Auteur : Rachel Tanner
Éditeur : Mnémos
Genre : Fantasy historique, Uchronie
Pages : 533 pages (grand format)
Tome 1 lu dans le cadre du « Hold my SFFF Challenge », tome 2 dans celui du « Pumpkin Autumn Challenge »
VIIIe siècle après Jésus-Christ : le culte de Mithra est devenu la religion officielle de l’Empire romain, et les autres cultes, dont celui de la petite secte chrétienne, sont férocement réprimés. Mais les mécontents s’agitent : peuples germaniques en révolte, Armoricains jaloux de leur autonomie, tribus helvètes bien décidées à interdire l’accès à leurs montagnes… À Vindossa – jardin d’Éden protégé du monde extérieur – Ygrène, une puissante magicienne, s’efforce de rassembler les ennemis de Rome. Il ne manque qu’une étincelle pour mettre le feu aux poudres, et elle viendra de Judith de Braffort, fille d’un noble armoricain, envoyée à Vindossa par un dieu assez mystérieux. À Rome pourtant, alors que les légions se mettent en marche, la vie continue, entre jeux du cirque et chasse aux hérétiques, complots politiques et menaces diverses.
Ma chronique : Avec ce mois de novembre qui avance à grands pas, il était temps que je strike davantage mes challenges en cours tout en me faisant plaisir à moi et à ma PAL, et à ce titre la sélection de l'intégrale du Cycle de Mithra est très, très bien tombée. Un pavé en moins sur l'étagère de la honte, deux challenges validés en un et surtout une chouette lecture commune avec La Geekosophe, que demande le peuple ? Une bonne uchronie doublée d'une fantasy historique convaincante quoiqu'un peu décousue parfois, okay, mais une incursion dans un Empire romain hypothétique menée avec style et conviction malgré tout - bref, il y a matière à plaire ! Laissez bible et livres d'Histoire de côté, on plonge dans un monde où le Soleil Invaincu règne en seul maître et avec Rachel Tanner qui mène la danse, pas de place pour les tendres, vous êtes prévenus !
Quinze siècle après sa fondation au bord du Tibre, Rome et son monumental empire tiennent toujours la moitié de l'Europe d'une main ferme. Résolument mithriaste depuis la conversion de l'empereur Constantin au culte du Sol Invictus, le monde tel que l'ont conçu les Romains se veut toutefois moins tolérant de siècles en siècles vis-à-vis des païens subsistant dans les contrées les plus éloignées de la capitale. Judith est fille du duc de Braffort et n'a jamais quitté son Armorique natale. Son quotidien est celui des livres paternels qu'elle parcourt, des instructions d'armes qu'elle partage avec ses frères, de la chasse et des banquets. Mais un jour qu'elle s'égare dans les bois du domaine, un dieu d'un autre temps lui apparaît et lui somme de rejoindre la sorcière Ygrene en Helvétie - il en va de la survivance des cultes indigènes de la Gaule. N'ayant guère d'autre choix que d'obéir, Judith se met en route alors que la rancœur et la colère d'une cousine humiliée la talonnent. Aux côtés d'un conseil de mages puissants et d'un certain Charles Magnus, une lutte clandestine contre la tyrannie de Mithra s'engage : qui des anciens dieux ou du Sol Invictus règnera sur la Gaule ?
Des druides, des oracles, des sorcières, des devins : aucun n'a pas plus sa place dans le monde mithriaste de Rachel Tanner et c'est aux côtés de la téméraire Judith qu'on mène le combat de leur subsistance. Glaive au poing, murmures magiques au bord des lèvres et même pas peur !, la lutte pour la liberté de conscience dont fait l'objet L'empreinte des dieux s'accompagne de brutes épaisses et de grands hommes bien connus des livres d'Histoire que la non conversion de l'empereur Constantin au christianisme n'a pas pu gommer de la réalité. Il faudra ainsi compter sur la présence et la prestance du grand Charles Magnus qui ne se laisse pas conter fleurette si facilement : pas question pour lui de renier les croyances de ses aînés au profit d'un culte embourgeoisé issu d'une capitale qu'il exècre. Hormis un cercle de mages à l'esthétisme et l'intellect irréprochables, les soutiens sont pauvres et les légions romaines envoyées au nom de Mithra redoutables ; mais qu'à cela ne tienne on est un celte têtu et épris de liberté, ou on l'est pas ! Mieux vaut mourir libre de ses croyances que de ployer devant le Sol Invictus et son clergé ambitieux, voilà la philosophie d'un Saint Empire germanique qui malgré le contexte uchronique parvient à émerger d'une trame où il n'a pourtant jamais existé. La Bretagne et l'Helvétie s'en mêlent par la suite pour un récit plus dépaysant encore et toujours plus de découvertes antiquo-uchroniques et de peuples valeureux.
