Au cœur du silence de Graham Joyce

Auteur : Graham Joyce

Éditeur : Folio SF

Genre : Fantastique

Pages : 341 (format poche)

Le résumé : Zoe et Jake passent des vacances d'hiver idylliques dans les Pyrénées, amoureux comme au premier jour. Mais ils sont pris dans une avalanche et n'en réchappent que miraculeusement. De retour au village et dans leur hôtel, ils les trouvent déserts, sans âme qui vive. Sans doute la zone a-t-elle été évacuée : passée l'euphorie de s'en être miraculeusement sortis, vient, pour eux, la peur de devoir subir une nouvelle avalanche. Le couple tente donc de fuir coûte que coûte. Mais la neige et le brouillard, entre autres, en ont décidé autrement. Zoe et Jake vont devoir rester bloqués dans le village vidé de ses habitants, seuls au cœur du silence.

Ma chronique : Les challenges littéraires, c'est bien. Les échanges entre lecteurs encore mieux ; mais pour ce qui est de la constitution de la PAL, c'est chez moi royalement le boxon. Neuf fois sur dix, engluée dans l'enthousiasme de cinq bons milliers de lecteurs, je me retrouve à commander des bouquins sur lesquels je n'aurais même pas posé les yeux en librairie. Un mal pour un bien, quand même, puisque sortir de sa zone du confort peut apporter son lot de bonnes surprises - on ne sait jamais sur quoi on va tomber, comme dit Forest Gump... mais aussi, hélas, son lot de bon gros flops. Dommage pour moi, Au cœur du silence fut un immense, un magnifique, un somptueux raté.

Zoe et Jake s'aiment comme au premier jour malgré les épreuves que leur couple a traversé.  Ils en sont convaincus, le séjour qu'ils s'offrent à la montagne leur permettra de panser définitivement leurs plaies et d'en finir avec les non-dits qui les rongent. Mais alors qu'un matin ils profitent des pistes encore exemptes de touristes, une avalanche les surprend. Emportés par le torrent de neige, Jake et Zoe n'en réchappent que de peu. Harassé mais déterminé, le couple entreprend de rejoindre le village où il réside. Les amoureux le retrouvent désert et, semble-t-il, abandonné à la hâte par ses habitants. Effrayés à l'idée qu'une seconde avalanche, plus fort encore, s'abatte sur eux, Jake et Zoe tentent le tout pour le tout et s'échinent à quitter le village. Mais une force inconnue les en empêche, et chaque tentative se solde par un échec. Le froid, la faim, le goût ... toute sensation les quitte peu à peu  à mesure que le temps se fige. Et si le couple vivait ses dernières heures en un lieu maudit ?

Peut-être suis-je un peu simplette d'avoir cru que ce livre traitait des grands espaces et de la détermination d'un couple au pied du mur ; mais à la lecture du résumé proposé par les éditions Folio SF, comment m'en blâmer, franchement ? Vous le voyez dans ce résumé, vous, le surnaturel ? Non. Voilà, on est d'accord. Alors découvrir au bout d'une centaine de pages, quand il est trop tard pour reculer, qu'un livre ne correspond pas à vos attentes, ça fait mal aux dents. J'ignore qui est en charge de rédiger les synopsis chez Folio, mais la copie qu'il a rendue ce coup-ci est à peine passable - ouais, c'est l'ancienne prof en moi qui parle, ça - et je m'étonne franchement qu'elle soit passée, surtout quand le résumé du grand format, édité pour sa part chez Milady, est lui bien moins ambigu. Enfin passons ; le livre n'était pas conforme à ce à quoi je m'attendais, c'est embêtant, c'est frustrant - un peu comme un caillou dans une botte - mais ce n'est pas un drame. Après tout, le surnaturel, j'aime ça.

Sauf qu'ici l'auteur mène très mal sa barque ; il rame littéralement. Hôtel isolé oblige, Au cœur du silence m'a par moments rappelé Shining de Stephen King... en une version bien, bien, bien moins réussie. Loupée. Des événements plus ou moins flippants, il y en a, mais ces phénomènes se succèdent dans l'indifférence la plus totale des deux protagonistes. Le temps ne s'écoule plus comme il devrait, une présence inconnue les oppresse et les garde prisonniers mais, oh, on ne va se priver de s’envoyer en l'air comme des bêtes, hein ? Ni de se faire péter la panse et de s'enfiler tous les grands crus qui passent, ce serait tellement dommage. Question priorités, ces deux-là ont décroché le gros lot - à croire que connecter deux neurones ensemble, c'était trop leur demander. Le roi et la reine de l'inaction et de l'ennui. Pas la peine de vous faire un dessin, le courant n'est pas passé entre eux et moi, et l'essence même du couple y est pour beaucoup : dès le début l'auteur s'échine à vendre une relation crue, brute mais sincère alors que la relation toxique pue à plein nez. Si vous cherchez du mignon, du joli couple amoureux ou plus simplement un couple attachant, fuyez. Jake et Zoe y vont à coups de « On ne montre pas son cul à la montagne, connard ! » ou encore de « C'est quand la dernière fois que t'as chié ? ». 

Non, je suis pas particulièrement sensible, mais quand vous verrez à quel point ces échanges tombent comme des cheveux dans une soupe déjà pas terrible-terrible, vous comprendrez.

Et si clairement ce bouquin n'est pas destiné à être romantique - après tout, il est davantage question de huis-clos surnaturel que de romance - , il n'empêche que le tout manque très cruellement de relief et de recherche. L'atmosphère se veut oppressante mais échoue lamentablement à l'être ne serait-ce qu'un poil, et ce n'est pas la plume quelconque de Graham Joyce qui relève niveau. L'un dans l'autre, il m'a été impossible de me sentir concernée ou même intéressée par cette histoire, raison pour laquelle j'ai jeté l'éponge aux trois quarts, après deux cent cinquante pages d'ennui. J'abandonne rarement une lecture, mais là, je ne pouvais plus. Entre les protagonistes aussi insupportables qu'assommants et le manque total de personnalité du récit, j'ai été mise K.O. Inutile donc de vous préciser que ce livre ne restera pas longtemps dans ma bibliothèque. En attendant de m'en défaire, je vais le planquer comme je peux.

Libre à vous de tenter l'aventure à vos risques et périls - après tout, les idées étaient là et j'ai lu quelques bons avis concernant ce bouquin. Vous n'avez rien à perdre, si ce n'est du temps, et peut-être ferez-vous partie des réceptifs à Graham Joyce. Pour ma part, je ne souhaite pas renouveler l'expérience.

Note : 5/20

Date : 05 janvier 2019 - 08 janvier 2019