Editeur : Bragelonne
Genre : Fantasy asiatique, fantasy historique
Pages : 404 pages (grand format)
Résumé : Dans un village rongé par la famine, au cœur d’une plaine poussiéreuse, deux enfants reçoivent chacun une destinée. Le garçon est promis à la grandeur. La fille, au néant… En 1345, la Chine est soumise à la cruelle domination mongole. Pour les paysans faméliques des Plaines du Milieu, la grandeur n’existe que dans les contes. Quand la famille Zhu apprend que Chongba, leur huitième fils, est promis à un fabuleux destin, tous peinent à imaginer comment s’accomplira ce miracle. En revanche, nul ne s’étonne que la deuxième fille des Zhu, fine et débrouillarde, soit promise… au néant. Mais lorsqu’une attaque de hors-la-loi les laisse orphelins, c’est le fils qui se laisse mourir de chagrin. Prête à tout pour échapper à sa fin annoncée, la jeune fille endosse l’identité de son frère afin de devenir novice dans un monastère. Là, poussée par un impérieux désir de survivre, Zhu apprend qu’elle est capable de tout –même du pire – pour déjouer sa destinée. Lorsque son sanctuaire est détruit pour avoir soutenu la rébellion contre les Mongols, Zhu saisit cette chance de s’emparer d’un tout autre avenir : la grandeur abandonnée de son frère…
Mon avis : La dernière fois que j'ai fait ma blasée en librairie et que j'ai renoncé à acheter un livre relié collector - c'était Crescent City de chez De Saxus - je l'ai amèrement regretté en constatant que le machin se revendait quelques mois plus tard à six fois son prix initial. Voilà. Alors quand j'ai vu arriver Celle qui devint le soleil (et qui ne l'a pas vu arriver, hein, après la méga comm' des éditions Bragelonne ?), je me suis jurée de ne pas faire deux fois la même erreur : j'ai commandé la bête et sans aucun respect pour tous ces livres qui pourrissent dans ma PAL en attendant patiemment leur tour, je l'ai lu. Et c'était bien.
La Chine, XIIIe siècle. Le pays est sous domination mongole depuis plusieurs décennies, et il ne fait pas bon d'y vivre. Une jeune crève-la-faim promise au néant et à l'oubli par l'oracle local décide de voler la destinée glorieuse de son frère quand ce dernier s'effondre à la mort de leur paternel. La fille devient Zhu Chongba et rejoint le monastère du coin pour y être éduquée et ordonnée moine... et ensuite qui sait ? Zhu rêve de la grandeur promise et ne compte rien laisser au hasard. De l'autre côté du pays, un général eunuque œuvrant pour les Mongols sème le chaos dans les rangs rebelles des Turbans Rouges. La légitimité des souverains chinois repose sur un pouvoir divin que le Ciel leur octroie : le Mandat, et seule une personne munie du Mandat peut régner. Or il se murmure que les Turbans Rouges auraient mis la main sur un enfant qui en est pourvu. Alors que la guerre s'intensifie, Zhu est projetée dans ce jeu des puissants. Une occasion qu'il lui faudra saisir pour s'élever aussi haut que l'oracle l'a prédit.
Je n'ai longtemps juré que par les éditions Bragelonne (c'était dans ma jeunesse, ça remonte). Aujourd'hui je lis assez peu de leurs parutions, je cours après d'autres genres de fantasy et surtout je n'ai plus le temps de lire de sagas, or cette ME en édite à tour de bras. J'ai une petite connaissance de la collection Bragelonne, en tout cas assez pour dire que le roman tranche avec ce que je connais de leur catalogue : pas ou peu de magie (1), un héro atypique pas vraiment attachant (2) et une plume qui se veut plus poétique qu'épique, avec de fait un côté très contemplatif (3). Si j'avais dû le lire à l'aveugle, c'est un roman que j'aurais attribué sans hésiter aux éditions Mnémos - sur certains points il m'a d'ailleurs fait beaucoup penser au très bon diptyque Shâhra de Charlotte Bousquet (fantasy orientale, chroniqué ici et ici). Je peux donc comprendre la surprise de certains lecteurs habitués à du pur Bragelonne, et les retours mitigés voire catastrophiques qui ont suivi.
Celle qui devint le soleil est un outsider assumé qui a floué certains mordus de Bragelonne mais qui m'a plu - j'avais peur de tomber sur un remake de Mulan YA, alors forcément j'étais soulagée.