Envers et contre tout et surtout envers et contre Mithra, il y a des nœuds historiques sans doute trop cruciaux pour disparaître au moindre battement d'ailes de papillon. L'uchronie selon Rachel Tanner a donc ça de très sympa qu'en dépit du virage serré qu'elle a fait prendre à l'Histoire, certains marqueurs demeurent, trop forts ou trop incontournables pour qu'on en dévie totalement - un petit côté inaliénable pas si dégueu à méditer avant d'aller roupiller. Dans ce monde hypothétique un peu surprenant pour les habitués du déclin de Rome en 476, l'Empire romain d'occident doit sa survivance à Mithra dont le culte plus axé sur la collectivité que le salut individuel a cimenté la population romaine - un menu détail qui fait toute la différence et qui tient solidement la route. Le battement d'ailes du papillon, le typhon dans l'hémisphère voisin : on est en plein dedans avec ce récit et quand bien même la volonté de Mithra de museler finalement les divinités païennes renvoie à un chapitre connu de la chrétienté, difficile de sentir le déjà-vu dans un contexte historique revisité aussi réussi. L'empreinte des dieux est au petits oignons pour qui veut faire le plein de magie et d'oracles en terres celtes, Le glaive de Mithra idéal pour les adeptes de Rome et de ses noirs dessous en temps de peste, et que ce soit pour l'un ou l'autre on sent le boulot monstrueux qui a été abattu derrière en terme de recherches. Il y a beaucoup à apprendre de cette intégrale, de cet Empire à deux vitesses, tous niveaux confondus mais surtout concernant ce culte sur lequel Constantin aurait tout aussi bien pu jeter son dévolu. ~ un monde mithriaste, vous imaginez ça, vous ?
Mais au delà de l'uchronie rondement menée, le Cycle de Mithra c'est aussi un récit de Fantasy historique très réussi. Il y a des peuplades celtes, de l'antique magie, des nécromanciens, des manifestations divines, des embuscades épiques et des affrontements désespérés sur fond de lutte pour le contrôle massif des consciences - endoctrinement, vous avez dit endoctrinement ? Au bout de la plume très convainquante de Rachel Tanner, Judith de Braffort mène le bal, partant de nulle part dans L'empreinte des dieux pour arriver au sommet dans Le glaive de Mithra et témoigner du chemin parcouru par la petite Bretonne au caractère bien trempé et aux pieds heureusement rivés sur la terre ferme, c'est très satisfaisant. Femme de son époque Judith pèse ses mots, elle en dit peu mais n'en pense pas moins et ses réflexions in petto valent le détour. Son éducation à la garçonne lui sauve la mise à de nombreuses reprises quand ce ne sont pas ses talents magiques qui le font, mais pour autant son personnage n'est pas over-cheaté : elle a ses limites, ses faiblesses ; bref elle est humaine et bien campée sur ses gambettes. Pas de quoi crier à l'amour fou, Judith fait le boulot et on la suit avec bonne volonté ... un peu comme tous les protagonistes du cycle qui manquent de piquant mais tiennent malgré tout la route, sans grand méchant ni grand gentil et avec un Empereur Julius Agrippa au top.
Malgré tous ces bons points le récit est par contre assez troublant côté narration, avec une construction en deux tomes indépendants aux liens de cause à effet un peu confus et aux points de vue très changeants. Que ce soit d'un chapitre ou d'un roman à l'autre la logique des choix de Rachel Tanner m'a échappé à de nombreuses reprises. Rien de dramatique ni de dommageable pour la bonne compréhension du récit, simplement des choix surprenants dont j'aurais aimé comprendre la motivation pour le coup très peu claire. L'empreinte des dieux et Le glaive de Mithra sont deux bonnes lectures, on y retrouve le même empire à une décennie près et pourtant que de mal à imaginer que l'une découle de l'autre ! Un revirement complet qui m'a un peu paumée et qui pour le coup me laisse perplexe : un talisman à neutraliser sorti de nulle part, des zombies dans les catacombes, une narration dont Judith ne fait presque plus l'objet, une non-fin déroutante qui à mon sens ne clôt pas grand chose ... mouerf, je suis passée à côté de schéma général de l'intégrale et c'est dommage.
