Auteur : Richard Morgan
Éditeur : Bragelonne
Genre : Science-fiction
Pages : 570 - 660 (formats poche)
Le résumé du tome un : Dans un avenir pas si lointain, la mort n’est plus définitive : vous pouvez sauvegarder votre conscience et vos souvenirs et les réimplanter dans un nouveau corps. De fait, pour Takeshi Kovacs, mourir n’est plus qu’un accident de parcours : il a déjà été tué plusieurs fois. C’étaient les risques du métier dans les Corps diplomatiques, les troupes d’élite du Protectorat des Nations unies expédiées à travers la galaxie. Mais cette fois, on le ramène sur Terre pour mener l’enquête : un riche magnat veut élucider sa propre mort. La police a conclu au suicide. Or, pourquoi se suicider quand on sauvegarde son esprit tous les jours, certain de revenir parmi les vivants ?
Ma chronique : Quand on veut lire davantage de SF sans trop avoir à souffrir de la cérébralité qui va souvent avec, faut faire appel au vote du public et demander conseil à la sainte blogo, autrement c'est tendu de trouver pantoufle à son pied. Chance pour moi et mes petits petons, j'ai été superbement conseillée par la tribu des mordus de SFFF et m'en suis mis plein la panse avec cette trilogie bien noire signée Richard Morgan. En enchaîner les trois tomes d'un seul coup a rendu le tout plus sombre encore qu'il ne l'est déjà et un poil fatiguant sur la fin - ben oui, faut admettre que ça bouge vachement beaucoup là dedans ! - mais quel souvenir y il a à en garder ! Pour de la fesse, de la bagarre et de la chouette SF suintant la testostérone, vous avez rendez-vous avec le grand et l'increvable Takeshi Kovacs et vous seriez bien mal avisés de lui poser un lapin, conseil de Choupaille.
Accrochez-vous à votre humanité, ça va secouer, car dans le XXVIIe siècle pas si lointain de Richard Morgan, mourir n'est plus qu'une regrettable erreur de parcours. Le genre qu'on peut corriger les doigts dans le nez si on a une bonne assurance santé et les poches pleines des espèces sonnantes et trébuchantes nécessaires (bref rien de neuf sous le soleil du capitalisme, c'est pas quelques siècles qui auront changé la donne - que du contraire cher camarade !). C'est que dans cet univers hyper-colonisé par des Hommes en bout de course, la résurrection n'est plus le secret du seul Christ Jésus. Grâce à la digitalisation de la conscience humaine, contraintes organiques et petits tracas corporels sont des problèmes d'un autre temps : ici on ne meurt plus, on se ré-enveloppe et on poursuit comme on peut l'oeuvre de sa vie dans un corps étranger - pour ceux qui parviennent à trouver un peu de sens à cette immortalité dégoûtante, évidemment bien sûr.
Vous le visualisez, ce monde de tarés ? Ce monde détraqué où on est devenus un tas de données numériques ? Où on deale et tune les enveloppes corporelles comme des voitures volées ? Moi oui, et ça m'a autant fait froid dans le dos que très forte impression.
Parce que la conscience digitalisée, les amis, ça change tout, tout, tout. Ça change la vie, la vision qu'on en a et surtout, ça change les règles du jeu - et si c'était déjà pas la joie en mode classique, bah là c'est pire. Les peines de prison cèdent la place à des peines de stockage virtuel avoisinant le siècle ; les interrogatoires douloureusement borderline deviennent autant de séances renouvelables à l'envi ; et je ne vous parle même pas des inégalités qui se creusent et se cimentent joyeusement. Certains petits chanceux scandaleusement friqués ou tout simplement réputés cultivent clones et enveloppes high-tech comme on collectionne ici les chemises, alors que d'un autre côté gueux, pouilleux et néo-catholiques font avec ce que la nature leur a donné : une enveloppe unique et techniquement très limitée. Le monde des Hommes a évolué et laissé derrière lui ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas suivre, les disparités sont effrayantes, les injustices terribles et on hésiterait presque à causer toujours d'humanité. Ouaip, c'est à ce point là, c'est glaçant et c'est super bon à lire !
Mais concrètement, toute cette technologie cyber-punk futuriste, qu'est-ce qu'on en a fait - à part l'employer à se mettre en pile pour les siècles des siècles, s'entend ? Bah en a fait du très bon porno, plus vrai que nature. On en a fait des armes de masse, des enveloppes au système nerveux boosté qui se mettent bien sur la tronche. On en a fait de nouveaux moyens de se défoncer. Bref, cette mine de possibles, on en a fait autant de façons d'assouvir nos vices et nos bas instincts les plus honteux. Le portrait de l'humanité brossé ne manque pas de caractère et de réalisme, et si vous n'aimez pas la noirceur, franchement passez votre chemin - le Mordor, à côté de tout ça, c'est Disneyland un mois de juillet. Faut savoir encaisser ce que Richard Morgan envoie sans prendre de gants, savoir apprivoiser ce monde saturé de technologie malsaine ultra-politisé où malfrats, richards et hommes de loi se côtoient de vachement près ... et surtout savoir trouver le courage de suivre Kovacs à travers ses aventures douloureusement musclées et testostéronées.
