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  • 3 août 2022

    Le chant d'Achille de Madeline Miller - Esthétique et séduction


    Auteur : Madeline Miller
    Editeur : Pocket (Rue Fromentin)
    Genre : Contes, légendes et mythes
    Pages : 468 pages (format poche)

    Résumé : Patrocle, jeune prince maladroit, part en exil à la cour du roi Pélé. Il y rencontre Achille, son exact contraire, doué pour tout ce qu'il entreprend. Malgré leurs différences, les deux jeunes hommes deviennent inséparables. Le destin les mènent à la guerre de Troie. La violence des Dieux et des hommes fera de leur histoire un drame.

    Mon avis : Parfois j'ai envie d'être originale. D'autres fois (souvent), j'ai surtout une flemme immense et pas assez de temps pour vous dénicher des pépites de derrière les fagots. Récemment je me suis donc rabattue sur un nouveau classique plébiscité de la blogo qui me faisait de l’œil depuis longtemps : Le chant d'Achille de Madeline Miller, que je découvre un an après Circé (chroniqué ici) - dans le désordre, quoi. En grosse suiveuse que je suis, je rejoins les avis unanimes du net : ce livre est très bon. Mais ...

    Pas besoin de vous refaire un cours d'Histoire mythologique, si vous êtes ici c'est que vous connaissez vos classiques - on a tous vu Brad Pitt en armure moulante piailler après Hector sous les murs de Troie, alors Achille, on connaît : l’invincible guerrier, la flèche dans le talon, la guerre de Troie, tout ça tout ça. Sauf que non. Derrière le héros le plus célèbre de la mythologie grecque se cache une multitude d'épisodes méconnus, mais que Madeline Miller se fait un plaisir de décortiquer et de réinterpréter. Avant de rêver devenir une super scientifique, j'avais dans l'idée de devenir archéologue et enfant j'ai dévoré les mythes et légendes du monde. J'ai démarré ma lecture du Chant d'Achille en petite peste : on ne me la ferait pas. Et pourtant, pourtant j'ai fait des découvertes, j'ai appris des épisodes dont j'ignorais tout et je me suis émerveillée à reconstituer le puzzle "Achille" et à emmagasiner tout ça.

     Achille et sa femme Déidamie, son instruction par Chiron en personne et son héritier tout feu tout flamme (c'est un jeu de mot, il est roux, ha ha) : autant d'éléments dont je n'avais pas connaissance et qui ont enrichi le tableau que je me faisais du personnage.

    La rigueur historique (appelons ça comme ça) de Madeline Miller s'arrête toutefois là où débutent les contraintes de son roman qu'elle a voulu très esthétique A l'inverse de passages fréquemment tus (comme justement son séjour à la cour de Lycomède, le père de Déidamie, sous des atours féminins parce que sa maman Thétis voulait qu'il échappe à la guerre), d'autres épisodes méchamment connus sont ici passés sous silence. Je suis hyper progressiste en littérature et férue des réécritures de contes, mais écrire un roman sur Achille sans parler de son talon, c'est un peu gros. Sans doute que l’invincibilité que lui a conféré son détrempage dans le Styx n'arrangeait pas l'autrice dans le déroulement de son roman. Sans doute que ça ne collait pas avec la version du héros doux et placide qu'elle voulait développer. Mais il n'empêche, à mes yeux ça reste une belle lacune (tout comme les libertés qu'elle a prises pour réécrire le personnage de Briséis, qui passe quand même de reine à fille de ferme). Dans un film comme Troie, ça passe, mais dans un récit aussi bien documenté, j'ai plus de mal.

    Malgré ces quelques malheureux arrangements pris avec le mythe originel, ça n'empêche pas le roman d'être solide. Le style est chantant, c'est un plaisir de lecture et ça colle tout à fait au contexte mythologique de l'oeuvre. L'expérience est profondément immersive et captivante, le livre se dévore. Il y a un côté terriblement romantique à cette histoire, presque séducteur, qui tranche avec les interprétations testostéronées habituelles. Très loin de Brad Pitt et de ses Myrmidons en sueur, Achille est traîté avec beaucoup de finesse : Madeline Miller distingue l’homme fin du héros brutal et parvient à faire coexister les deux dans un personnage qui tient la route. Le choix de Patrocle comme narrateur est très pertinent et permet d’attaquer le mythe par un angle plus doux. Il reste toutefois un peu niais à mon goût, mais je reconnais que c’est agréable d’avoir un narrateur qui sait s'effacer pour faire de la place aux autres protagonistes.

    Le chant d’Achille reste finalement une interprétation libre parmi tant d’autres. Celle-ci est douce et cosy, et je lui reprocherais presque cette approche trop lisse. Mais je pinaille, ce fut vraiment une excellente lecture.

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