19 oct. 2019

Notre-Dame des loups de Adrien Tomas - Grands espaces et balles d'argent

Auteur : Adrien Tomas
Éditeur : Hélios
Genre : Fantastique
Pages : 250 pages (format poche)

Lu dans le cadre du « Pumpkin Autumn Challenge »

Résumé : 1868, aux confins de l'Amérique, les Veneurs, une petite troupe d'hommes et de femmes sans foi ni loi, aux munitions forgées d'argent, l'âme froide comme l'acier, parcourent les immensités de l'Ouest sauvage. Ils s'enfoncent, la peur au ventre mais déterminés, dans les gigantesques forêts. Ils connaissent leur mission : elle pue le sang et la mort. Elle a le son des chairs qui se déchirent et des os qui rompent, des incantations vaudou, des balles qui sifflent et des molosses qui aboient. Au loin, les premiers hurlements se font entendre. La chasse commence... une chasse qui doit réussir quel qu'en soit le prix.


Ma chronique : Notre-Dame des loups, ça c'est un roman que j'aurai attendu longtemps dans mes étagères - mais genre vraiment longtemps ! Commandé l'hiver passé après des mois de tergiversations comme j'en garde jalousement le secret, jamais arrivé ; j'ai retenté le coup cet automne avec bien davantage de succès puisque le loulou s'est enfin frayé un chemin jusqu'à chez moi. Rien qu'à le recevoir c'était donc bonheur et cotillons, mais je ne vous cache pas que fureter du côté de la Dame et de sa terrible engeance ce fut surtout un moment de lecture qui a senti bon l'épicéa, le sang frais et l'argent massif. Un de ces moment où tu te dis « voilà, OUAIS, c'est pour ÇA que je lis ! C'est ÇA que je veux ! ». Alors quand bien même il fait froid là dedans, moi je vous dis de sauter sans réfléchir à la suite des derniers Veneurs du Nouveau-Monde, et fissa.

Dans les contrées les plus reculées de l'Amérique du XIXe siècle rôde une bête dont beaucoup ignorent l'existence. Tantôt louve de taille monstrueuse, tantôt femme à la beauté spectaculaire, la Dame dissémine ses rejetons partout où elle passe et laisse à la lune pleine le soin de révéler leur nature maligne. Des villages et des vies ravagées, les Veneurs de Jack en ont vus des centaines depuis le début de la Grande Chasse qui les oppose eux meutes de Rejs et à leur mère poussée dans ses ultimes retranchements. L'aboutissement d'une décennie de redoutable traque se dessine tandis que les clans s'unissent face à la menace de la Vénerie, l'hiver et la touffeur de la forêt pour seuls alliés face à ces hommes et ces femmes faisant feu à l'argent massif. Mais alors que les pertes s'alourdissent chez les lycanthropes, la Dame ne dit pas son dernier mot et entame un long et lent travail de sape que sa seule nature retorse se peut concevoir. Le mercure chute, la forêt s'épaissit et l'heure vient pour les Veneurs de décider quel combat mener.

Histoire de tailler tranquillou votre route à travers la forêt de Notre-Dame des loups, un petit colt à portée main vous fera pas de mal, vous avez saisi, mais c'est surtout de munitions de bon Vif dont vous aurez besoin : du bon argent à fondre en perles mortelles à destination des Rejetons de la Dame - ou à la rigueur des pointes de flèches rutilantes si la poudre c'est pas votre truc. Une horde de molosses aux gueules démentes pour la traque, des munitions d'argent massif pour le dégât, des manteaux fourrés pour seuls remparts face au blizzard hivernal et une froide détermination que nulle flammèche de camaraderie ne viendra étouffer - l'amitié, c'est surfait ! - tout ça c'est le minimum syndical pour espérer tenir l'allure des Veneurs et survivre à la conclusion de la Grande Chasse dont Adrien Tomas nous fait les témoins. L'humeur est à la Traque et à la Traque seulement, et si le récit est brutal c'est rien face à la terrible rudesse de la Vénerie que mène Jack d'une main de fer : Notre-Dame des loups n'est pas un roman feel-good ni une énième romance lycanthropique, c'est le récit d'une vie à la dure et des truands qui l'ont fait leur sans forcément espérer en réchapper.

