8 sept. 2019

Engrenages et sortilèges d'Adrien Tomas - Vadrouille adolescente

Auteur : Adrien Tomas
Éditeur : Rageot
Genre : Jeunesse, Fantasy, Steampunk
Pages : 474 pages (grand format)

Lu dans le cadre du « Hold my SFFF Challenge »

Le résumé : Grise et Cyrus sont élèves  à la prestigieuse Académie des Sciences Occultes et Mécaniques de Celumbre. Une nuit, l’apprentie mécanicienne et le jeune mage échappent de justesse à un enlèvement. Alors qu’ils se détestent, ils doivent fuir ensemble et chercher refuge dans les Rets, sinistre quartier aux mains des voleurs et des assassins.  S’ils veulent survivre, les deux adolescents n’ont d’autre choix que de faire alliance…

Ma chronique : Le blog vous veut du bien, le blog ne vous cache rien, le Jeunesse, c'est clairement pas mon truc. Peu de ses représentants se sont frayés un chemin jusqu'ici - souvent sur un malentendu - et à la lecture ç'a jamais été la franche marrade. Ce mois du HMSFF challenge consacré à la « Fougue de la jeunesse », j'avoue donc que j'y allais à reculons. Mais ça, c'était avant que je trouve le candidat rêvé : Engrenages et sortilèges d'Adrien Tomas que la communauté Livraddict encense royalement. Enthousiasme, vivats, ola générale - j'étais prête à me lancer et plutôt chaude dans les starting-blocks. Bilan final positif quoique mitigé pour votre chère Choupaille, mais pour ce qui est du moment passé c'était vite lu et vachement rafraîchissant. A n'en pas douter, un petit coup de fougue sortie tout droit de la jeunesse, ça fait du bien de temps en temps !

Cyrus et Grisella comptent parmi les meilleurs éléments de l'Académie des Sciences Occultes et Mécaniques de Celumbre. L'un pratique la magie, l'autre l'art de l'automatie et s'il n'y avait cette impitoyable rivalité entre leurs deux cursus, dieu sait ce que pourraient mettre au monde leurs talents combinés. Mais les deux étudiants se détestent cordialement, et lorsqu'un soir une bande de malfrats tente de les enlever au sein même de l'Académie, Grise et Cyrus n'ont d'autre choix que de collaborer pour survivre à la nuit et aux heures à venir. Car en plus des malfrats qui les ont tirés du lit, c'est toute la Garde de Cuivre qui court à leurs trousses. Pas le choix : pour survivre, il leur faudra s'acoquiner à la lie de la cité et marchander avec habilité pour découvrir qui veut leur peau et celle de leur famille et surtout ... pourquoi ? 

Rentrée scolaire oblige, septembre c'était le mois rêvé pour retourner sur les bancs de l'école. Ça tombait pas mal parce que les portes de l'Académie de Celumbre m'étaient grandes ouvertes : je voyais déjà les ados joufflus à la coupe au bol parcourir les couloirs et les jeunes filles coquettes se faire conter fleurette ; mais à peine dix pages de lues que c'était déjà la surprise - assez bonne, la surprise. Car plutôt qu'un Poudlard où il fait globalement bon vivre, Adrien Tomas fait de son Académie un lieu de rivalités, de mésentente et de préjugés où on moque le voisin en se retranchant du côté des plus forts et des plus riches. Gratte-rouilles et gigotent-doigts se vouent un mépris ancestral et quand c'est pas les uns envers les autres qu'ils se cherchent misère, c'est dans leurs propres rangs qu'ils tirent à boulet rouge - grosse ambiance sur fond d'hormones qui bouillonnent, quoiOn flaire d'emblée la mentalité absurde prête à se faire déglinguer par l'auteur au détour de l'intrigue, et quand ça finit par arriver on glapit de bonheur et de satisfaction. Une bonne claque dans la tronche, ça fait jamais de mal à personne ; je dirais même que ça forge du bon Jeunesse

Alors que nos héros peinent à voir clair dans le jeu des puissants qui leur mènent la vie dure, la rivalité cède le pas à l'amitié gagnée sur le tas. C'est mignon tout plein et surtout ça fait voler en éclat un système éducatif qui par certains aspects rappelle le pire du nôtre.

