en plus d'être une lecture sympa que je te recommande si t'es toutefois dans l'état d'esprit adéquat pour attaquer un SUPER PAVE, on travaille les biceps en le lisant également - il pèse son poids, hi hi ! Faut VRAIMENT attendre le bon moment pour s'y lancer, par contre, sinon même avec un perso accrocheur comme Benvenuto, ça passe pas !

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    5. Voilà un ouvrage qui m'intrigue ! Je pensais pas qu'il faisait 1000 pages par contre, purée!
      L'aspect lent me fait un peu peur mais tout d'même, moi qui voulait m'attaquer à de la dark fantasy en 2020, pourquoi pas commencer par là !
      C'est un one-shot? Il me semblait pas ^^

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      1. Alors techniquement oui, c'est un one-shot. Le roman est clôturé une fois la dernière page tournée, les protagonistes sont propres à ce roman-ci et pas besoin d'avoir lu quoique ce soit avant pour saisir de quoi on cause.
        THÉORIQUEMENT par contre, pas vraiment. Gagner la guerre fait partie de la duologie du Vieux Royaume qui compte également Janua Vera (une autre pavé qu'il faut que je lise, LOL). Protagonistes différents, intrigue différente, paysage différent MAIS on est dans le même Royaume (à plus ou moins la même époque, je pense), donc beaucoup considèrent que les deux forment un tout.
        Pour moi on peut dissocier l'un de l'autre sans souci, et comme j'ai déjà mille sagas sur le feu, psychologiquement je préfère me dire que c'est un one-shot xD !

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    6. Ok, parce qu'il m'avait semblé voir d'autres "tomes", j'ai trop fumé!
      AAAAH *Denis Brognart, sors de ce corps* ON AVAIT PAS HALLUCINE FINALEMENT! Ah oui d'accord, même univers donc l'auteur est complètement ouf. Si tu tombes amoureux de l'univers à la première lecture tu sais que tu as de quoi te faire plais' dans sa biblio, trop ienb'*.*
      C'est moins douloureux en effet ! Heureusement que je suis pauvre et que ma wish list ne reste que de l'ordre du rêve ou je me noierais sous les achats de tome 1 de sagas que j'arriverais jamais à poursuivre x)
      2020 sera l'année des sagas qu'on termine, on y CROIT ♥

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