11 août 2019

Le rituel d'Adam Nevill - Porter les galettes à Mamy 2.0

Auteur : Adam Nevill
Éditeur : Bragelonne
Genre : Fantastique, horreur
Pages : 451 (format poche)

Le résumé : Lorsque quatre copains de fac partent camper dans la nature sauvage scandinave, ils espèrent simplement échapper au quotidien et renouer des liens. Mais en quelques heures leur randonnée tourne au scénario de cauchemar. Perdus et affamés dans des bois inexplorés depuis des lustres, la situation leur échappe à une vitesse vertigineuse. Mises en scène macabres et sacrifices païens en l'honneur d'une créature millénaire: face à l'innommable, la folie guette ceux qui font désormais partie du Rituel...

Ma chronique : En pleine période de canicule, nécessité oblige, j'ai pas su dire non à quelques frissons bienvenus - vis ma vie dans les toits, tu verras c'est super. Quand j'ai croisé Le rituel en librairie pour la énième fois, j'ai donc filé en caisse fissa bien contente de mon achat et n'ai pas vraiment tardé à attaquer le morceau. Les babines, je me les suis pourléchées une bonne partie du roman durant ; une première moitié plus ou moins topissime qui sentait bon le bois pourri et l'humus bien moite. Mais pour le reste ç'a hélas été le rejet total. Chaussez de bonnes bottines et équipez-vous bien, on part en forêt porter des galettes à Mamy, et en pas vraiment bonne compagnie.

Hutch, Dom, Phil et Luke sont quatre bons copains de fac que la vie a balancé sur des chemins on ne peut plus différents. Vie de famille et réussite professionnelle pour certains, coups d'un soir et jobs sans perspective d'avenir pour d'autres ; les retrouvailles  dix ans après s'annoncent hautes en couleurs et riches en ressentiment - d'autant que personne n'est fichu de se mettre d'accord sur la nature de ces retrouvailles. C'est finalement Hutch qui propose l'idée qui contentera toutes les bourses : une rando entre potes en Suède, grands espaces et forêt à gogo. L'idée séduit, les amis décollent, et en quelques jours à peine Phil et Dom crient grâce. Soucieux de couper court au désastre qui s'annonce s'ils poursuivent leur route accompagnés de deux rabat-joies harassés, Hutch propose un raccourci à travers bois. Du hors piste, quelques kilomètres guidés à l'ancienne - boussole et carte. Un jeu d'enfant. Hélas c'était sans compter sur la densité étonnante de la forêt ... et l'avertissement qui les attend suspendu et éviscéré à un arbre. La traque et l'horreur débutent.

Parlons vite, parlons bien : Le rituel est un roman qui m'a d'emblée plu pour la vision « dix ans après » ultra-réaliste qu'il offre du groupe de potes issu de la fac. L'amitié fusionnelle qui s'effiloche lentement, les bons copains d'antan qu'on ne comprend plus et qu'on reconnait encore moins sous les kilos pris, la façade de respectabilité écœurante ou le mode de vie solitaire, ça parle à tout le monde - si pas, chapeau bas à vous qui avez su éviter les écueils de la vie. Tout comme Hutch, Dom, Phil et Luke, on a tous au fond d'un placard des amitiés essoufflées et on se reconnait à tous les coups dans cette relation sur la fin que ne cimentent plus que quelques souvenirs sympas - ceux qu'on ressort entre deux bières, toujours les mêmes. Côtoyer le temps d'un roman ce groupe de potes qui dès le départ ne tient plus qu'à un fil, ça réveille des souvenirs et des regrets, mais surtout ça n'en rend la descente en enfer à venir que plus grandiose et immersive encore. La vie a télescopé les uns et les autres, en a fait de bons pères de famille, des employés modèles, des hommes bien ou simplement des esprits libres vivotant au jour le jour : autant de dissemblances et de conceptions du quotidien différentes qui creusent un fossé qu'on ne connait que trop bien. Et ce fossé là, je vous raconte pas comme il va poser problème dans la virée forestière qui s'annonce - vous le sentez venir, le gros malaise ?

Les purs et durs regretteront certainement une intro à la King : un bref focus sur les retrouvailles avant-départ et les premières vacheries lancées à la goule de tout un chacun ; au lieu de quoi Adam Nevill décide lui de lancer la machine sur les sentiers de Suède et vas-y qu'on y va à grands coups de flashs-back pour faire comprendre que dès le départ, y a jamais eu l'ambiance. Je ne vous cache pas que j'aurais préféré la première approche, plus subtile, mais se faire balancer en situation de stress dès la première page du roman, ç'a son petit charme aussi. Parce qu'à peine un orteil glissé sur les feuilles du charmant raccourci de Hutch, c'est une forêt vierge millénaire qui se referme comme un flan autour de nos quatre amis. Le genre de mur végétal infranchissable dont on ne s'extirpe que pour mieux s'y faire prendre à nouveau, plantes grimpantes, arbrisseaux et pins peu coopératifs en prime. On se sent aussi écrasé et perdu que nos braves compagnons réduits à ramper sur l'humus détrempé d'une direction à l'autre, et pas vraiment plus soulagés qu'eux quand vient le moment des découvertes macabres - le roman en est truffé, pas de tracas il y a matière à trouver votre bonheur ! 

