Les Archives de Roshar, tome 2 : le livre des Radieux de Brandon Sanderson - Epicness, quand tu nous tiens !

Auteur : Brandon Sanderson

Éditeur : Le livre de poche

Genre : Fantasy

Pages : 839 et 681 pages (grand format)

Le résumé du premier volume : « Eshonai inspecta le bouclier-tempête qu’elle portait dans le dos, puis prit dans sa poche la sphère contenant le sprène capturé par Venli et se cala sur le Rythme de Résolution. L’heure était venue. Les vents se levèrent et firent pression contre elle comme pour l’empêcher d’avancer. Elle sentit et entendit la tempête approcher. Le sol tremblait, l’air grondait. Une rafale glacée charria vers elle des fragments de feuilles, pareils à l’éclaireur d’une armée qui approcherait en chargeant et dont le vent hurlant serait le cri de bataille. Elle ferma très fort les yeux. La tempête la percuta. »

Ma chronique : Elantris, Warbreaker, La voie des rois et bientôt Fils-des-brumes ; Brandon Sanderson et moi, on s'aime vraiment bien. On file l'amour parfait, et c'est avec l'émoi des premiers jours que j'ai clôturé ma lecture du second tome des Archives de Roshar, Le livre des Radieux, édité par chez nous en deux imposants pavés qui nous rappellent gentiment que les lecteurs anglophones, détenteurs d'un tome unique de 1328 pages, c'est pas des touristes. Mais au delà de la brique, Les Archives de Roshar c'est LA saga que Sanderson qualifie lui-même d'oeuvre de sa vie ; et à la lecture pas d'autre choix que d'être d'accord avec le bonhomme !

L'heure est au désordre sur Roshar. Après l'assassinat du roi Gavilar à l'origine de la guerre entre Aléthis et Parshendis, l'Assassin en Blanc s'en va semer le trouble dans l'ensemble du continent. Rois et Clarissimes chutent les uns après les autres et du chaos émergent les plus retors des opportunistes. Parmi eux, le Haut-prince Sadeas dont l'armée siège à l'orée des Plaines Brisées avec celles des neuf autres Hauts-princes, davantage occupés à se chamailler qu'à venger la mort du Roi Gavilar. Seul l'un d'entre eux appelle à l'unification : Dalinar Kholin. Pris d'étranges visions lorsque les tempêtes majeures soufflent sur Roshar, Dalinar sait qu'un cataclysme approche, de ceux capables de balayer l'humanité d'un simple revers : le retour des Néantifères. Pour éviter l'annihilation de son monde, il lui faut unir Roshar et, plus improbable encore, reformer les Chevaliers Radieux, ces hommes et ces femmes disposant de pouvoirs depuis longtemps disparus. Une tâche harassante et désespérée mais que la compagnie de Kaladin «Béni-des-Foudres», ancien porte-pont, et de Shallan Davar, érudite et pupille de l'intransigeante Jasnah Kholin, rend chaque jour un peu moins improbable.

Brandon Sanderson est une grosse pointure, un incontournable de la fantasy. Ça, on le savait, mais si l'auteur est connu pour briller de toutes les facettes qu'il insuffle à ses récits, c'est surtout en termes de world building qu'il en met plein les yeux. Ni vu ni connu, il crée des mondes riches et complexes comme le commun des mortels changerait de chemise, et à chaque nouvelle parution ce sont des univers entiers qui naissent de son génie - d'ailleurs à ce niveau-là on est à peu de chose près dans le domaine du divin. Oubliez les univers unidimensionnels et gentillets, et dites bonjour aux mastodontes qui envoient du lourd sans jamais vous égarer. L'émerveillement vous guette à chaque chapitre. Les pages se tournent à une vitesse folle. Les mots coulent, limpides, en un torrent d'émotions impossible à contenir. Bienvenue chez Sanderson, bienvenue à Roshar : un monde balayé par les tempêtes où la couleur de vos yeux fait de vous un prince ou un gueux, où les Chevaliers Félons d'autrefois, détenteurs de pouvoirs légendaires, reparaissent dans le désordre à mesure que la Désolation approche, et où tromperie et ambition se disputent la paix. Un monde qui vous ouvre grand ses bras et dans lesquels vous seriez bien mal inspirés de ne pas vous jeter au plus vite, nom des Bourrasques !

