Auteur : Johan Heliot
Éditeur : Mnémos
Genre : Historique, science-fiction, uchronie
Pages : 300 et 285 pages (grands formats)
Résumé du premier tome : L’ambitieux lieutenant de frégate Baptiste Rochet présente au jeune Louis XIV une étrange météorite sphérique, rapportée de son dernier périple en mer. Médusé, le mathématicien et penseur Blaise Pascal y trouve alors une terrifiante source d’inspiration. Ses découvertes bouleverseront à tout jamais le destin du Roi-Soleil et de son royaume, ainsi que les vies d’une fratrie tentant d’échapper à la misère et impliquée bien malgré elle dans les drames à venir. Nobles comploteurs, inventions géniales de Pascal, imprimeurs libellistes, malfrats sans pitié de la cour des Miracles et mousquetaires désenchantés peuplent le théâtre d’un monde sur le point de basculer dans un Grand Siècle futuriste, entre ombre et lumière, entre la terre et les étoiles.
Ma chronique : Aller décrocher la lune et les étoiles, c'était l'une des consignes du Pumpkin Autumn Challenge et avec les deux premiers tomes de la trilogie Grand Siècle signée Johan Heliot, pas de doute : je me suis bel et bien envolée vers la Sphère Céleste en laissant derrière moi la France du XVIIe siècle - et c'était fichtrement bien foutu. Non, vous n'avez pas mal lu, il est bien question d'envol en plein règne du Roi Soleil et laissez-moi vous dire que le monarque aura jamais aussi bien porté son nom que dans cette uchronie pleine d'astuce et de tragique. Ayez toute confiance en les lois de la physique fraîchement découvertes mais pas nécessairement maîtrisées tip-top, là haut y a pas de place pour l'erreur et d'essai vous n'en aurez qu'un pour contenter sa Majesté et sa lubie sidérale !
1656. La France guerroie contre l'Espagne, les princes lorrains défient l'autorité royale et le petit peuple se meurt de faim et de misère dans les campagnes. Louis XIV n'est qu'un adolescent lorsqu'en vue de le distraire des tracas de la couronne, son ministre et parrain Mazarin, riche successeur de Richelieu, lui fait quérir Baptiste Rochet et sa mécanique de prestidigitation. Le tour est joué et derrière l'optique qui fascine l'auditoire royal, Louis voit l'avenir, ensorcelé par quelque présence qu'il ne s'explique pas. C'est décidé : il sera le Roi qui portera la France jusqu'à la Sphère Céleste et conquerra l’Éther, s'appropriera ses richesses et fera de son Royaume le plus grand et le plus puissant du monde connu - et au-delà. La folle entreprise est lancée sans plus de cérémonies qu'une nouvelle levée d'impôts royaux, un certain Blaise Pascal met son génie au service de sa Majesté et tandis que la fratrie Caron promise à la misère s'en va vers Paris chercher quelque subsistance, le futur se met en marche ... avec quelques siècles d'avance.
De la Terre a l'espace il n'y a qu'un pas, et imaginez un peu qu'on l'ait franchi il y a des siècles. Imaginez, juste pour voir, que l'humanité se soit lancée à la conquête des étoiles avant que n'émergent même les Lumières. Imaginez aussi fort que vous pouvez mais reposez-vous sans tracas sur Johan Heliot : il a fait tout le boulot pour vous - et quel boulot, mes aïeux ! En toute bonne uchronie, Grand Siècle envoie bouler l'Histoire telle qu'on la connaît pour s'en aller tourbillonner du côté des astres et des constellations. Le passé bifurque franchement en un point clé et permet à l'Homme de s'envoler tout là haut vers la Sphère, ses mystères et présumées richesses : on redécouvre un siècle qu'on connaissait déjà non pas sur le bout des doigts, mais un peu quand même - un angle d'attaque nouveau, la Science et les Mathématiques à nos côtés pour s'affranchir de la gravité alors même que la révolution française n'a pas encore eu lieu.
Déballe ta science, balance tes maths et fais confiance à tonton Blaise Pascal pour le reste : c'est l'homme de la situation voire l'érudit du Grand Siècle ! En jeunes moyens plus ou moins cultivés que nous sommes, Blaise Pascal, on le connait avant tout aujourd'hui pour l'unité de mesure éponyme qu'il a laissée derrière lui. De ses travaux je vous avoue ne pas m'être souvenue de grand chose avant que Johan Heliot ne pique méchamment ma curiosité - la honte pour une scientifique, j'avoue. Homme de science et de calculs, touche à tout talentueux, on lui doit la première calculatrice de l'Histoire, quelques théorèmes probabilistes, un peu de philosophie des mathématiques - oui oui, ça existe - et un sacré boulot sur la mécanique des fluides. La découverte de l'effluve et de ses applications pratico-pratiques reste exclusive à Grand Siècle : quand l'électromagnétisme débarque en plein XVIIe siècle, bouleverse les rapports de forces et le quotidien de la ville lumière, y a plus qu'à ouvrir grand les yeux et découvrir un monde transformé par une découverte en avance de plusieurs siècles - pour le meilleur comme pour le pire.
Le génie de Pascal pèse lourd dans la balance du changement tandis qu'aux côtés du roi c'est un O.V.N.I tout droit venu de l’Éther qui murmure des plans plus ambitieux les uns que les autres à son oreille royale : un coup de pouce purement science-fictionnel pour détourner l'Histoire de son cours, je dis oui !