Takeshi Kovacs, c'est un increvable mercenaire over-cheaté difficile à cerner. Le gars a tout vu, tout fait, tout vécu - ou en tout cas tout ce qu'il y a de pire. Il enchaîne les enveloppes, les contrats et les guerres qui ne le regardent en rien, il affronte la vie d'un air détaché et froid, sans conviction si ce n'est les quelques préceptes révolutionnaires quellistes qu'il traîne de premier au dernier tome. Mort au Nations Unies, à leur Protectorat dictatorial et leur capitalisme étouffant, liberté pour les colonies inter-stellaires, viva la revolution ! et autres joyeusetés : on baigne dedans sans jamais savoir où se situe exactement Kovacs l'insaisissables par rapport à tout ça. Bref le protagoniste est comme je les aime : (très) bien torturé et méchamment nuancé, mais hélas tout comme les voies du Seigneur, Kovacs le petit cachottier est impénétrable - non, ceci n'est pas un compliment. J'ai parfois été perdue dans les zones d'ombres des trois récits, j'ai souvent rien compris à ce qui se passait, avant de percuter sans grand plaisir sur le tard, trois ans après la guerre. C'était pas faute d'être attentive, mais avec un héros aux instincts surdéveloppés qui joue les blasés et les grands ténébreux silencieux, allez donc comprendre ce qui se passe à cent pour cent, narration à la première personne ou pas !
Ce qui est bon côté protagonistes par contre, c'est de voir que chaque tome a sa femme de valeur ! Ouais, je ramène encore ma fraise avec ma parité, et alors ? Ortega de la brigade des Dommages Corporels pour le premier, Wardani l'archéologue spécialisée pour le second et Makita la libre-penseuse pour le troisième. Difficile de les départager les unes des autres, on est sur trois rôles secondaires aussi différents que le contexte qui les accompagne brillamment chacune, mais si Richard Morgan avait pu éviter de les taper dans le lit de Kovacs à n'importe quelle occasion, j'aurais apprécié - les James Bond girls suffisent à cet office, merci bien. Tant de virilité mal placée, c'est un poil lassant, quoi.
Altered Carbon c'est donc beaucoup de bagarres, de gadgets mortels, de scènes de fesses, de coups de pute politiques et des magouilles entre grands pontes du crime organisé, mais surtout une belle diversité côté intrigues avec trois tomes indépendants dont le tout envoie du solide. Carbone modifié, c'est le thriller du futur par excellence - pour une fois que les jaquettes ne mentent pas, faut le souligner ! Suicide du magnat terrien or not, telle est la question et jusqu'au bout on veut savoir où mène cette histoire. C'est très fouillis et confus par moments, mais quelle entrée en matière et surtout quelle claque de voir la Terre tombée si bas. Avec Ange déchus, mon petit chouchou, on retrouve un peu d'Ocean's eleven et d'Indiana Jones. La civilisation martienne livre quelques secrets d'envergure - le voyage instantané d'un point à un autre de l'espace, pardi ! - c'est passionnant et ça fait rêver mais surtout, ça soulève des questions d'importance à laquelle l'humanité est bien en peine de répondre. Et enfin le vilain petit canard, le troisième, Furies déchaînées. J'ai pas accroché, aussi simple que ça. Le fond ne m'a pas suffi, les grosses longueurs m'ont tuée et damn !, il y avait matière à faire plus lourd avec l'ordre des fanatiques de la Nouvelle-Apocalypse - des extrémistes comme j'aime en retrouver en littérature SF. Dommage.
A saga sur-mesure, chronique sur-mesure ; je crois vous avoir tout dit et je raccroche enfin mon clavier. Dans son ensemble je garderai d'Altered Carbon un super souvenir - sublime noirceur de ce futur hypothétique oblige - même si côté écriture j'ai parfois eu du mal à suivre ou à accrocher totalement : trop de confusion, de testostérone, et pas assez d'engagement sur le dernier tome. Il n'empêche tout ça est d'un hypnotisme macabre et charmant, et rien que pour les deux bons premiers tomes, vous pouvez y aller.
Note : 15/20
Date : 02 juin 2019 - 17 juin 2019
Ooooh il est dans ma PAL lui ! Je saurais quoi lire quand je voudrais de la SF pas trop trop cérébrale :D
RépondreSupprimerPas cérébrale, c'est sûr, mais faut quand même s'accrocher pour suivre l'intrigue ^^ ! Il y a beaucoup d'implicite et j'avoue être passée à côté de pas mal d'éléments - et ça, j'aime pas LOL ! La concentration entre deux scènes de fesses et de duels au pistolet laser, c'est la clé hé hé !
Supprimerj'avais adoré le 1er, je ne sais pas pourquoi je n'ai toujours pas lu la suite !
RépondreSupprimerLe second est vraiment mon préféré. J'espère que tu t'y mettras un de ces quatre, je me demande ce que tu vas en penser :-) !
SupprimerOoh, ça a l'air tellement génial, je vais les ajouter à ma wishlist parce que je suis méga curieuse maintenant ^^ Surtout que tu as un très bon avis dessus, alors j'ai hâte !
RépondreSupprimerRien que pour la découverte bien sombre, le tome un vaut le coup - et si par malheur tu n'aimes pas plus que ça, tu peux t'arrêter là sans aucun souci ! Mais je t'avoue ce serait dommage parce que le second est vraiment celui que j'ai le plus aimé ! :-)
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