Je m'attarde d'ailleurs une seconde pour souligner aussi qu'en plus du fond, la forme est top. C'est trèèès bien écrit (chapeau d'ailleurs au boulot monstre de traduction), mais surtout Sanderson jette deux, trois, quatre rappels par-ci par-là qui nous permettent de pas finir largués au bout de trente pages. Merci l'ami.

Mais finalement, Roshar, c'est le minimum syndical que Brandon Sanderson devait créer pour soutenir son intrigue colossale. Deux pavés déjà parus en VO, quatre briques en VF, environ 3000 pages d'épicness renversante ... et un simple amuse-bouche, finalement, à l'échelle de l'intrigue dont Sanderson s'apprête seulement à attaquer le corps. C'est qu'avec dix tomes prévus en VO (et potentiellement une vingtaine en VF, vous l'aurez compris), l'auteur prend son temps, développe, émerveille. J'en vois déjà certains blêmir d'ici : « vingt tomes ?! ». Hé bien oui, vingt, mais laissez-moi vous dire que la sortie de ces vingt tomes-là, ce sera un rendez-vous littéraire à ne manquer pour rien au monde, simplement vous ne le savez pas encore. Amateurs de sagas épiques, surtout ne passez pas votre chemin. Quoique vous cherchiez, Les Archives de Roshar l'ont. L'intrigue guerrière, la bonne vieille guerre entre deux nations mettant à jour dissensions internes, trahisons et complots ; la quête de vérité, où légendes et histoire se confondent en un ensemble complexe à démêler ; la lutte du bien contre l'ambition et la facilité, où justice et honneur trouvent finalement leur véritable définition - et non pas celle pour neuneus qu'on nous sert bien trop souvent ; tout ceci et tellement, tellement plus encore, vous l'avez à portée de main. Plus particulièrement, ce sont avant tout des réponses qui vous attendent dans ces deux volumes, ainsi qu'une bonne grosse dose d'épicness. Ça bastonne, ça frissonne ; on en redemande.

Et si vous n'êtes pas encore convaincus, je vous laisse avec l'Ours Inculte qui, dans sa propre chronique des deux premiers volumes, y va allègrement en compliments : «(...) à côté de ce qu’on a ici, sa première trilogie (Fils-des-Brumes), c’était Tom-tom et Nana au zoo». Voilà voilà.

Ainsi donc, pas de Tom-Tom ni de Nana dans Le livre des Radieux. A la place, entre autres protagonistes mémorables, Kaladin et Shallan : deux fers rouges qui vous marquent durablement les méninges. En premier lieu, Kaladin, un guerrier brisé, aigri et bourré de rancœur qu'on croirait tout droit sorti d'un beau moule stéréotypé. Mais voilà, plus le récit avance, plus ses facettes se sculptent à coups de burin et plus Kaladin fait du chemin. Un sacré grand chemin qui gonfle le cœur de fierté et dont Honneur est le maître mot. Alors oui, parfois l'envie de le baffer est là ; mais à l'issue de ce second tome, c'est lui qui nous colle une tarte (saveur Fulgiflamme, s'il vous plaît). Seconde figure de proue du récit et très loin d'être la moindre, Shallan Davar. La frêle, la fragile, l’incertaine Shallan qui révèle enfin tout le potentiel de dingue qu'on sentait tapi là, depuis le début, et qui devient par la même occasion l'un des personnages les plus incroyablement bons que j'ai jamais lus. Je la trouve terriblement badass, pour ne rien vous cacher, preuve qu'homme ou femme, Brandon Sanderson sait écrire tous types de personnages et, plus important, les faire grandir. Et quand ces deux là se rencontrent enfin, le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils n'enfilent pas de perles.

« Pendant tout le temps où j'étais homme de pont, tout ce dont j'avais à me soucier, c'étaient mes hommes. Maintenant, les choses sont différentes. Il faut que je devienne quelqu'un. Simplement, je ne sais pas encore qui. »

En bref - parce que oui, pour une fois je vais faire court - , ne vous refusez pas cette lecture, vous y perdriez beaucoup. Parce que c'est ce qu'on appelle une tuerie.

Note : 20/20

Date : 10 janvier 2019 - 21 janvier 2019