30 déc. 2019

Le pas de Merlin, tomes 1 et 2 (fin) de Jean-Louis Fetjaine - Retour aux sources

Auteur : Jean-Louis Fetjaine
Éditeur : Pocket
Genre : Réécriture de conte, Fantasy historique
Pages : 334 et 329 respectivement pages (formats poche)

Tome 1 lu dans le cadre du « Hold my SFFF Challenge », tome 2 dans celui du « Féminibooks Challenge »

Résumé du premier tome : Au VIe siècle, l'île de Bretagne est assaillie par les Saxons, les Gaëls et les Pictes. Après la mort du roi Guendoleu, tué lors d'une terrible bataille, son jeune barde Merlin se trouve plongé malgré lui dans un complot aux conséquences effroyables. Fuyant la barbarie, perdu dans les affres d'un amour impossible, il parcourt les royaumes celtes ravagés par la guerre, suscitant la méfiance de ceux qui voient en lui le "fils du diable". Au plus profond de la forêt, pourtant, l'enfant se découvrira de bien étranges alliés. Au cours de ce voyage initiatique, celui qui deviendra Myrddin le Nécromant réussira-t-il à percer le fascinant secret qui pèse sur ses origines ?


Ma chronique : Non ! ne mentez pas : on a tous un univers doudou dans lequel on aime se retrancher bien au chaud quand rien ne va plus ou qu'à l'inverse, tout baigne, et sans grande surprise vous vous doutez que moi, c'est la Fantasy qui me reboot le système... et a fortiori la fantasy historique qui se perd du côté de nos amis les celtes. La semaine dernière ç'a justement été l'occasion de me faire plaisir, moment cocooning de moi à moi avec la duologie du Pas de Merlin de Jean-Louis Fetjaine auquel on doit également la très sympathique Trilogie des elfes. Rien qu'avec son pitch de base Le pas de Merlin partait gagnant, et je ne vous raconte pas le plaisir que ç'a été de découvrir un récit à la hauteur de toutes mes espérances, voire même peut-être plus. On n'hésite pas en on emboîte le pas à Emrys Myrddin, barde distingué et enchanteur en devenir - balade en Bretagne d'outre-mer et petite leçon d'histoire à la clé.

Depuis que les légions de Rome ont quitté l'île de Bretagne, Pictes, Gaëls, Saxons, Angles et Scots se pressent sur les terres occupées par les Bretons. Un siècle de pillages et de massacres ont vu les rois de Bretagne s'unir sous la bannière d'un grand roi, mais à la mort de celui-ci la désorganisation a resurgi en force et affaibli la résistance bretonne. N'y tenant plus, Ryderc, roi de Strathclyde, appelle a lui ses homologues en vue d'élire le successeur du grand Ambrosius Aurelianus. A la surprise de l'ambitieux souverain, c'est à Guendoleu, roi de Cumbrie et ami du barde Emrys Myrddin, que la reine Aldan de Dyfed et veuve d'Ambrosius cède le torque symbolique. Il n'en faut pas moins pour précipiter ce nouveau grand roi dans une embuscade fratricide à l'issue de laquelle seul Merlin survit, ivre de chagrin et de colère. A présent dépositaire du torque royal, le barde Emrys Myrddin, prince de Dyfed, doit choisir son camp... et faire face pour la première fois à la vérité concernant ses origines.

Vous excuserez la qualité médiocre des couvertures que je vous ai pêchées sur le net, j'ai pas pu faire mieux compte tenu qu'aucun des deux tomes du Pas de Merlin n'est plus édité  - ni d'ailleurs très franchement connu non plus, faut dire c'qui est ! Qu'à cela ne tienne, pas besoin pourtant de chercher bien loin ni de débourser des milles et des cents pour se les procurer sur le marché de l'occasion : entre Momox et Rakuten j'ai été super bien servie et pour tout vous dire, recevoir enfin ces deux exemplaires dans ma boite aux lettres, c'était comme célébrer l'arrivée du Graal et c'est plutôt bien tombé d'ailleurs, car les légendes arthuriennes, on va un peu en causer ici et visiter de long en large une Bretagne très solidement reconstituée - la fantasy-touch et l'interprétation toute personnelle de l'auteur en plus ~ quand la littérature de l'imaginaire te cultive et te distrait, tu peux pas dire non !

