Martyrs, tome 2 d'Oliver Peru - Scènes de ménage

Auteur : Oliver Peru

Éditeur : J'ai lu

Genre : Dark fantasy

Pages : 638 pages (format semi-poche)

Résumé : Irmine et Helbrand, deux frères assassins descendant d'un ancien peuple guerrier, vivent dans les ombres de la plus grande cité du royaume de Palerkan. Alors qu'ils se croient à l'abri des persécutions dont ont souffert leurs ancêtres, leur passé sanglant les rattrape, sous les traits d'un borgne qui semble nourrir pour eux de sombres projets. Et tandis que la guerre menace d'embraser le monde, que les puissants tissent de noires alliances, ils vont devoir choisir un camp. Leur martyre ne fait que commencer...

Ma chronique : Quand on a adoré un tome un et qu'on enchaîne assez rapidement avec le second, y a deux options au menu : soit c'est rebelote et on adhère, on aime d'amour l'auteur et c'est tant mieux, soit c'est la grosse désillusion et on est un peu paumé ... et clairement à l'issue du livre deux de Martyrs, je fais partie de la seconde catégorie - bardaf ! c'est le drame, comme on dit par chez moi. Un peu d'incompréhension, beaucoup de déception mais peut-on vraiment parler de bonne grosse catastrophe ? Nan, je vous rassure, on n'en est pas là même si ce tome  transitif, j'ai eu un peu de mal à en voir le bout - et d'ailleurs je sens que la chronique, je vais la sentir passer aussi. Allez, on se motive comme on peut : s'il y a du moins bon, il y a également du très bon sur lequel faire le point, même s'il est un peu planqué. Visite guidée d'un Reycorax en proie à la guerre civile, c'est par ici ! ~ Attention spoilers, je donne une seconde à ceux qui n'ont pas lu le premier tome pour déguerpir - bah oui, ce coup-ci pas moyen de chroniquer ni de donner mon avis sans divulgâcher des points d'importance.

En Palerkan, le grand royaume du corbeau couronné est à un tournant de son existence. Depuis la destitution de son roi légitime par la princesse Akinessa, les nobles comme la populace ne savent sur quel pied danser, les Liranders en rebellion battent la campagne alors que leur île pestiférée est mise en quarantaine et les Arserkers de la reine Allena poursuivent leur guerre d'usure face aux troupes désorganisées du Reycorax. Le royaume bat de l'aile et les frères Lancefall sont une fois de plus au cœur de la tourmente : Irmine revient durablement marqué d'un périlleux voyage dans le passé, Helbrand doit se faire à sa nouvelle condition de fantôme et leur protégée Kassis Yrasen trouver un moyen de reconquérir le bon peuple d'Alerssen que la reine Akinessa tente déjà de mettre dans sa poche. Plus que jamais l'heure est aux alliances opportunes et le grand royaume du Reycorax, sur la sellette.

Qu'on se le dise, la fin du premier tome a été une immense claque. Apprendre en un chapitre que le fameux borgne après lequel les frères Lancefall ont couru six cent pages durant, c'est en fait Irmine téléporté un siècle plus tôt grâce à ses talents arsekers de Passe-Muraille, BAM ! ça envoie du lourd et on se dit que doux Jésus, le tome deux va vendre du rêve - sauf que pour moi, ç'a été non. Début de la désillusion les amis : Irmine alias Saërn le borgne est d'un dé-ce-vant complet dans ce livre-ci, que ce soit en l'an 876 ou 977. Au passé, Saërn se fait discret. A peine trois chapitres disséminés çà et là qui nous expliquent ses balbutiements maladroits, ses remords face à sa nation qu'il sait condamnée mais qu'il ne va rien faire pour sauver et son terrible sentiment de perte face à sa brutale séparation avec son frère et son amour de princesse Kassis. Autant de sujets de réflexion qui tournent en boucle et dont on ne sort jamais vraiment si ce n'est pour causer trop brièvement de magie ; et pour moi qui m'attendait à un livre deux centré sur le passé du monde de Palerkan et la façon dont le borgne allait foutre un bon coup de pied dans la fourmilière, j'ai été franchement déçue. Ça se plaint, ça baisse les bras et même si par ici on comprend bien les gros dilemmes du protagoniste, il n'empêche que ça cause et que ça pleure beaucoup sur son sort pour finalement ne rien faire et tout laisser couler ~ et venant d'un gars qui déplorait avec rage la perte de sa nation un tome plus tôt, ça passe pas super.