Et si les bêtes de la Dame veillent à harceler comme il se doit la compagnie dont provisions et munitions viennent à manquer, c'est rien face aux frimas et aux bourrasques hurlantes de cette région reculée de l'Amérique - celle du Revenant de di Caprio où tout ce qu'on peut trouver au mieux entre des centaines d'arpents de forêt enneigée, c'est un ou deux villages de chasseurs-pêcheurs pas tellement au fait de la menace qui les guette. Car les Veneurs, en plus d'être des hommes et des femmes dévoués corps et âme à leur tâche, ce sont les gardiens aux airs de cow-boys d'un secret qui doit à tout prix le rester : celui de l'existence de monstruosités tapies sous le nez de la populace innocemment ignorante. Aucun des Veneurs ne fait dans la dentelle et s'il faut se salir les mains pour étouffer l'affaire, personne n'hésite. Ça donne des protagonistes entiers terriblement complexes et réalistes, prêts à tout pour épargner une humanité dont ils savent ne pas faire partie, quitte même à coller une balle entre les yeux des témoins gênant. Aux grands maux les grands remèdes : la logique a beau être odieuse on ne peut qu'être terriblement fasciné par autant de détermination et de « dévouement ». Tous les sacrifices sont bons afin de préserver le plus grand nombre et quelle cruelle ironie de constater qu'à vouloir préserver l'humanité, les Veneurs s'arrachent peu à peu toute la leur - une balle d'argent et un coup de dents après l'autre.

Les Veneurs sont des écorchés vifs, des hommes et des femmes obnubilés par la Traque de la Dame. Rien d'autre ne compte ni n'a d'importance, pas même finalement leurs peaux de truands. Pas de camaraderie, pas de code d'honneur : leur réalité c'est la terre gelée des espaces du grand nord américain et les Rejetons qui s'en viennent leur arracher la couenne. Il n'y a pas de larmes lorsque l'un de ces corniauds tombe au combat, rien que des formalités empruntes parfois d'un peu d'estime - et encore, ça reste foutrement rare ! Bref les Veneurs c'est des durs mais certainement pas des bons compagnons de route, et pourtant faut avouer que la troupe est redoutable. Suffisamment redoutable pour que la Dame prenne peur et la joue finaude : la menace n'est alors plus seulement extérieure mais intestine. Ajoutez la méfiance à ce cocktail de brutes déjà bien garni et vous obtenez un récit à huis clos absolument glaçant - et pour une fois l'hiver en forêt y sera pour rien. Quand on ne peut compter sur personne à part sa propre trogne, la Grande Chasse prend des allures de massacre à ciel ouvert et croyez-moi bien : on-ne-lâche-plus-ce-livre !

Mais si ce n'était qu'une histoire d'ambiance et de forêt hivernale battue par des chasseurs frigorifiés au gibier retors et carnassier, y aurait certainement de quoi s'enthousiasmer sans pour autant en faire des caisses. Sauf que la construction, mes aïeux ! La construction de ce récit est fan-tas-tique ! Je ne vous dévoilerai rien pour vous laisser la surprise mais pouah, quelle claque ! Je me fais violence pour ne rien vous en dire mais sachez que des tours pareils, les auteurs peuvent m'en jouer autant qu'ils veulent : je suis preneuse. Ma rencontre littéraire avec Adrien Tomas partait mal après deux romans très moyens (La maison des Mages et Engrenages et sortilèges), mais là comment vous dire que je suis bluffée - retournée comme un crêpe par un récit aux espaces enneigés où il ne fait pas bon d'être à découvert, où dormir d'un seul œil est un luxe et où on n'est pas vraiment sûr qu'il y ait de grande différence entre le mal qui rôde en dehors et celui qui sévit en dedans

Ça caille sec et les Veneurs ne vous feront pas bon accueil - pas plus que l'engeance de Notre-Dame des loups - mais vous avez tout intérêt à dégainer ce roman aux airs de Revenant, di Caprio en moins et mâchoires bien garnies en plus. On est sur de la grosse pépite - d'argent, ça va de soi !






Note :  19/20

Date :   04 octobre 2019 - 07 octobre 2019

5 commentaires:

  1. Ta chronique est tellement vivante et enthousiaste qu'elle donne envie de lire le livre alors que c'est déjà fait :)

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    1. Aaaah, heureuse d'avoir accompli mon devoir de lectrice convaincue :-D ! C'est effectivement un album que je ressortirai avec plaisir les soirs d'automnes !

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  2. J'avais tout aimé dans ce roman, son rythme haletant et ses personnages ^^

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