Les extraordinaires et fantastiques enquêtes de Sylvo Sylvain, détective privé, tomes 1 et 2 de Raphaël Albert - Panam, Panam, on arrive !

Auteur : Raphaël Albert

Éditeur : Hélios

Genre : Urban fantasy

Pages : 320 et 420 pages (format poche)

Lu dans le cadre du « Pumpkin Autumn Challenge »

Résumé : Panam, dans les années 1880 : les humains ont repris depuis longtemps la main sur les Peuples Anciens. Sylvo Sylvain a posé son havresac dans la rue Farfadet, gouailleuse à souhait. Il exerce la profession exaltante de détective privé et les affaires sont nombreuses ! Des adultères, des maris jaloux, des épouses trompées, etc. Ni très rémunérateur, ni très glorieux... Alors, Sylvo fréquente assidûment les bars et les lieux de plaisir en tout genre où son charme envoûte ces dames... Jusqu'au jour où lors d'un banale enquête de routine il se trouve mêlé à une machination dépassant l'entendement. Le voilà, bien malgré lui, chargé de l'affaire par l'un des trois puissants ducs de Panam. Saura-t-il tirer son épingle de ce jeu compliqué et dangereux ?

Ma chronique : Les extraordinaires et fantastiques enquêtes de Sylvo Sylvain, détective privé : voilà un titre dont la typo à bien failli épuiser les quelques forces qui me restent en ce « beau » dimanche ! Pourtant en sus d'un nom interminable qui annonce méchamment bien la couleur des bestiaux, la tétralogie de Raphaël Albert a pour elle des qualités que je ne vais pas me gêner de vous vanter tout du long de cette chronique - mode lectrice conquise ON ! Pour de la magie, des complots et du caractère, misez sur Raphaël Albert et embarquez pour la Panam de tous les possibles en la compagnie d'un elfe torturé et de son indéfectible compagnon le pillywiggin ~ Panam, Panam, on arrive !

Du bon ouisk, un canapé douillet où atterrir, des enquêtes pour adultère et autres bricoles pour se changer les idées noires : voilà le quotidien de Sylvo Sylvain, détective privé et elfe solitaire de Panam la grande. Solitaire, c'est toutefois vite dit. Pixel le bon camarade de galère seconde Sylvo au quotidien du haut de ses trente centimètres et quand une enquête de routine tourne au vinaigre, le pillywiggin n'est pas de trop pour aider à démêler l'affaire. Que font un nain et une humaine de la haute dans un love hotel ? Quel lien avec les attentats qui ébranlent Panam de jour en jour ? Quel avenir pour la cité où créatures fantastiques et humains sont à couteaux tirés et surtout, qui manipule les grands dans l'ombre ? S'il souhaite survivre à l'improbable succession des évènements, Sylvo doit la jouer fine et abattre ses cartes avec subtilité.

Si en bon Européen Paris n'a sans doute que peu de secrets pour vous, tempérez votre côté blasé, laissez-le de côté et ouvrez grand les mirettes : Raphaël Albert en a sous le coude et nous envoie à Panam, jumeau non pas maléfique mais fantastique de la ville lumière. Osez mettre les pieds là où la Seine fait place à la Veine, où Pigalle devient Mygale et Montmartre une certaine Butte Momie - c'est truffé de références bien juteuses qu'on se plaît à prendre en chasse et franchement, on s'amuse comme des petits fous ! On navigue entre connu et inconnu en territoire franco-fantastique, il y a du beau monde, du petit peuple et de la magie à chaque coin de rue. De quoi retrouver un peu de cette ambiance urbaine, ensorcelante et vaporeuse que j'avais tant appréciée lors de ma lecture du Paris des Merveilles, quand ce n'est pas une atmosphère tragi-comique à la façon d'un bon tome des Sœurs Carmines qui vous secoue les tripes à chaque bonne réplique - ma préférée demeurant à jamais l'exceptionnel « JE NE SUIS PAS UNE CAROTTE ! »

Pevel en 2003, Albert en 2010 et Holzl en 2017 : un très bon tiercé et autant d'auteurs qui jouent dans une cour où il fait bon de lire !