Toucher au passé, sûr que c'est délicat : Marty McFly nous a prouvé que le moindre changement dans le déroulement des choses pouvait mener à une relation incestueuse mère-fils, mais de là à ne pas envisager lever le petit doigt alors qu'un génocide se prépare, faut pas pousser bobonne. C'est clair comme de l'eau de roche : j'ai pas du tout goûté au personnage de Saërn et à ce qu'en a fait Oliver Peru - appelons ça une gosse divergence d'opinion et passons à la suite pas tellement plus réjouissante, hélas !

Au présent, Irmine n'est pas un cadeau non plus. Un siècle d'errance et de souffrances auto-infligées a fait de lui un être plus taciturne encore qu'auparavant - sauf qu'au vu de la situation périlleuse du royaume, pas sûr qu'on puisse vraiment se permettre de faire des cachotteries. Je sais pas vous mais moi, les grands protagonistes qui en savent long et qui attendent le dernier moment pour révéler un élément essentiel, ça me gonfle un peu et manque de chance : on n'y échappe pas ici. Irmine est taiseux, trop cachottier pour le bien de Palerkan et quand bien même on se doute qu'un siècle de solitude a dû émousser sa relation avec Kassis, cracher sur un tome entier de rendez-vous amoureux secrets pour en arriver à une vague relation d'affection dictée par le devoir, ça casse l'ambiance. On reconnait toujours que le gars a souffert de son éloignement et qu'évidemment ça a changé la donne, mais tout ce parcours abracadabrant pour faire de lui un simple chevalier servant de la dernière Yrasen, on trouve ça un peu too-much quand même et vachement trop platonique.

Il n'y a d'ailleurs pas que du côté d'Irmine et de Kassis que ça chauffe : les alliances ont la vie dure dans ce livre deux, ça s'engueule à tout bout de champs et c'est bourré de prises de bec entre rois et reines autoproclamés, entre frères et compatriotes ~ scènes de ménage et querelles d'amoureux à gogo !

La saga s'intitule Martyrs, je ne vous apprends là rien de nouveau mais sachez toutefois que ça prend tout son sens ici : les héros souffrent, les royaumes se déchirent et les fratries dégustent - bref il y a du monde au balcon de la souffrance physique et psychologique. Pas de doute, on poursuit bien dans la lignée Dark Fantasy du premier livre et c'est assez délicieux de bondir de manigance en mutilation, d'autant qu'au passage il y pas mal de protagonistes qui se révèlent. Entre la découverte d'un Karmalys combatif et d'un Pisen prêt à donner un second souffle à la révolte des Îles du Couchant, il y a deux-trois scènes d'anthologie dont c'est sûr que je garderai un bon souvenir. Ça ne rattrape pas le reste d'autant que certains personnages me posent toujours problème - Kassis, Kassis, et Kassis - mais ça apporte quelques coups de fouet à l'intrigue dont on sent clairement ici le revirement. Ce livre-ci est purement transitif, on est dans un entre-deux où les rois et reines poussent comme des pâquerettes et avancent leurs pions sur l'échiquier en attendant le dernier tome pour dévoiler leur jeu. On ne s'attarde sur personne en particulier, on vivote pas mal de chapitre en chapitre et la construction m'a un peu paumée, mais à tous les coups et malgré mes grosses réserves sur Irmine, le final sera explosif - d'autant qu'il va à présent falloir compter d'antiques dragons dans l'équation, rien que ça ! Des dragons en fantasy, c'est pas une grosse surprise et je pense qu'on aurait certainement pu s'en passer, mais attendons le tome trois et donnons leur chance aux reptiles volants, s'il vous plaît.

Certains se désolent d'avoir à attendre la sortie du troisième et dernier tome, moi c'est plutôt avec soulagement que je ne le vois pas encore pointer le bout de son nez : le temps de calmer mes ardeurs, de me remettre de cette petite déception et de faire le point sur la vue d'ensemble laconique et un peu brouillonne que nous livre Oliver Peru. Il n'empêche : vous pouvez compter sur moi pour suivre l'affaire et entendre le fin mot de l'histoire !

Note :  14/20

Date :   09 décembre 2019 - 17 décembre 2019