On ne va donc pas se le cacher, parler « d'oeuvre majeure de la fantasy historique » comme c'est le cas en quatrième de couverture, je trouve ça un peu gros, un peu too much. Le Cycle de Mithra m'a fait passer un très, très chouette moment dans une intégrale travaillée bourrée d'à-côtés sympas, mais je préfère tempérer mes ardeurs à défaut de subir celles de copains de chez Mnémos. Les amateurs d'uchronie et d'Histoire trouveront cependant de quoi se mettre sous la dent dans cette intégrale agrémentée de quelques nouvelles sur lesquelles j'ai fait l'impasse ; le postulat de départ frise suffisamment le génie pour plaire et le cocktail fonctionne malgré un ou deux bémols : santé aux futurs lecteurs et gloire à l'uchronie dont Le cycle de Mithra est un très bon représentant que je ne regrette certainement pas d'avoir en ma possession. « Si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eût été mithriaste » : c'est sur cette note que vous débuterez l'aventure ... à méditer avec philosophie !
Des druides, des oracles, des sorcières, des devins : aucun n'a pas plus sa place dans le monde mithriaste de Rachel Tanner et c'est aux côtés de la téméraire Judith qu'on mène le combat de leur subsistance. Glaive au poing, murmures magiques au bord des lèvres et même pas peur !, la lutte pour la liberté de conscience dont fait l'objet L'empreinte des dieux s'accompagne de brutes épaisses et de grands hommes bien connus des livres d'Histoire que la non conversion de l'empereur Constantin au christianisme n'a pas pu gommer de la réalité. Il faudra ainsi compter sur la présence et la prestance du grand Charles Magnus qui ne se laisse pas conter fleurette si facilement : pas question pour lui de renier les croyances de ses aînés au profit d'un culte embourgeoisé issu d'une capitale qu'il exècre. Hormis un cercle de mages à l'esthétisme et l'intellect irréprochables, les soutiens sont pauvres et les légions romaines envoyées au nom de Mithra redoutables ; mais qu'à cela ne tienne on est un celte têtu et épris de liberté, ou on l'est pas ! Mieux vaut mourir libre de ses croyances que de ployer devant le Sol Invictus et son clergé ambitieux, voilà la philosophie d'un Saint Empire germanique qui malgré le contexte uchronique parvient à émerger d'une trame où il n'a pourtant jamais existé. La Bretagne et l'Helvétie s'en mêlent par la suite pour un récit plus dépaysant encore et toujours plus de découvertes antiquo-uchroniques et de peuples valeureux.
Envers et contre tout et surtout envers et contre Mithra, il y a des nœuds historiques sans doute trop cruciaux pour disparaître au moindre battement d'ailes de papillon. L'uchronie selon Rachel Tanner a donc ça de très sympa qu'en dépit du virage serré qu'elle a fait prendre à l'Histoire, certains marqueurs demeurent, trop forts ou trop incontournables pour qu'on en dévie totalement - un petit côté inaliénable pas si dégueu à méditer avant d'aller roupiller. Dans ce monde hypothétique un peu surprenant pour les habitués du déclin de Rome en 476, l'Empire romain d'occident doit sa survivance à Mithra dont le culte plus axé sur la collectivité que le salut individuel a cimenté la population romaine - un menu détail qui fait toute la différence et qui tient solidement la route. Le battement d'ailes du papillon, le typhon dans l'hémisphère voisin : on est en plein dedans avec ce récit et quand bien même la volonté de Mithra de museler finalement les divinités païennes renvoie à un chapitre connu de la chrétienté, difficile de sentir le déjà-vu dans un contexte historique revisité aussi réussi. L'empreinte des dieux est au petits oignons pour qui veut faire le plein de magie et d'oracles en terres celtes, Le glaive de Mithra idéal pour les adeptes de Rome et de ses noirs dessous en temps de peste, et que ce soit pour l'un ou l'autre on sent le boulot monstrueux qui a été abattu derrière en terme de recherches. Il y a beaucoup à apprendre de cette intégrale, de cet Empire à deux vitesses, tous niveaux confondus mais surtout concernant ce culte sur lequel Constantin aurait tout aussi bien pu jeter son dévolu. ~ un monde mithriaste, vous imaginez ça, vous ?