Attaquons donc avec du lourd : davantage qu'un simple conte de rois et de tribus qui se plantent des couteaux dans le dos (et qu'on se le dise, ce genre de texte me parle déjà beaucoup), Le pas de Merlin est un récit historique solidement documenté, contextualisé et présenté d'emblée pour ce qu'il est : pas une vérité absolue ni historique, mais un compte rendu personnel et romancé d'une possibilité parmi la multitude, la magie de la fantasy en plus. Comme Jean-Louis Fetjaine en fait le point en début de récit, l'Histoire avec un grand H s'emmêle en effet pas mal les pinceaux du côté de la Bretagne après le départ des troupes romaines, et entre des patronymes repris par à-peu-près-tout-le-monde, le manque d'exactitude des documents d'époque, des datations impossibles si ce n'est à la grosse louche et des légendes qui éparpillent encore un peu plus les chercheurs, difficile de coller l'étiquette « Arthur » sur un seigneur de l'époque et de faire émerger une vérité unique. On a donc droit ici à celle de Jean-Louis Fetjaine, nourrie par des ouvrages de référence qu'il partage en fin de roman, et bien entendu ce qu'il faut de créativité pour juguler le tout avec une bonne dose d'Imaginaire - le minimum pour aborder la thématique merlinienne.

C'est donc en en apprenant beaucoup sur les déboires des Bretons au VIème siècle après J.-C. qu'on s'enivre au passage de senteurs de bruyère, de feu de tourbe et de coutumes celtes étouffées par la chrétienté émergente ... mais aussi du parfum des tripes et des boyaux - ah, j'aime al poésie ! Parce que oui, question désaccords et animosité, les rois bretons ne font pas les choses à moitié et taillent dans le tas : à la méfiance des uns s'ajoutent les rêves de gloire des autres et la course aux hauts faits d'armes, et quand bien même tout le monde quémande l'aide du voisin pour repousser Pictes, Gaëls, Angles ou Saxons, on sent chaque royaume renfermé sur lui-même comme une huître un jour de réveillon - difficile dans ces conditions de faire des miracles, même pour un grand roi ; ainsi l'a voulu l'Histoire et ainsi nous le restitue Jean-Louis Fetjaine. On témoigne des difficultés qu'ont les souverains de la Bretagne à se faire confiance, des invasions, des tentatives pour repousser les barbares  et des alliances qui se nouent sur le fil ; ça ne bouge finalement pas beaucoup mais ça n'en dégage que plus encore un goût d'authentique - attention, ça ne prendra pas avec tout le monde.

Le pas de Merlin n'est pas tourné vers l'héroïsme ; il n'y a pas vraiment de monde à sauver d'un grand péril ni de grande menace à contrer, rien qu'un pays divisé dont on suit l'évolution sur une décennie - lentement.

La carte historique est donc très bien jouée (d'autant plus qu'ici on est typiquement d'un côté du monde et à une époque qui m'inspirent énormément), et en dehors des dissensions internes entre seigneurs on nous jette aussi entre les dents un clergé cherchant à tout prix à prendre pied en terre celte. Il y a de jolies questions soulevées, deux ou trois débats théologiques parfaits pour faire le bonheur d'un sophiste aguerri et au beau milieu de ces discussions entre moinillons, un adolescent issu parait-il du diable : Emrys Myrddin, dit Merlin. On découvre une facette souvent oubliée de la grande légende de l'enchanteur, un jeune prince proche du roi de Cumbrie doublé d'un barde de talent, effacé et révolté face aux rumeurs entourant sa naissance - mais guère rien de plus justement qu'on ado égaré. Myrddin n'est pas le seul qu'on suit durant ces deux tomes bien qu'évidemment l'essentiel de la duologie tourne autour de lui et de son compagnon de route, le bon frère Blaise ; il y a là l'occasion de nourrir des échanges touchants sur le recul des croyances celtes face au christianisme, et à mesure que Merlin rôde à travers la Bretagne en quête de ses origines, on se dit que finalement Le pas de Merlin a tout du récit initiatique et de la quête identitaire rondement menée.