Pourtant aïe aïe aïe, je vous avoue avoir eu peur sur les cinquante premières pages du tome un - rue farfadet. On y rencontre Sylvo le temps d'un monologue ininterrompu censé nous introduire Panam mais qui pour le coup colle plutôt la frousse : on se dit que si tout le roman n'est qu'une immense tirade à base de « moi je ci, moi je ça », on va vite le reposer. Heureusement la donne change rapidement, le rythme s'envole, la personnalité décolle et en un tour de main nous voilà sur la piste des comploteurs de Panam, une bonne bouteille de ouisk à la main et quantité de contacts infréquentables pour indics. Trois Ducs se disputent la gouvernance de Panam, et pendant qu'un quatrième sévit dans l'ombre il faut tout entreprendre pour chasser les terroristes des rues avant l'attentat de trop. Les pistes sont aussi éparses qu'improbables et pourtant tout prend sens petit à petit - que ce soit dans le premier où le second tome, Avant le déluge, qui verse lui dans une manigance bien plus odieuse encore. 

De l'aventure, du caractère et des ruelles malfamées aux pavés traîtres : pas le temps de s'ennuyer ni de tomber dans du déjà-lu. Raphaël Albert fait dans le tragi-comique sur fond de Paris réinventé et de complots nébuleux, XIXe siècle à vapeur et créatures fantastiques en cadeau !

Qu'il s'agisse de combattre un groupuscule terroriste ou une Académie de technomages ambitieux, Sylvo et Pixel sont franchement bien entourés le temps de ces deux tomes et question références, on a là encore du beau gratin - Jacques Londres et Arsène Lutin sont du nombre mais pour le reste, ce sera à vous de faire la découverte ! Raphaël Albert envoie le paquet question protagonistes, okay, et même si c'est bidonnant de courir d'une référence truculente à l'autre, il n'empêche que c'est Sylvo Sylvain qui envoie le plus. Deux tomes et on n'a toujours pas fait le tour de l'elfe ravagé qu'on devine sous le chapeau melon et le trench-coat : on pressent le vécu dramatique, on le touche parfois du doigt et ce n'est finalement qu'une pièce après l'autre qu'on résolvera l'énigme « Sylvo ». Dans l'intervalle le détective se fait aussi torturé que blagueur et politiquement incorrect, et j'ai personnellement a-do-ré cette rencontre littéraire. Y en sous le capot de Sylvain et je compte parmi ceux qui iront au bout pour savoir quelles blessures le pauvre bougre traîne derrière lui. La fin du second tome est suffisamment terrible pour laisser présager une levée de mystère au volume suivant, j'en ai déjà le cœur serré et la gorge nouée pour le pauvre Sylvo.

Mention spéciale également pour un certain pillywiggin qui malgré sa petitesse apporte beaucoup de fraîcheur à un duo d'associés qui fonctionne du tonnerre.

Histoire de finir en beauté et d'être sûre de vous vendre du bon gros rêve panaméen, Les extraordinaires et fantastiques enquêtes de Sylvo Sylvain, détective privé c'est aussi une mise en page hyper travaillée pour deux formats poches - si tant est que vous succombez à ceux-là plutôt qu'au numérique ou au grand format. Des encarts, des illustrations, des interviews joliment intégrées à la trame narrative : je dis oui rien que pour le plaisir des yeux ! Pour son côté nettement plus grave et moins introductif à Panam et sa populace je préfère le second tome au premier, mais ça c’est ma préférence personnelle et je vous le dis tout net : l'un ou l'autre, la qualité est au rendez-vous et savoir qu'il me reste deux tomes supplémentaires à dévorer, c'est une aubaine ! Pour un Paris désenchanté, frappez à la porte de Sylvo Sylvain rue Farfadet.

Note :  18/20

Date :   11 septembre 2019 - 03 octobre 2019