Auteur : Hugh Howey
Editeur : Actes Sud
Genre : Science-fiction, survivalisme
Pages : 293 pages (grand format)
Résumé : Un groupe de cinq cents humains a été envoyé dans l'espace pour coloniser une autre planète. Dans un état de semi-conscience, ils reçoivent une éducation dispensée sous forme de stimulations par une intelligence artificielle. Ils doivent se réveiller à trente ans, parfaitement formés pour appréhender leur nouveau monde. Mais après quinze années, une explosion à bord du vaisseau tue la majorité d'entre eux et détruit la plus grande partie de leurs vivres. Pire, les soixante jeunes rescapés qui se réveillent n'ont pas terminé leur apprentissage et ne possèdent que les connaissances les moins utiles à leur survie. Nus, terrifiés, les adolescents tentent d'utiliser l'IA pour mettre sur pied leur colonie, mais les luttes de domination font bientôt leur apparition, et ils découvrent que leur pire ennemi n'est ni l'environnement hostile, ni l'IA, ni l'explosion qui a failli les tuer, mais le reste du groupe.
Chronique : Avec tous les gros projets persos que j'ai en route et qui allègent sévèrement le porte-monnaie, j'y vais franchement mollo sur l'achat de livres depuis un petit temps, et surtout je limite l'achat de livres neufs. Pour le Choupaille birthday j'ai par contre eu la super surprise de recevoir des bons à faire valoir dans ma librairie préférée, et je m'y suis donné à cœur joie notamment avec l'achat de Une colonie de Hugh Howey - de la SF, ça faisait longtemps, tiens ! J'aime beaucoup l'auteur et ses romans tous publics (on reviendra sur ce point) et honnêtement même si le livre a ses défauts, j'ai encore passé un super moment. Faut dire aussi que Une colonie tombait très bien : après beaucoup de Fantasy et un roman Fantastique qui m'a pas particulièrement plu, j'avais besoin d'un changement radical ... et je l'ai eu ! Et sur la question de la radicalité justement, l'I.A dont dépendent Porter et ses malheureux camarades atteint des sommets : ça donne un roman man vs. wild mais surtout man vs. machine hyper intéressant.
L'humanité s'est lancée dans la conquête de l'espace. Des millions de vaisseaux pionniers ont été envoyés aux quatre coins de la galaxie avec pour but de trouver une planète habitable et d'y établir une colonie. A bord de ces superstructures, les I.A sont seules maîtresses et exercent un contrôle total sur les cinq cent blastocystes qu'elles transportent. Si d'après la prise de paramètres initiales la planète est décrétée viable, c'est le début de la vie embryonnaire et de trente ans d'apprentissage en cuves pour les individus de la colonie en devenir. Si ce n'est pas la cas, c'est l'avortement et la destruction de toutes les installations. Celle sur laquelle atterrit le vaisseau de Porter est le deux à la fois, et l'I.A se décide après quinze années de tergiversations à procéder à un avortement ... avant de changer d'avis. Résultat : une catastrophe dont ne survit qu'une soixantaine d'adolescents nés prématurément, des infrastructures endommagées et une lutte pour la survie compromise par les priorités surréalistes de l'I.A. La situation empire, la colonie revêt des airs de prison et certains, dont le jeune Porter, se décident à tenter leur chance au dehors ...
Ça n'a l'air de rien comme ça, mais mine de rien avec ce pitch de départ le roman aborde plein de thématiques sympas pour moins de trois cents pages de long. Au lendemain de l'avortement interrompu de la colonie, il y a d'abord la question du deuil et de la gestion du trauma. On parle quand même de quatre cents cinquante ados qui ont fini cramés suite à l'indécision de l'I.A, et parmi les survivants on trouve hélas les métiers pas franchement cruciaux pour la survie globale (pas de bol, vraiment). La gestion de cette perte humaine immense demande du doigté et du savoir-faire que pratiquement personne n'a, et du coup chacun se retrouve à faire les choses à sa façon. Certains développent des liens hyper forts avec leurs compagnons d'infortune alors que d'autres s'approprient le leadership pour mettre tout le monde au turbin - c'est bien connu : s'occuper les mains, c'est s'occuper l'esprit ! Directement après ça, c'est sur la survie de tous et l'urgence de stabiliser la base qu'on se penche naturellement : que faire, comment, avec quels moyens ... et surtout sous la tutelle de qui ? Ce sujet là m'a beaucoup parlé parce qu'on constate rapidement que deux philosophies opposées émergent pour tendre vers le "bien commun": celle du bon sens et de l'entraide, et celle de la loi du plus fort. Je vous laisse deviner qui gagne, hein.
