27 juil. 2019

Légendes d'Agrégats d'Etienne Cunge - Un pour tous, tous pour un !

Auteur : Etienne Cunge
Éditeur : Critic
Genre : Science-fiction
Pages : 296 (grand format)

Lu dans le cadre du « Hold my SFFF Challenge »

Le résumé : En colonisant d’autres mondes, l’humanité s’est divisée. Désormais, seuls les Spatiens font encore le lien entre les différentes planètes à bord d’immenses consortiums d’astronefs, nommés agrégats, accomplissant ainsi la Tradition du Vide. Parmi les millions d’habitants qui les composent, Rivka est une moissonneuse chargée de sillonner la zone d’influence gravitationnelle pour collecter les ressources énergétiques et minérales vitales à leur communauté. Un jour, lorsqu’elle secourt Ilam, un photographe étranger dont le vaisseau a subi une avarie, elle est loin d’imaginer les conséquences de son geste. Pour les deux jeunes gens, commence un périple semé d'embûches, où il leur faudra non seulement échapper aux foudres du maître de l’ordre, chargé de veiller au respect de la Tradition, mais aussi jouer leur rôle dans une trame qui les dépasse : un jeu de piste millénaire construit sur les notes d’un chef d’orchestre mystérieux.

Ma chronique : Après mon enrichissante et très dynamique lecture de Altered Carbon, j'étais clairement pas prête à rempiler pour de la Fantasy pure et dure. Il me fallait une lecture de transition bien reposante et bingo, avec Légendes d'Agrégats sous le coude, j'ai visé juste ! Petit roman, grandes ambitions : ce bref space-opéra accessible à tous est passé chez moi comme une lettre bien beurrée à la poste. Il y a eu quelques menues maladresses en cours de route, mais rien de très méchant ni de trop plombant, c'est promis. Embarquez au sein de l'Intervention divine et suivez le guide, on va jaser Tradition du Vide et autres joyeusetés ! ~ ça vaut bien un petit détour de quelques années-lumières, nan ?


Bien des millénaires ont passé depuis le Grand Départ de l'humanité pour l'espace lointain et ses planètes à coloniser. L'espèce s'est sédentarisée aux quatre coins de la galaxie, les us et coutumes se sont diversifiés, figés dans leurs dissemblances, et seuls les Spatiens assurent aujourd'hui la cohérence de l'humanité. A bord de leur titanesques vaisseaux-pays, les Agrégats, ils sillonnent l'espace selon la Tradition du Vide en une boucle immuable censée maintenir l'unité des Hommes. Rivka est une Spatienne éprise d'une liberté que lui interdit son Ordre ; Ilam est un photographe de l'espace issu de la planète Utopia. Lorsque l'une sauve l'autre d'un naufrage malheureux et l'embarque clandestinement à bord de l'Agrégat, tous deux se trouvent mêlés à une lutte séculaire que se disputent le Parti de la Liberté et l'Ordre du Vide. Une lutte qu'embrase la découverte de manuscrits offrant une vision de l'Histoire bien différente de celle de la Tradition du Vide ...

L’étoile de la mort vous paraissait déjà colossale ? Ha, petits joueurs ! Oubliez-en le design sphérique, le côté un poil létal et le style épuré. Imaginez plutôt un amas de ceintures concentriques de plusieurs bonnes centaines de kilomètres de diamètre, quelques milliers de bricoles hors proportions gravitant tout autour et une population frôlant la belle vingtaine de millions : là, messieurs dames, vous tenez un Agrégat - disons l’Intervention divine. Un vaisseau-pays comme il en existe sept autres, ultimes maillons à unir une humanité qu’Etienne Cunge a imaginée éclatée à travers la galaxie et dont des millénaires de séparation et de moi d'abord sont sur le point d'avoir inévitablement la peau. Guerre fratricide, vous avez dit guerre fratricide ? Elle se profile méchamment, ça oui ; mais Dieu merci les Spatiens veillent au grain, portés par une doctrine à laquelle chacun d'eux se doit d'adhérer - question de cohérence et d'unité face à une humanité qui justement se fait un peu la malle.

Altered Carbon puis Légendes d'Agrégats : deux lectures successives au top et autant de façons pertinentes de s'imaginer l'humanité d'ici quelques siècles ou millénaires ; je sais pas vous mais moi, je dis un grand oui ! 