A moins que vous ne tombiez sur ce blog par hasard (coucou bienvenue !) vous savez que la Fantasy est mon genre de prédilection. Je l'aime à toutes les sauces, mais en ce moment la fantasy historique me botte vraiment, et celle d'inspiration asiatique aussi. Celle qui devint le soleil est à cheval sur les deux, bien qu'on doive creuser profond pour lui coller l'étiquette Fantasy. Le roman est d'une réalité brutale d'entrée de jeu : quand Shelley Parker-Chan écrit sur la famine, c'est pas pour rire. La jeune crève-la-faim devient Zhu, et Zhu devient moine avant de rejoindre les Turbans Rouges en guerre contre les dirigeants mongols. Une guerre qui a véritablement eu lieu, plantée dans un empire qui a lui aussi véritablement existé. La Fantasy a du mal à trouver sa place dans ce contexte historique et cette plume dramatiquement réaliste, et j'écris ça plus comme un constat qu'un reproche. Elle s'affirme davantage sur la fin du roman quand il est question du Mandat délivré par le Ciel aux légitimes souverains de la Chine (c'est des flammes magiques, en gros). Mais bon, ce pouvoir concerne 2-3 gus à tout casser, alors comme je vous le disais et en l'absence de créatures fantastiques : ça fait léger.
Mais où sont les dragons chinois, Shelley ?! On voulait des dragons, nous !
Je n'ai donc pas trouvé de dragons (oooh). En revanche Celle qui devint le soleil est doté d'un héro fort peu commun, qui aurait d'ailleurs pu justifier l'utilisation du pronom iel nouvellement ajouté au dictionnaire. On ne connaîtra jamais le nom de la jeune fille promise au néant, on se contentera de l'appeler par son nom d'emprunt Zhu Chongba, celui du frère dont elle a endossé le destin. Et pour que le Ciel croit en son subterfuge, elle ne peut pas se contenter de se grimer en homme : elle doit être persuadée d'en être un et faire abstraction de ce corps qui le dément. Mais à mesure que le livre passe, elle devient moins Zhu Chongba qu'elle-même, sous l'influence directe d'une protagoniste dont l'empathie vient contrebalancer le pragmatisme monastique de Zhu : Ma Xiuying. Un changement salutaire amené avec beaucoup de finesse. Zhu n'est pas attachant.e, c'est un personnage motivé par le destin qui lui a été promis et sa foi est inébranlable. Tout son être est tendu vers un unique but et elle fait preuve de beaucoup de pragmatisme et de très peu de sentiments pour y arriver. Mais tant de certitude et de manque d'humilité, ça peut agacer : cela lui a valu l'inimité de pas mal de lecteurs, mais les protagonistes décalés et bien campés, moi j'aime ça.
La dualité de Zhu se retrouve également dans le général eunuque Ouyang. Le véritable conflit ne se joue plus entre les Turbans Rouges et les Mongols, mais entre Zhu et Ouyang : deux protagonistes aux évolutions-miroir.
Etant passée d'une centaine à une petite vingtaine (au mieux) de romans lus par an, je dois souligner que pour un petit pavé j'ai assez rapidement lu Celle qui devint le soleil. Les débuts monastiques de Zhu sont passionnants, ils donnent une belle identité historique et culturelle au roman (en plus de la note historique à lire en préambule). Ce qu'il y a au delà ne manque pas de rythme, les intrigues politiques dignes des meilleurs paniers de crabes prennent le relais, mais il n'empêche que j'en rencontre souvent dans mes lectures, alors j'ai simplement moins apprécié et je ne me suis pas passionnée de la suite. La plume de Shelley Parker-Chan est raccord avec l'esprit asiatique et le personnage de Zhu Chongba : parcimonieuse et pertinente. Les repères temporels en en-tête des chapitres auraient par contre pu être plus clairs. La longueur de certains chapitres m'a parfois fait perdre la temporalité du récit ; une indication plus précise m'aurait bien aidée (au lieu de quoi je me retrouvais à compter les mois à la main, à l'ancienne - y a mieux pour reprendre sa lecture).
Avis très positif, Choupaille, donc ? Et bien oui. MAIS - ha ha, c'était trop beau. De la couverture au résumé en passant par la comm' faite par Bragelonne, rien n'indique que Celle qui devint le soleil est un tome un. Or je vous le donne en mille, c'est un tome un ! Et je suis fâchée parce que comme je vous le disais plus haut, je ne lis plus de sagas car je n'ai plus de temps à y consacrer. Alors j'aime pas quand on me fourbe, et là on m'a bien fourbée. Ca m'a mis les nerfs en boule et je suis ressortie de ma lecture très amère. Bragelonne, t'as perdu 1000 points et je ne sais même pas si je lirai la suite, d'abord parce que ça se fait pas de prendre le lecteur pour un distributeur de billets, et ensuite parce que c'est une histoire qui aurait été plus forte en one-shot (quitte à y rajouter deux cent pages) - mais ça, c'est le choix discutable de Shelley Parker-Chan.
Alors, craquerez-vous pour l'empire du milieu ?
Voilà un avis très intéressant et riche ! Et merci pour l'info pour le tome 1 !
RépondreSupprimerJe ne sais pas si ça pourrait me plaire mais je garde tout ça en tête.
Ce qui est sûr, c'est qu'il n efaut pas te fier aux autres parutions de Bragelonne pour t'en faire une idée, mieux vaut le découvrir sans y réfléchir au préalable :-) !
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