Pas besoin de vous refaire
un cours d'Histoire mythologique, si vous êtes ici c'est que vous connaissez
vos classiques - on a tous vu Brad Pitt en armure moulante piailler après
Hector sous les murs de Troie, alors Achille, on connaît : l’invincible
guerrier, la flèche dans le talon, la guerre de Troie, tout ça tout ça. Sauf
que non. Derrière le héros le plus célèbre de la mythologie grecque se
cache une multitude d'épisodes méconnus, mais que Madeline Miller se fait un
plaisir de décortiquer et de réinterpréter. Avant de rêver devenir une
super scientifique, j'avais dans l'idée de devenir archéologue et enfant j'ai
dévoré les mythes et légendes du monde. J'ai démarré ma lecture du Chant
d'Achille en petite peste : on ne me la ferait pas. Et pourtant,
pourtant j'ai fait des découvertes, j'ai appris des épisodes dont j'ignorais
tout et je me suis émerveillée à reconstituer le puzzle "Achille" et
à emmagasiner tout ça.
Achille et sa femme Déidamie, son instruction par Chiron en personne et son héritier tout feu tout flamme (c'est un jeu de mot, il est roux, ha ha) : autant d'éléments dont je n'avais pas connaissance et qui ont enrichi le tableau que je me faisais du personnage.
La rigueur historique (appelons ça comme ça) de Madeline Miller s'arrête toutefois là où débutent les contraintes de son roman qu'elle a voulu très esthétique A l'inverse de passages fréquemment tus (comme justement son séjour à la cour de Lycomède, le père de Déidamie, sous des atours féminins parce que sa maman Thétis voulait qu'il échappe à la guerre), d'autres épisodes méchamment connus sont ici passés sous silence. Je suis hyper progressiste en littérature et férue des réécritures de contes, mais écrire un roman sur Achille sans parler de son talon, c'est un peu gros. Sans doute que l’invincibilité que lui a conféré son détrempage dans le Styx n'arrangeait pas l'autrice dans le déroulement de son roman. Sans doute que ça ne collait pas avec la version du héros doux et placide qu'elle voulait développer. Mais il n'empêche, à mes yeux ça reste une belle lacune (tout comme les libertés qu'elle a prises pour réécrire le personnage de Briséis, qui passe quand même de reine à fille de ferme). Dans un film comme Troie, ça passe, mais dans un récit aussi bien documenté, j'ai plus de mal.
Malgré ces quelques malheureux arrangements pris avec le mythe originel, ça n'empêche pas le roman d'être solide. Le style est chantant, c'est un plaisir de lecture et ça colle tout à fait au contexte mythologique de l'oeuvre. L'expérience est profondément immersive et captivante, le livre se dévore. Il y a un côté terriblement romantique à cette histoire, presque séducteur, qui tranche avec les interprétations testostéronées habituelles. Très loin de Brad Pitt et de ses Myrmidons en sueur, Achille est traîté avec beaucoup de finesse : Madeline Miller distingue l’homme fin du héros brutal et parvient à faire coexister les deux dans un personnage qui tient la route. Le choix de Patrocle comme narrateur est très pertinent et permet d’attaquer le mythe par un angle plus doux. Il reste toutefois un peu niais à mon goût, mais je reconnais que c’est agréable d’avoir un narrateur qui sait s'effacer pour faire de la place aux autres protagonistes.
Le chant d’Achille reste finalement une interprétation libre parmi tant d’autres. Celle-ci est douce et cosy, et je lui reprocherais presque cette approche trop lisse. Mais je pinaille, ce fut vraiment une excellente lecture.
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