Auteur : Barbara
Abel
Éditeur : Masque (2017)
Genre : Réécriture de conte, Thriller
Pages : 472 (format poche)
Le résumé : A soixante et un ans, France reste une femme séduisante et
entreprenante, aussi bien dans sa galerie d'art du Marais que dans son second
mariage avec Paul. Jusqu'au jour où, obsédée par l'acquisition d'un nouveau
tableau, elle assassine froidement son époux et révèle ainsi son vrai visage,
celui d'une sorcière cruelle digne d'un conte de fées. Sa belle-fille, Marion,
jeune mère célibataire, tombe brutalement sous l'emprise de cette mégère qui
s'apprête à lui faire vivre une véritable descente aux enfers, la privant peu à
peu de son toit, de son fils et de sa dignité... Mais la jeune femme est prête
à tout, jusqu'à sacrifier son innocence, pour conjurer ce maléfice et écrire
elle-même la fin de l'histoire.
Ma chronique : Le cinquième Barbara Abel que je lis, et certainement
mon préféré, et de loin, malgré un schéma narratif récurrent chez l'auteure.
France Riot, une
galeriste de la soixantaine, file depuis quatre ans ce qui semble être un amour
parfait avec Paul Wasquet, un agent immobilier... du moins en apparence. Car
afin d'acquérir La Valse
du Destin, une oeuvre d'art contemporain qui l'obsède littéralement, France
promet de vendre la maison familiale de Paul à son concurrent direct et ancien
collègue, véritable requin de l'immobilier. Outré, trahi et fatigué de vivre
avec cette femme qui, aujourd'hui, lui donne l'impression de ne pas avoir de
cœur, Paul oppose un refus ferme à France : il n'est pas question de
vendre la maison où a grandi sa fille (encore moins pour un vulgaire tableau !)
et, dans la foulée, demande le divorce. Sentant l'oeuvre de sa vie lui glisser
entre les doigts, France commet alors l'impensable. Elle assassine son mari de
sang-froid, s'assurant ainsi la propriété de ladite maison. Mais elle déchante
bien vite en apprenant que celle-ci est occupée. Marion Wasquet, fille de Paul,
y vit avec son fils, Ludovic, cinq ans. Mais France est déterminée et, surtout,
rusée ... Bien vite une partie sinistre s'engage entre les deux femmes. Marion
n'a pas le choix : si elle veut conserver toit, enfant et intégrité, il lui
faudra se battre. Au propre comme au figuré.
Imaginez un royaume
pas si lointain que ça, il n'y a pas si longtemps : Paris, 2002. Une femme à la
beauté certaine mais au cœur pourri, non pas reine, mais galeriste :
France. Un tableau qui l'obsède, à l'image de son reflet dans un miroir : La Valse du Destin. Sa
belle-fille qu'elle jalouse, non pas pour sa beauté, mais pour le toit qu'elle
a sur ses épaules et qu'elle veut faire sien : Marion. Et, enfin, une lutte à
armes inégales, avec la loi française en guise de Chasseur impitoyable. Que
vous inspire, sous cet angle, Un bel âge pour mourir, si ce
n'est une adaptation libre, inventive et diaboliquement audacieuse de
Blanche-Neige ? Audacieuse et inventive, certes, mais aussi ingénieuse
et tout à fait réussie. Un pari gagné pour Barbara Abel, et de très, très loin.
Sans quitter les
grandes lignes du conte dont elle s'inspire, l'auteure y apporte des touches
innovantes plus que bienvenues. Juste ce qu'il faut pour s'assurer que le lecteur se sente à
l'aise, presque chez lui, en terrain connu ; mais sans pour autant le voir
tenir chaque élément du récit pour acquis. Juste ce qu'il faut pour susciter sa
curiosité et son intérêt ; mais sans le priver du plaisir de la surprise et de
l'effarement.
Car la glu qui
cimente ces nouveaux éléments aux anciens et qui confère à l'ensemble une
cohérence impressionnante, c'est la qualité du thriller psychologique que
propose Barbara Abel. Si l'auteure ne vous est pas inconnue, vous savez sans
doute que ses récits se distinguent des autres du même genre par leur
effrayante plausibilité. C'est ce qui, personnellement, me plaît tant chez
elle. Bien loin des clichés du genre souvent effrayants mais, admettons-le, peu crédibles, Barbara Abel donne vie à des protagonistes humains. Avec tout ce que cela implique
de bon... et de mauvais. Et c'est là qu'est son génie. Sur papier, ses trames
et scénarios n'ont presque rien de fictif. On est dans des "thrillers du
quotidien" : les relations entre voisins qui dérapent, jusqu'au drame
; une mère qui cherche à protéger son enfant, coûte que coûte ; une lutte
immobilière sans merci qui s'engage entre une jeune femme et sa belle-mère ...
et qui finissent systématiquement par vous faire (très) froid dans le dos.
Parce que cette machine infernale pourrait peut-être refermer
ses mâchoires sur vous, sans crier gare. Parce que ça se passe peut-être à
côté de chez vous, à votre insu. Et c'est ce peut-être,
cette plausibilité effrayante qui fait mouche à tous les coups et vous glace le
sang.
Au centre de
l'intrigue, deux femmes fortes : France et Marion. L'une a la vie derrière
elle, l'autre devant. Et c'est ce qui, d'entrée de jeu, fera la différence.
Nulle enfance facile pour l'une ou l'autre, dont les pères furent
respectivement abusif et absent. Mais là où n'importe qui d'autre aurait
insisté sur le côté larmoyant de tels personnages, Barbara Abel en a fait des
femmes fortes et, chacune à sa manière, impitoyables et déterminées. Qu'il
s'agisse de l'une ou de l'autre, aucune n'est en reste. Le lecteur sent
que Barbara Abel a pensé ses protagonistes avec le soin et la minutie de ceux
qui aiment le travail bien fait. Voire même très bien fait.
Certes, Barbara
Abel gagnerait à se renouveler. Les similitudes entre Un bel âge pour
mourir et Derrière la haine sont plutôt nombreuses.
Ceci dit, elles n'enlèvent rien au plaisir de la lecture et, à bien y
réfléchir, constituent la patte de l'autrice. Sa signature, en quelque
sorte.
En somme, à cheval
entre le conte et le thriller (mais tout de même méchamment plus proche du
second), Un bel âge pour mourir est un excellent roman. Prenant,
inventif, effrayant. Un trio gagnant porté par des protagonistes parfois
détestablement humains, mais toujours psychologiquement impeccables. Du
très beau travail, et une très belle lecture que je vous recommande ...
froidement !
Note : 17/20
Date : 04 mars 2018 - 06 mars 2018
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