Adam Nevill tient fermement la barre d'un roman dont la première partie est menée tambour-battant sans temps mort ni répit d'aucune sorte. L'atmosphère est lourde et végétale : ça sent le moisi, les viscères et l'oppression tout plein ; un régal pour qui apprécie les ballades champêtres qui tournent (très) mal.

Je ne vous le cache pas bande de petits curieux : alors que la progression se fait de plus en plus chaotique et que les réserves d'eau et de nourriture baissent à vu d’œil, les esprits s'échauffent - et pas qu'un peu s'il vous plaît. Perdus dans une forêt qui veut leur peau, chacun doit faire face à soi-même et avant de lutter contre la faim, la soif et la terreur, c'est avant tout un combat contre soi que Hutch, Dom, Phil et Luke doivent mener. L'Homme contre son pire ennemi : lui-même, et une lutte qu'on aimerait d'ailleurs voir durer tout du long. Oui mais non car l'auteur en a décidé autrement sur la seconde partie du roman et vire dans un délire peu crédible - ouais, même pour du fantastique, faut pas pousser. Une secte de dégénérés, des ados métaleux attardés, des rituels douteux : on saute pied joints dans une belle flaque de facilité, de raccourcis et de déjà-vu terriblement lent, vraiment pas passionnants et franchement pas savoureux. J'aurais volontiers passé mon tour si je n'avais voulu savoir la chute à tout prix - et encore avec le recul je me demande si ça en a valu le coup. 

De ce que votre humble Choupaille a pu glaner comme avis sur le net,  chacun y va de sa gueulante au sujet de cette seconde moitié et laissez-moi joindre ma voix à la chorale : c'est du grand n'imp' et ça vient gâcher un début de roman ultra-prometteur. Du vrai bon dommage.

Qu'à cela ne tienne, tout ça n'a pourtant pas effrayé l'ami Netflix qui s'est récemment emparé du Rituel pour l'adapter à sa sauce au petit écran. Résultat : un film d'une bonne heure et demi dont la force réside dans la suggestion et dont la seconde moitié passe nettement mieux que celle de l'oeuvre originale - comme quoi ça arrive, les adaptations sympas ! Côté roman, y a pas de quoi vous conseiller cette lecture à tout prix ni vraiment de quoi vous dissuader de mettre la main dessus. Il y a du très bon et du très moyen, et finalement dans tout ce fatras ce sera à vous de faire le tri. Moi je n'ai été convaincue qu'à moitié - mais c'était une très, très belle moitié que cette première-là ! A vous de jouer.

Note :  12/20

Date :   02 août 2019 - 05 août 2019

2 commentaires:

  1. Quelle chronique mes aïeux !!! C'est bougrement bien écrit tabernacle (oui, quitte à employer du vocabulaire désuet, autant en faire trop)
    Voilà qui m'a malgré tout donné envie et rendu curieuse d'ouvrir ce bouquin dont les facilités ne m'étonnent guère sachant que le film n'est pas non plus d'une originalité folle ! Les grands espaces et les bois humant la moisissure rattrapent facilement le tout, cela dit ! :)

    Merci pour cette chouette chronique!

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    1. Je fonds littéralement en lisant ton commentaire : un grand merci *.* (J'ai littéralement passé toute ma journée sur deux chroniques, donc tu imagines mon plaisir quand je lis que ça en valait la peine !)
      Je pense sincèrement qu'il faut se faire sa propre idée sur ce bouquin - si toutefois on aime l'horreur, autrement c'est foutu LOL. Je suis tombée sur des avis qui justement étaient sous le charme de la seconde partie, donc rien n'est perdu !
      C'est grâce à toi que j'ai appris qu'il existait une adaptation, et du coup dans la foulée je l'ai regardée :p. Un peu comme tous les films du genre, c'est effectivement pas d'une originalité folle mais comme tu dis : ça fait le taf et j'ai passé un bon moment ! Idem pour le livre qui flaire bon l'humus moisi - j' ai vraiment adoré cette atmosphère anxiogène.
      N'hésite pas à faire signe par ici quand tu décides d'attaquer la bête :-) !

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