Chrétienté et mithriaïsme : le Cycle de Mithra regorge de parallélismes intéressants bons pour la culture générale et plus encore. L'un et l'autre ont joué la même lice pour le cœur des Romains, le vainqueur a veillé à écraser le perdant et quand Rachel Tanner explique le pourquoi du comment, ça tombe sous le sens - je vous laisse découvrir ça comme des grands et prendre un coup de culture, moi ça m'a fait du bien !
Mais au delà de l'uchronie rondement menée, le Cycle de Mithra c'est aussi un récit de Fantasy historique très réussi. Il y a des peuplades celtes, de l'antique magie, des nécromanciens, des manifestations divines, des embuscades épiques et des affrontements désespérés sur fond de lutte pour le contrôle massif des consciences - endoctrinement, vous avez dit endoctrinement ? Au bout de la plume très convainquante de Rachel Tanner, Judith de Braffort mène le bal, partant de nulle part dans L'empreinte des dieux pour arriver au sommet dans Le glaive de Mithra et témoigner du chemin parcouru par la petite Bretonne au caractère bien trempé et aux pieds heureusement rivés sur la terre ferme, c'est très satisfaisant. Femme de son époque Judith pèse ses mots, elle en dit peu mais n'en pense pas moins et ses réflexions in petto valent le détour. Son éducation à la garçonne lui sauve la mise à de nombreuses reprises quand ce ne sont pas ses talents magiques qui le font, mais pour autant son personnage n'est pas over-cheaté : elle a ses limites, ses faiblesses ; bref elle est humaine et bien campée sur ses gambettes. Pas de quoi crier à l'amour fou, Judith fait le boulot et on la suit avec bonne volonté ... un peu comme tous les protagonistes du cycle qui manquent de piquant mais tiennent malgré tout la route, sans grand méchant ni grand gentil et avec un Empereur Julius Agrippa au top.
La faute à l'époque où la mesure était semble-t-il un canon de beauté intérieur : ça manque d'urgence, de passion, de sentiments forts et d'introspection. Heureusement cousine Frédérique et père Eunomos sont là pour instiller de la mauvaise foi et bidouiller dans l'ombre - la base de la politique à la Romaine qui monte au nez avec plaisir !
Malgré tous ces bons points le récit est par contre assez troublant côté narration, avec une construction en deux tomes indépendants aux liens de cause à effet un peu confus et aux points de vue très changeants. Que ce soit d'un chapitre ou d'un roman à l'autre la logique des choix de Rachel Tanner m'a échappé à de nombreuses reprises. Rien de dramatique ni de dommageable pour la bonne compréhension du récit, simplement des choix surprenants dont j'aurais aimé comprendre la motivation pour le coup très peu claire. L'empreinte des dieux et Le glaive de Mithra sont deux bonnes lectures, on y retrouve le même empire à une décennie près et pourtant que de mal à imaginer que l'une découle de l'autre ! Un revirement complet qui m'a un peu paumée et qui pour le coup me laisse perplexe : un talisman à neutraliser sorti de nulle part, des zombies dans les catacombes, une narration dont Judith ne fait presque plus l'objet, une non-fin déroutante qui à mon sens ne clôt pas grand chose ... mouerf, je suis passée à côté de schéma général de l'intégrale et c'est dommage.
On ne va donc pas se le cacher, parler « d'oeuvre majeure de la fantasy historique » comme c'est le cas en quatrième de couverture, je trouve ça un peu gros, un peu too much. Le Cycle de Mithra m'a fait passer un très, très chouette moment dans une intégrale travaillée bourrée d'à-côtés sympas, mais je préfère tempérer mes ardeurs à défaut de subir celles de copains de chez Mnémos. Les amateurs d'uchronie et d'Histoire trouveront cependant de quoi se mettre sous la dent dans cette intégrale agrémentée de quelques nouvelles sur lesquelles j'ai fait l'impasse ; le postulat de départ frise suffisamment le génie pour plaire et le cocktail fonctionne malgré un ou deux bémols : santé aux futurs lecteurs et gloire à l'uchronie dont Le cycle de Mithra est un très bon représentant que je ne regrette certainement pas d'avoir en ma possession. « Si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eût été mithriaste » : c'est sur cette note que vous débuterez l'aventure ... à méditer avec philosophie !
Note : 16/20
Date : 02 novembre 2019 - 10 novembre 2019
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