Auteur : Alain Damasio
Éditeur : Folio SF (2016)
Genre : Science-fiction, dystopie
Pages : 656 (format poche)
Le résumé : 2084. Orwell est loin désormais. Le totalitarisme a pris les
traits bonhommes de la social-démocratie. Souriez, vous êtes gérés ! Le citoyen
ne s'opprime plus : il se fabrique. A la pâte à norme, au confort, au
consensus. Copie qu'on forme, tout simplement. Au cœur de cette glu, un
mouvement, une force de frappe, des fous : la Volte. Le Dehors est leur espace,
subvertir leur seule arme. Emmenés par Capt, philosophe et stratège, le peintre
Kamio et le fulgurant Slift que rien ne bloque ni ne borne, ils iront au bout
de leur volution. En perdant beaucoup. En gagnant tout. Premier roman, ici
réécrit, La Zone du Dehors est un livre de combat contre nos sociétés de
contrôle. Celles que nos gouvernements, nos multinationales, nos technologies
et nos médias nous tissent aux fibres, tranquillement. Avec notre plus complice
consentement. Peut-être est-il temps d'apprendre à boxer chaos debout contre le
swing de la norme?
Ma chronique : Qu'il va
être difficile de parler de ce roman. Je ne maîtrise pas tous les codes de la
science-fiction, et encore moins ceux de la science-fiction
"damasienne". Je ne suis pas non plus la personne a mieux placée pour
délivrer le message lourd (très lourd!) de sens que livre Alain Damasio dans La
zone du Dehors. Un message à large portée politique, de surcroît. Je me lance
donc à tâtons, j'essaie.
En 2084, la Terre
dévastée a été abandonnée par les Hommes. Les colonies se multiplient dans le
système solaire, dont l'une sur un astéroïde des anneaux de Saturne. Sur cet
astéroïde, une ville en apparence idéale : Cerclon I. Pas de banditisme, pas de
violence, pas de crimes. Une société méritocratique. Une démocratie poussée à
l'extrême, invitant chacun à noter ses semblables sur leur
comportement, leur apparence, leur sympathie, la qualité de leurs interactions
sociales, leur professionnalisme, leurs performances individuelles et j'en
passe. Oui, une note, comme à l'école. Et de cette note dépend votre place au
sein de la société, au sein du classement des citoyens appelé Clastre. Aux
mieux classés reviennent les emplois les plus prestigieux et, avec eux, les
meilleures conditions de vie. Aux moins bien classés, hé bien ... ce qui reste.
Ajoutez à cela une surveillance constante des citoyens par les citoyens,
des médias partiaux, une technologie exacerbée au service du gouvernement,
une déconstruction de l'individualité de chacun et vous obtenez un
régime totalitaire bien camouflé. Face à ce régime s'oppose un mouvement :
la Volte. A sa tête, cinq activistes, parmi lesquels le protagoniste principal,
Captp.
Pas de doute
possible vous l'aurez compris, La zone du Dehors est un roman d'anticipation,
façon Orwell revisité et nettement plus digeste. Car Damasio est un
grand maître de la langue française. On le sait, Alain Damasio écrit peu,
par exigence, comme il aime le dire. Mais s'il écrit peu, il écrit
excessivement bien. Chaque mot est choisi avec soin, chaque néologisme est
construit avec génie. Rien n'est laissé au hasard : aucune tournure de phrase,
aucun silence. On pourrait croire qu'une telle passion de mots rime avec
lourdeur. Ce n'est pas le cas. Il se dégage de ce récit une certaine forme de
poésie. Pas d'indigestion en perspective, donc. Les mots coulent
et se lisent avec fluidité et, en conséquence, le message politique passe comme
dans du beurre.
Mais là où sur le
net l'aspect anticipatif du roman est, généralement, le seul à être mis en
avant, j'ai vu autre chose dans ce récit. J'y ai vu les bases d'un
questionnement qui a trouvé écho en moi. Jusqu'où aller pour défendre
ses opinions ? Doit-on et peut-on libérer une masse qui se satisfait
parfaitement de son sort ? Est-il acceptable de sacrifier une personne pour en
libérer une multitude ? En somme, la fin justifie-t-elle
toujours les moyens ? Et si oui, comme dit Damasio, qui justifie la fin ? Autant
de questions que je me suis plue à me poser, et dont je n'ai heureusement
toujours pas trouvé les réponses (si tant est qu'il en existe).
Côté intrigue, Captp
est un héros efficace et humain. Captp aime, doute, pleure, combat et, même
si on ne saurait être d'accord avec chacune de ses idées, a au moins le mérite
de les exposer et de se positionner clairement par rapport à elles. A cet
égard, Captp incarne à mon sens l'alter ego de Damasio au sein même du roman.
Comme si l'auteur avait souhaité s'intégrer au récit. S'y incarner. Et ça
fonctionne plutôt bien, malgré deux-trois passages légèrement trop lourds et
condensés pour moi. Mais ce ne sont que quarante pages à tout casser dans un
roman qui en fait sept cent, alors ça se pardonne sans trop de problèmes.
Après Captp, le
protagoniste, il y a A, l'un des antagonistes. Le président de Cerclon I.
L'homme à abattre, d'une certaine manière. On a beau exécrer le système
politique qu'il a mis en place, lorsqu'on l'entend le défendre, le justifier,
on ne peut nier le fond de vérité et ... de bon sens, presque, derrière ses
propos. A m'a mis profondément mal à l'aise. Et je dis bravo. Qu'il
est bon de se confronter à soi-même !
Parlons rythme.
Passées la première trentaine de pages plutôt fastidieuse, le reste coule comme
de l'eau de source. Les actions s'enchaînent, les discours enflammés en font de
même et l'un dans l'autre, ces deux éléments essentiels au récit embarquent
avec eux le lecteur. Tantôt il s'insurge avec la Volte, tantôt
il s'insurge contre la Volte, mais à aucun moment il n'est
spectateur.
Mon seul regret
concernant cet ouvrage, c'est sa conclusion. Mais comme on dit, ce n'est pas la
destination qui importe, mais le voyage. Et le voyage que m'a proposé Damasio
m'a plu. Alors je ne lui en tiens pas rigueur. En bref, un roman qui fait
énormément réfléchir et grandir. A lire d'urgence !
Date de lecture : 30 janvier 2018 - 1er février 2018
Je n'ai pas lu celui-là mais La horde du contrevent, et qu'il était difficile à lire ! J'ai eu beaucoup de mal à me convaincre d'aller au bout et au final, j'en suis ressortie avec un sentiment de "tout ça pour ça" assez frustrant ! Je ne crois pas lire autre chose de cet auteur.
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