27 déc. 2019

La maison hantée de Shirley Jackson - Courants d'air et portes qui claquent

Auteur : Shirley Jackson
Éditeur : Rivages
Genre : Fantastique, Horreur
Pages : 270 pages (format poche)

Résumé : Hill House est une immense et lugubre résidence, construite au XIX ème siècle par le richissime industriel Hugh Crain. C'est une monstruosité architecturale, née d'un esprit torturé qui la souhaita à son image : labyrinthique, ténébreuse et pleine de lourds et terribles secrets. On la dit hantée, maléfique. Un chercheur fasciné par les phénomènes paranormaux a réuni dans la vieille demeure trois sujets, dont la personnalité lui paraît propre à susciter des manifestations surnaturelles, pour vérifier si Hill House et ses fantômes sont à la hauteur de leur réputation. Le cauchemar peut commencer...

Ma chronique : A l'heure du réveillon, de la dinde farcie saucée aux airelles et des retrouvailles entre convives bien imbibés, quoi de mieux que de dégainer un gentil classique de l'horreur, je vous le demande ! Halloween, c'était il y a pratiquement deux mois mais qu'importe : quand Hill House vous appelle, vous répondez présent, un point c'est tout - autrement je donne pas cher de votre peau. En pleine atmosphère hivernale j'ai donc eu droit à un bon petit récit qui passe comme une lettre à la poste, et à un peu moins de trois cent pages qui filent à toute allure dans une demeure pas accueillante pour un sou - bienvenue dans La maison hantée de Shirley Jackson ! On garde l'esprit ouvert, on passe le seuil avec témérité et on est prêt à se faire ensorceler tout cru : surtout suivez bien le guide et remerciez le docteur Montague pour l'invitation.

Le docteur Montague est un anthropologiste à part entière. Il croit en l'influence du paranormal sur l'esprit humain et compte bien le prouver à ses confrères et consœurs. Afin de nourrir l'ouvrage qui le révélera aux yeux du public, il loue pour une semaine une vieille demeure à la triste réputation, Hill House, et invite quelques convives triés sur le volet à y passer la semaine avec lui. Très vite la maison se révèle digne d'intérêt et à mesure que les manifestations et incidents mineurs s'enchaînent, chacun est prié de consigner ses pensées par écrit et de serrer ses coudes à ceux de ses voisins. L'étau se resserre, les convives s'échauffent et Hill House se repaît des dissensions internes ... au point de peu à peu en faire sombrer quelques-uns dans la folie.

On ne s'emballe pas, je vous rattrape de suite : oui, on parle ici de folie mais pas de celle de Papa Torrance dans Shining, hache à la main et bave aux lèvres. C'est un genre de folie plus pernicieuse qui vous guette à Hill House, le type qui vous fait lentement perdre les pédales et qui pervertit chacune de vos pensées à mesure que les jours filent. On ne voit rien venir avant qu'il ne soit trop tard, Hill House s'engouffre dans la moindre faille de votre esprit, vous retourne contre vous-même et personne n'est épargné malgré la goguenardise et l'assurance de façade dont tentent de se parer chacun des convives. Theodora, Eleanor, Luke et le docteur vivent tous à leur façon les horreurs de cette maison à la triste réputation, et quand bien même on est très loin des grosses terreurs des meilleurs films de maisons hantées, un peu de mesure, ça fait franchement du bien et laissez-moi vous dire que ça vous dresse même un peu plus de poils qu'avec les grosses productions. Des portes qui claquent, des coups sur les murs, des inscriptions sanguinolentes sorties de nulle part : pour les grandes frayeurs il faudra hélas frapper à une autre porte qu'à celle-ci, mais pour la finesse et la psychologie du roman, on est bons ! 

Il suffit parfois d'un rien pour être totalement dépassé par les événements, le docteur Montague et ses rats de laboratoire vont en faire la regrettable expérience sans qu'on tombe dans l'excès ni la facilité. C'est une étrangeté après l'autre que Hill House a raison de ses occupants - de quoi vous faire redouter le moindre courant d'air par chez-vous.

Histoire de maison hantée oblige, j'attendais Hill House au tournant. La vieille demeure décrépite aux gargouilles démoniaques et toiles d'araignées géantes, j'avais un peu peur de devoir me la farcir tout un roman. Le soulagement a été immédiat puisque La maison hantée débute en fanfare avec une description de Hill House aux petits oignons : on nous y cause de l'aura que la maison dégage sans jamais mettre le doigt sur un élément concret particulièrement repoussant, pas de vieux lustre poussiéreux ni de corniche lugubre, rien que l'impression dérangeante que quelque chose cloche dans cette maison, sans vraiment pouvoir en incriminer quoi ni qui que ce soit. D'emblée l'ambiance est très réussie, le parler gothique de Shirley Jackson bien assorti au propos et à cette propriété malfaisante ; bref peut-être l'une des meilleures entrée en matière du genre que j'ai lues. Hill House est tordue, faussée, conçue par un esprit qu'on devine malade et tenue par le couple de concierge le plus taiseux du pays : elle aurait beau ne pas être hantée, pas sûr que quiconque en foule le seuil après la description qu'on nous en fait - je ne résiste d'ailleurs que de justesse à vous en balancer un extrait entre les dents ... vaut mieux découvrir ça par vous-même, vous verrez comme c'est bon !

Il n'empêche, on a beau sentir le poids écrasant de la demeure de la famille Sanderson sur nos épaules et n'en avoir que pour trois cent petites pages d'aventure, il ne se passe pas grand chose hormis des nuits mouvementées, deux à trois étrangetés un peu flippantes, des parties d'échecs entre gentlemens et des promenades en forêt pour les demoiselles. Avec le temps les esprits s'échauffent un peu mais rien ne s'emballe jamais vraiment jusqu'à la dernière vingtaine de pages, c'est un peu long et pas tellement passionnant. Ici on a été enthousiasmé par l'ambiance et l'affolante simplicité des petits frissons que Hill House nous colle, mais je ne vous cache pas que ce sera vite oublié. La maison hantée reste malgré tout un classique, peut-être plus à classer côté fantastique qu'horreur ; il fait le job qu'on attend d'un court roman gothique, ni plus ni moins. Il n'y a pas d'urgence à se jeter dessus, mais pour autant c'est pas un mauvais placement. Pour boucler la boucle comme il se doit et parce que les romances de Noël c'est franchement pas mon truc, je me réserve son adaptation ciné pour un soir à venir - il parait que c'est moyen, et ma foi je verrai bien par moi-même !

Note :  14/20

Date :   18 décembre 2019 - 20 décembre 2019

2 commentaires:

  1. Ah dommage ça avait l'air sympa, l'ambiance c'est sympa mais ça fait pas tout quand même.

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    1. Tout à fait ! Heureusement le récit est court donc on n'a pas vraiment le temps de voir l'ambiance s’essouffler : quand ça commence à se faire un peu long la fin arrive déjà.

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