Ce que j'ai apprécié aussi, c'est que la notion de "bien commun" est très relative puisque la team de gros bras qui s'arrache le commandement de la colonie s'en remet totalement à l'I.A pour juger de ce qui est essentiel (ou pas) et de ce qui est bien (ou pas). Or selon l'ordinateur de bord, la priorité absolue c'est pas de lancer les semailles et autres entreprises de survie à long terme, mais d'envoyer une fusée en orbite. La base prend donc des allures de camp de travail forcé pour construire l'engin spatial et la peur des représailles empêche rapidement les quelques contestataires d'ouvrir leur gueule - les armes, ça calme. Dans l'ombre des abris de fortune, la question que les colons se posent est la suivante : faut-il dire suivre l'I.A. dans ses plans invraisemblables en espérant qu'elle finisse par s'occuper des problèmes de subsistance, ou bien faut-il agir contre elle ? Après une série d'incidents c'est assez clair pour Porter et ses amis : il vaut mieux tenter sa chance au dehors plutôt que de croupir sur le camp. C'est parti pour le grande évasion !
Débute alors une lutte pour la survie dans l'immensité de la forêt qui entoure la base et qui m'a beaucoup rappelé la forêt des Kloropanphylles de la saga fantastique Autre-Monde de Chattam. On y découvre un écosystème nouveau, invraisemblable selon les critères purement terrestres mais suffisamment proche de ce qu'on connaît pour qu'on se représente tout sans souci. J'ai adoré me perdre dans cet univers un peu magique et étudier avec les rescapés de la colonie les solutions aux problèmes qui n'ont pas manqué de leur tomber dessus. On passe d'un contexte man vs. machine (voire man vs. man, en fait), à man vs. wild en quelques pages, et ça fait de ce roman d'une part une lecture hyper abordable pour tous, mais aussi et surtout pour ceux que la SF traditionnelle rebute un peu. Les héros sont adolescents mais ça ne classe pas pour autant Une colonie dans la case YA : j'apprécie pas trop ce genre et je peux vous dire qu'on en est assez loin avec ce roman hyper passe-partout. On voudrait quelques fois que le tout soit un chouilla plus développé parce que ça peut sonner très bisounours à force de raccourcis et que les persos sont pas très recherchés, mais le format est idéal pour une lecture entre deux plus conséquentes.
La dernière question sympa que pose le roman (ma préférée celle-là), c'est celle de la valeur des vies humaines face aux enjeux financiers colossaux de la conquête spatiale. On a là une question de gros sous-sous, de brevets, de course à qui bâtira sa colonie le premier sur le dos de petites populations sacrifiables qu'on n'hésite pas à faire cramer si le profit n'y est pas. Et ouais, parce qu'au delà de la viabilité c'est surtout la rentabilité et le potentiel financier des nouveaux mondes qui intéressent. Les ordinateurs de bord aux commandes des vaisseaux disséminés dans la galaxie sont d'ailleurs spécialement programmés pour prêter une attention toute particulière à la balance investissement/ profit, quitte à trucider les pauvres colons dans la foulée. La situation de Porter et de ses potes n'est donc pas isolée : c'est clairement pas les premiers à se faire avorter et sans doute pas les derniers. La nouveauté ici, c'est que l'I.A a changé d'avis en cours de processus et les a jetés au monde avec quinze ans d'avance dans un bordel total - du feu, des cris, de la boue. En ce sens on est sur quelque chose d'inédit : une improbabilité comme il en arrive une sur un million. Quelle chance on a de disposer du témoignage de Porter pour apporter un peu de lumière dans cette affaire !
Porter, c'est le pseudo-psychologue qui tire les rennes du récit. Comme tout le monde sur la base, il lui manque quinze ans de formation pour jouer son rôle à la perfection et c'est rigolo de le voir essayer de se dépatouiller avec ses monstrueuses lacunes. Sans trop rentrer dans le détail j'ai trouvé le personnage sympa mais un peu mièvre, voire même complètement à côté de la plaque par certains aspects (son homosexualité surtout, hyper maladroitement restituée par l'auteur qui en fait une composante génétique banale). J'en reviens encore à cette saga, mais les personnages de Une colonie sont du même acabit que ceux d'Autre-Monde : ils font le taf mais globalement tout le monde manque de caractère (ça reste des personnages de papier qui transcendent pas des masses). Par contre quelle bonne idée de taper un philosophe dans le lot ! - je me suis bien marrée, même si le pauvre tourne pas très bien. La conclusion est très ouverte et un poil précipitée, mais ça passe et surtout ça s'aligne avec le reste. Une lecture perfectible en somme, mais avec plein de chouettes questions à la clé et surtout hyper abordable. Je conseille à ceux que ça intéresse d'attendre la parution en poche ou de le lorgner d'occasion - y a pas vraiment d'urgence à mettre la main dessus.
Note : 15/20
J'avais lu Silo de l'auteur et j'avais bien aimé mais sans plus. J'avoue que je suis pas méga hypée pour celui-ci mdr
RépondreSupprimerOn est vraiment sur quelque chose de différent, c'est clair ! Le premier tome de Silo reste ma lecture préférée de l'auteur, et de LOIN. Si jamais il y a Outresable qui est vachement sympa, ça peut peut-être te tenter ? :-)
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