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  • 12 mars 2018

    La quête onirique de Vellitt Boe de Kij Johnson


    Auteur : Kij Johnson
    Illustrateur : Nicolas Fructus
    Éditeur : Le Bélial' (2017)
    Genre : Conte, Fantasy, Roman illustré
    Pages : 177 (format poche)

    Le résumé Clarie Jurat a disparu. Nul ne sait où, mais il semblerait qu'elle se soit enfuie en compagnie d'un homme... un homme venu du monde de l'éveil. Au sein du Collège de femmes d'Uthar, c'est la consternation : pareille fugue pourrait remettre en cause l'existence même de l'institution. Pour Vellitt Boe, le temps est venu d'abandonner ses atours confortables de professeure vieillissante au profit de sa défroque oubliée de voyageuse émérite ; retrouver son élève est impératif. Une quête qui la conduira loin, bien plus loin qu'elle ne l'imagine, d'Ulthar à Celephaïs, au delà-même de la mer Cérénarienne, jusqu'au trône d'une ancienne connaissance, un certain Randolph Carter.


    Ma chronique : Une excellente surprise que ce petit OVNI de la Fantasy ! Acheté sur un coup de tête, je ne regrette à aucun instant mon investissement. Car si mes yeux en ont eu pour leur compte, ce n'est rien en comparaison de mon imaginaire... même si je n'ai pas pu saisir les références à Lovecraft, ne l'ayant jamais lu.

    C'est la panique au Collège des femmes de la cité l'Ulthar : Clarie Jurat s'est volatilisée et ce, semble-t-il, en compagnie d'un homme. Un homme qui n'appartient pas aux contrées du rêve, mais au monde de l'éveil. Fille de l'un des administrateurs de l'établissement, sa disparition s'annonce des plus dommageables pour le Collège, car face à leur apparente incompétence, les directrices risquent gros. A voix basse, on parle déjà de la potentielle fermeture de l'école. Vellitt Boe, professeure de mathématiques d'un certain âge, décide de s'en aller à la recherche de sa protégée. Si le voyage s'annonce d'abord court et intense, il devient rapidement long et éreintant ; tandis que de lieues en lieues, les enjeux du périple se précisent et s'alourdissent. Mais Vellitt Boe a jadis été une intrépide voyageuse et refuse de rebrousser chemin. Elle ira au bout, quoi qu'il lui en coûte... et pourra compter sur un partenaire improbable : un chaton noir qui la suit à la trace.

    Une fois n'est pas coutume, c'est avant tout le travail éditorial fabuleux du roman qui m'a séduite en magasin, le résumé ne m'attirant que peu. Une illustration de couverture excentrique, un marque-page assorti, une mise en page soignée et, surtout, des illustrations impeccables... l'un dans l'autre, il est d'emblée difficile de ne pas se laisser tenter par un si bel objet livre. En totale adéquation avec le contenu fantasmagorique du récit, sa couverture donne le ton au lecteur sans même qu'il ait à ouvrir l'ouvrage ; et annonce une épopée des plus atypiques.

    Et justement, d'atypique, La quête onirique de Vellitt Boe n'en a pas que l'aspect ni le nom. L'intégralité du récit déborde presque littéralement d'inventivité et de magie, rappelant même quelques fois le meilleur de Miyazaki. Cités volantes, villes-diatomées, forêts fongiques phosphorescentes et j'en passe ; autant d'éléments qui jaillissent du roman et s'imposent au lecteur comme une évidence. Comme un univers qui vous ouvre grand ses bras et dans lequel vous plongez avec délice et délectation. Car les contrées du rêve se veulent différentes du monde de l'éveil, notre monde. On y côtoie des dieux, plutôt mesquins, joueurs et querelleurs ; y contemple un ciel aux couleurs chatoyantes et en permanence chargé d'astres gigantesques ; y apprend que les distances sont trompeuses et aisément manipulables (surtout par quelque divinité qui vous a dans le collimateur) ; et enfin on y rencontre joyeusement goules, gashs, krakens et autres sympathiques créatures. Presque un univers décalé à la Pratchett, l'autodérision en moins.

    Pourtant très descriptif, le récit n'est à aucun moment fatiguant ou ennuyant. Bien du contraire ! Kij Johnson a su trouver cet équilibre dont beaucoup d'auteurs manquent : une balance parfaite entre action et décorummettant l'un au service de l'autre pour un effet des plus captivant et réussi. Les descriptions s'intègrent ainsi aux scènes les plus palpitantes et inversement ; générant un rythme soutenu qui surprend constamment le lecteur. Relativement court pour un roman de Fantasy et, comme déjà mentionné, riche en descriptions évasives, La quête onirique de Vellitt Boe se rapproche beaucoup d'un conte. Le genre de ceux qu'on lit paisiblement au coin du feu ou bien au chaud sous sa couette avant d'aller dormir.

    Concernant les protagonistes, difficile de passer à côté de Vellitt Boe sans en saluer la construction remarquable. Prenant le parti de sortir complètement des sentiers battus de la Fantasy, Kij Johnson propose à son lecteur de faire un bout de chemin avec son héroïne décalée. Une mathématicienne de cinquante balais qui reprend la route à la recherche de son élève, il fallait y penser, et surtout l'oser. Là où ce genre littéraire est noyé sous les adolescents et jeunes adultes qui se découvrent l'objet d'une prophétie, l'auteure fait ici preuve d'audace et amène en conséquence un souffle de nouveauté plus que bienvenu. D'autant que Vellitt, volontaire, n'est pas femme à se laisser faire... ni à laisser un homme lui dicter sa vie, même inconsciemment et en toute bonne volonté. Un trait qui transparaît tout en finesse au fil des pages, là où généralement les auteurs ont tendance à nous servir des héroïnes univoques et agressives voire insultantes à l'égard des hommes, quand bien même ceux-ci le méritent. A titre personnel et dans le cadre d'un roman de Fantasy, je suis adepte de la manière douce, bien moins répandue et, en conséquence, plus percutante.

    "Les femmes cesseraient-elles un jour de n'être que des notes de bas de page dans les histoires des hommes ?"

    Enfin, parce que toute bonne histoire comporte un chat, il convient de mentionner le duo improbable que forment Vellitt et son compagnon félin. Indéfectible et loyal (en tout cas autant qu'un chat peut l'être sans renoncer à sa liberté), ce dernier apporte une note touchante au récit qui, sans lui, se verrait largement diminué. Car il nous rappelle que, parfois, les plus grandes aventures n'aboutissent que grâce à d'infimes détails.

    Je ne saurais que vous conseiller de tenter ce pari fou. Vraiment. Fou d'imaginaire et d'évasion. Fou d'un univers incroyable et d'un duo inventif et réussi. Alors, vous êtes joueurs ?

    Note : 17/20

    Date : 09 mars 2018 - 11 mars 2018 

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