La duologie se place dans un contexte travaillé avec beaucoup de rigueur historique, d'accord, mais elle immerge surtout jusqu'au cou, fait voir du pays breton et de la vie à la bretonne - le rose comme le beaucoup moins rose - et ça c'est tout ce que j'aime. Jean-Louis Fetjaine travaille l'Histoire pour y tailler doucement une place à la légende et à la magie, ça en ennuiera profondément certains et en charmera d'autres dont je fais clairement partie. Les personnages ne sont pas là pour qu'on s'y attache ou qu'on les haïsse, Merlin ne peut rien pour sauver la Bretagne dont le sort est déjà historiquement scellé - en ça on s'éloigne de la Fantasy plus traditionnelle où le héros marque le monde de sa patte et pourtant c'est très convainquant ! Reste qu'à défaut de changer l'histoire on découvre avec Jean-Louis Fetjaine les prémices d'une légende qu'on connait tous ; on passe de l'Île de Bretagne à sa petite sœur armoricaine, des royaumes du sud à ceux du nord où se jouent l'essentiel des alliances ~ bref s'il parait que la lecture est un voyage, j'en ai eu pour mon argent !

Le pas de Merlin n'est pas le récit plus connu ni le mieux noté de l'auteur, mais c'est pour moi une petite pépite pour les amateurs de landes et d'embruns. Je n'y ai pas vu passer le temps, je me suis perdue quelque part entre le mur d'Antonin et celui d'Hardien, au pays d'Eliande également et vous en souhaite tout autant. Faudra chercher un peu pour dénicher ce petit bijou qui n'est plus édité : rien d'impossible et tout à gagner !




Note :  18/20

Date :   21 décembre 2019 - 27 décembre 2019

5 commentaires:

  1. Ca fait un moment que Jean-Louis Fetjaine est dans mon collimateur de lectrice surtout avec "la trilogie des elfes" mais tu as tellement bien vendu celui-ci qu'il y est entré également ^^ Je suis une grosse lectrice de Fantasy mais je ne lis pas beaucoup de Fantasy historique (bouuuh, la honte !) donc ce serait une bonne idée pour m'y mettre sérieusement. C'est d'autant plus ridicule étant donné que je suis fan de Fantasy et d'histoire !

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    1. La trilogie des elfes est top aussi, mais dans un registre complètement différent, beaucoup beaucoup BEAUCOUP plus fantasy. Il réinvente totalement la légende arthurienne avec des elfes, des nains, des orcs etc. Rien à voir avec le côté historique du pas de Merlin, mais on reconnait sa patte malgré tout :-). Le seul bémol de la Trilogie des elfes, c'est les grosses longueurs sur les deux cent dernières pages, ais à part ça, c'est très inventif et agréable à lire. Si ça t'intéresse la chronique traîne sur le blog, tu peux la trouver dans l'index des chroniques :-)
      Merci pour ton passage et à bientôt !

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  2. Oulala nom de Zeus, ceux là me font bougrement envie (ce commentaire est sponsorisé par les années 50).
    J'ai une de ses sagas dans ma bibli (La trilogie des elfes il me semble), il faudrait vraiment que je m'y essaye... Surtout que la fantasy historique c'est vraiment pas mon rayon! Je rajoute tout ça à ma wishlist!! Merci Choup' (pour l'anecdote, c'est mon surnom aussi dans la vraie vie *fin de l'anecdote random*)!

    A bientôt sur la blogo ou ailleurs :D

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    1. Sponsorisé par l'année 1955 pour être plus exact, non ? :-D (je valide ce sponsoring).
      Comme je disais à Wonderbooks plus haut, le registre de la Trilogie des elfes est différent : la carte fantasy est jouée à fond contrairement au Pas de Merlin qui lui est surtout historique. J'ai trouvé la saga un peu longue sur la fin, mais dans l'ensemble j'en ai un super souvenir - c'est inventif de FOU.
      Et pour la DOUBLE anecdote, Choupaille vient de mon MAGNIFIQUE surnom Choupy, mais prononcé façon ENGLISH (le y devient AILLE, c'est magique et stylé !)
      Ouiiii à trèèès bientôt j'espère ^-^

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  3. Bon bah je sais ce qu'il me reste à faire : lire les deux pour pouvoir goûter par moi même la plume fantasy puis plus historique de Monsieur hihi
    Rolala que d'anecdotes ! Choupaille c'est stylé, faut l'avouer. Plutôt pipouchex1000 comme nom de blog !!

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