On pourrait croire le job facile. Sillonner la galaxie selon un itinéraire plusieurs fois millénaire et assurer la cohésion de l’espèce malgré son éclatement à travers l’espace ? Les doigts dans le nez, André ! Oui mais non, en fait. Pareil engagement nécessite de chaque Spatien une foi inébranlable envers la sacro-sainte Tradition du Vide et, surtout, un dévouement sans pareil à l'Ordre ainsi qu'au commandement du navire. Et sur grosso modo vingt millions de Spatiens (alerte estimation : on n'a pas droit à des chiffres précis dans le bouquin, hein ...), je vous laisse bien imaginer que tout le monde n'est pas forcément d'accord avec ce gentil petit système dictatorial auquel on t'enchaîne à la naissance. L'Agrégat porte son lot de libres-penseurs cherchant à s'arracher au joug de ce qu'ils appellent la Tyrannie du Vide, et c'est de la lutte musclée des deux parties pour le contrôle de l'Agrégat qu'on est témoins, mystères, complots et légendes galactiques en prime - et avec évidemment tous les enjeux qu'il y a derrière pour l'humanité, histoire d'ajouter un peu de poids dans le game.


L'un dans l'autre, Légendes d'Agrégats c'est une grande et belle intrigue qui sur le fond m'a pas mal rappelé l'excellentissime premier tome de Dominium Mundi. Et ça, les amis, c'est un sacré compliment.

Cette lutte pour la liberté, on la vit à travers une poignée de bons protagonistes bien diversifiés. Il y a les deux jeunes gens amourachés l'un de l'autre que tout ça dépasse, la vieille à la tête d'un cartel pas franchement tendre, le révolutionnaire engagé prêt à tout pour apporter le changement, le Saint-Pilote dépassé et cerise sur le gâteau, l’ecclésiastique ambitieux, orgueilleux et complètement taré. Autant d'arcs narratifs que d'ingrédients susceptibles de mettre le feu aux poudres, surtout quand entrent dans la danse un mystérieux intervenant et des manuscrits à la vérité qui dérange. Et vous me connaissez, quand on commence à causer légendes officieuses et à les confronter aux textes officiels, je me sens toute chose et je me laisse gentiment mettre en poche... surtout quand l'Inquisition du futur s'en mêle.

Mais voilà : on a beau avoir de belles matières premières, c'est d'office tendu de faire jaillir des étincelles avec une recette mal adaptée - et c'est hélas le cas ici. Que de précipitation et que d'éléments servis rapidos alors que j'aurais aimé réfléchir, fouiner, creuser, remuer tout un tas de bouse pour dénicher moi-même le fin mot de l'histoire. Donner de moi pour mériter et faire honneur à ce bon moment de lecture - gagner ma croûte, quoi ! Mais impossible. L'intrigue hyper-enthousiasmante du roman aurait mérité qu'on s'attarde bien davantage sur elle, qu'on en développe à notre aise les différents axes plutôt que de vivre l'entièreté roman dans la précipitation. A force de s'enchaîner les révélations et coups d'éclat tombent à plat et l'évolution des personnages prend un sacré mauvais tour - kikou-lol ici on tombe fou amoureux en dix pages - et c'est dommage, ça oui ! car il y a du bon gros potentiel si on gratte là-dessous.

Trois cent pages c'est trop juste pour laisser à l'intrigue la place qu'il lui aurait fallu pour décoller et atteindre les sommets. On touche du doigt le très bon roman mais hélas on n'y est pas encore ; il manque pour ça un chouïa de cool, Raoul et une petite révision des coquilles qui subsistent ça et là.

Si Légendes d'Agrégats a filé à une allure de dingue qui ne m'a pas convenu, ça n'en reste pas moins un chouette space-opéra hyper-abordable, garanti sans prise de tête ni technologies indigestes. Idéal pour les néophytes de la SF et tous ceux qui le pitch inspirera ;  il y a de la révolte dans l'air sur fond de quête spatiale et d'humanité en péril, et qui sait, avec un peu de chance, la solution au voyage supraluminique ... ? Pour le savoir, une seule solution, tenter l'aventure et intégrer l'Intervention divine, vous ne le regretterez pas !


Note :  15/20

Date :   19 juillet 2019 - 23 juillet 2019

4 commentaires:

  1. Je lis peu de Space-opéra et du coup je profite de lire les avis pour me faire une petite liste de possibilités :) et le tien donne forcément envie.
    Laurence.

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    1. Celui-ci est ultra-abordable : l'un de ses grands points forts. Il peut sans souci figurer en haut de ta liste hi hi :-))

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  2. Il me tente bien, comme beaucoup de parutions chez Critic. Merci pour cette sympathique découverte que je note en space-opéra, j'aimerais bien en lire ^^

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    1. Pour débuter, ça me parait être le top du top - d'autant que comme tu le dis, c'est difficile de se planter en misant sur du Critic :-) !

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