Sous l'influence d'un corps extra-terrestre fortuitement échoué sur Terre, Louis devient donc le roi de tous les absolus : celui qui ira tutoyer le Seigneur aux confins de la Sphère et profitera de l'avancement technologique sans pareil de son royaume pour mettre un point final à tous les conflits présents et à venir. La France et l'Europe changent de visage tandis que l'Espagne, l'Angleterre et le Saint-Empire germanique ploient devant la toute-puissance effluvique française qu'ils ne peuvent égaler. En quelques dizaines de pages c'est l'Histoire d'un continent qui s'en va explorer un possible qui aurait pu advenir avec un petit coup de pouce extra-terrestre - c'est là que ça frappe le plus fort et que l'uchronie dévoile toute sa superbe ! On tombe toutefois rapidement en phase avec Johan Heliot et les opposants de Louis : conquérir la Sphère, voilà une noble entreprise qui hélas ne fait pas forcément plaisir à tout le monde. La lubie sidérale du Roi coûte au royaume dix Versailles au bas mot et pendant que les miséreux triment pour payer le juste impôt spatial, c'est le clergé et la papauté qui s'agitent dans leur coin. A trop vouloir toucher les étoiles le Roi Soleil s'aventure sur un chemin dangereux : celui du domaine de Dieu et de Dieu seulement, sacrilège donc que de vouloir s'élever à ses côtés ... voire au-delà !
Les complotistes et les détracteurs royaux s'en donnent à cœur joie et manigancent la chute du souverain dans les coulisses du palais, la grogne populaire est alimentée par quantités de pamphlets vertement opposés aux projets de conquête du Roi et au beau milieu de tout ce boxon, cinq frères et sœurs essaient de se dépatouiller comme ils le peuvent avec ce que la vie leur envoie à la tronche. La fratrie Caron est le prisme à travers lequel on vit ce XVIIe siècle alternatif : on les découvre fuyant les campagnes pour la subsistance qu'ils croient trouver à Paris, on témoigne de leur courage, de leurs entreprises plus ou moins couronnées de succès et parfois de leur bêtise crasse. Le destin de Pierre, Jeanne, Estienne, Martin et Marie semble hors du commun - peut-être trop pour être crédible, okay - mais voir chacun trouver sa place dans ce grand siècle c'est l'occasion d'en découvrir autant de facettes. Il y a les farouches membres de l'opposition à la plume assassine, les terribles canailles « embastillées » en quête de vengeance royale, les courtisanes prêtes à tout pour évincer la favorite de sa Majesté, les petits génies aux bons samaritains et enfin les étheronautes en devenir. Ça fait beaucoup pour une famille mais la brochette est belle et on en voit de toutes les couleurs - même s'il y en a un peu trop parfois.
La vie est hyper brutale avec les Caron et ne leur passe rien : ça peut en lasser certains, en agacer d'autres, mais finalement moi j'ai plutôt adhéré. Grand Siècle est un récit d'un autre temps et voir les Caron constamment foutus à terre pour mieux se relever, ça donne une idée de la mentalité de l'époque et du rapport à la vie et à la mort bien différent de celui qu'on connait aujourd'hui. Le récit n'est pourtant pas narré pour qu'on s'attache à tout ce beau monde, c'est factuel et même plutôt impersonnel. Premier ou second tome, on suit avec détachement la conquête de la Sphère et tout ce qu'elle implique - c'est loin d'être passionnant et c'est là mon seul gros bémol. On ne s'ennuie pas mais on aimerait pouvoir lire avec nos tripes, au lieu de quoi je me suis juste sentie spectatrice. Les années filent d'un chapitre à un autre, les ellipses sont monstrueuses et très fréquentes et quand bien même ça permet à l'intrigue de pas s'enliser - faut laisser le temps à la science de faire son chemin, c'est bien normal l'ami ! - on finit par se détacher totalement des enjeux et des protagonistes. Tout m'est finalement passé par dessus la jambe, même la magie de l'Envol du Soleil et du premier tutoiement des étoiles par les Hommes de ce bon vieux Louis le quatorzième.
Je vais donc laisser de l'eau couler sous quelques ponts avant de m'envoyer le dernier tome de la trilogie récemment paru - j'envisage même un achat d'occasion, c'est dire si je suis pas pressée. Pour les curieux de ce qui aurait pu advenir « si », ce roman tombera à point et vous fera même réviser un peu d'Histoire - la culture en pleine face, on dit jamais non ! Avec des « si » on met Paris en bouteille, mais ici c'est dans l'immensité dans la Sphère que l'envoie Johan Heliot à coups de technologie effluvique ; un must-read d'uchronie qui manque un peu de tripes, mais ça c'est ma préférence personnelle !
Note : 16/20
Date : 02 octobre 2019 - 16 octobre 2019
C'est vrai que ce n'est sans doute pas le roman le plus prenant, mais j'avais trouvé l'histoire intéressante :)
RépondreSupprimerUn XVIIe siècle à al conquête de l'espace, ça c'est sûr que c'est intéressant ! Je ne meurs pas d'impatience en attendant de mettre la main sur le 3e tome, mais je suis certaine de le lire un de ces quatre :-) !
SupprimerJe suis très tentée par ces romans, j'espère les lire un jour ^^ Merci pour ces avis, ils m'intriguaient, sans plus et ce que tu en dis pique ma curiosité :)
RépondreSupprimerIl parait que Johan Heliot est excellent dans son domaine ; j'espère que tu apprécieras ses livres quand tu t'y mettras (un auteur de plus qu'on apprécie, c'est déjà ça :-D ) !
SupprimerJe note ton bémol sur la style qui n'embarque pas, pour le moment j'ai le premier tome dans ma liseuse, on verra bien ^^
RépondreSupprimerL'avantage c'est que tu sauras dès le début si tu accroches ou pas : le premier chapitre est représentatif du reste ;-) !
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