Amitié, c'est d'ailleurs un mot que j'aime bien entendre dans un genre littéraire où garçons et filles n'ont jamais d'autre choix que de sortir ensemble en fin de roman. Des romances, y en a la pelle, mais de belles histoires d'amitié, c'est plus rare à trouver et ça me hérisse pas mal le poil. Engrenages et sortilèges a ça de sympa qu'il relate le commencement d'une relation - quoi qu'elle devienne par la suite. On peut s'imaginer ce qu'on veut : rester sur la case amitié sincère si ça nous convient ou bien voir dans le rapprochement de Grise et Cyrus une possible idylle en devenir. A votre convenance m'sieurs dames, et moi ça m'a grandement plu ! Et tout comme Rome ne s'est pas construite en un jour, Adrien Tomas ne fait pas passer nos deux compères d'ennemis mortels à amis pour la vie en deux temps trois mouvements. Chacun doit apprivoiser l'autre, céder du terrain pour y gagner en confiance et telles deux bêtes blessées qui se feulent dessus finissent par se faire des papouilles, les épreuves traversées de concert soudent les deux adolescents l'un à l'autre. C'est touchant mais pas guimauve pour autant, un bel équilibre pour une histoire mignonnette.

Il y a beaucoup de raccourcis, des scènes parfois clichées mais pas de maladresse : Engrenages et sortilèges est finalement un roman assez juste où chacun, fille comme garçon, vit son petit moment de gloire.

Le relationnel c'est donc à mes petits yeux le gros point fort de ce roman, mais pour ce qui est de l'intrigue, hélas, ça se gâte. Ça ne reste que mon humble avis et de ce que j'ai lu beaucoup ne le partagent pas - gloire à la diversité ! - mais question enjeux Engrenages et sortilèges vise nettement trop haut à mon goût. Les ficelles manipulées sont grosses comme des lignes haute-tension et tout parait exagérément surdimensionné comme pour donner dans le sensationnel à tout prix. Deux ados pas hyper-dégourdis qui se dressent face à un Empire surpuissant, c'est un peu comme Kevin McCallister qui défend sa maison des vilains cambrioleurs dans Maman j'ai raté l'avion : ça se regarde avec bienveillance mais question authenticité, on peut pas dire que ce soit ultra-crédible. Les leviers du scénario sont bien trop gros pour être vrais, la pègre locale très peu convaincante et les hautes instances politiques totalement transparentes. Ça manque d'un gros soupçon de subtilité et c'est bien dommage : vu les factions qu'il y a là-dedans, y avait matière à tisser du bel ouvrage. 

Petit peuple oppressé, marginaux, voleurs et révolutionnaires se terrent dans le quartier le moins bien famé de Celumbre et lorsque Grise et Cyrus y débarquent, l'occasion est là pour chacun de réviser son jugement sur le système en place. Un petit air de révolution qui file malheureusement avec des sabots trop gros à mon goût - argh, dommage !

Du rythme il y en a, de la mignonnitude et de l'humour aussi ; bref ce ne sont pas les qualités qui manquent à Engrenages et sortilèges - et surtout pas à son dernier tiers riche en mouvement ! D'autres que moi sauront profiter des péripéties de Grise, Cyrus et de leurs familiers pleins de charme : il y a matière à se divertir, à réfléchir et à rêver de magie et de rouages bien lustrés. Quand bien même tout ce beau monde se serait fait trucider en cinq pages dans un monde à la George R. R. Martin, ça reste frais et ça vous rajeunit un poil - et ça, on dit pas non ! Mission « Fougue de la jeunesse » accomplie, j'en resterai là et j'attends déjà de pied ferme octobre et sa sorcellerie.

Note :  14/20

Date :   02 septembre 2019 - 04 septembre 2019

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