27 avr. 2019

Royaume de vent et de colères de Jean-Laurent del Socorro - Histoire d'histoires

Auteur : Jean-Laurent Del Socorro
Éditeur : J'ai lu
Genre : Fantasy, Roman historique
Pages : 272 (format poche)

Le résumé : Deux ans avant l'édit de Nantes qui met fin aux guerres de Religion, Marseille la catholique s'oppose à Henri IV, l'ancien protestant. Une rébellion, une indépendance que ne peut tolérer le roi. A La Roue de Fortune se croisent des passés que l'on cherche à fuir et des avenirs incertains : un chevalier usé et reconverti, une vieille femme qui dirige la guilde des assassins, un couple de magiciens amoureux et en fuite, et la patronne, ancienne mercenaire qui s'essaie à un métier sans arme. Les pions sont en place. Le mistral se lève. La pièce peut commencer.

Ma chronique : Royaume de vent et de colères est passé à deux doigts de devenir une relique de ma PAL. Fin comme il est je l'y avais totalement oublié jusqu'à venir chipoter, un peu par hasard, dans mes étagères. Ni une ni deux j'ai embarqué pour Marseille - ça tombe bien, j'y ai jamais mis les pieds - et autant vous dire que Jean-Laurent del Socorro a su me convaincre du passé chargé de la cité. Pas de quoi renflouer les caisses de l'office du tourisme marseillais, mais matière à voir d'un autre œil la ville côtière.

Dans une France ravagée par la guerre que se mènent catholiques et protestants au XVIe siècle, se dresse une fière cité indépendante : Marseille. Dirigée d'un main de fer par la Ligue Catholique en conflit ouvert avec la couronne, Marseille ne reconnait que sa propre autorité et n'entend pas ployer sous l'autorité d'Henri IV, roi protestant. Or l'armée de ce même roi vient de se masser devant ses lourdes portes, et sans le soutien de la Savoie et de la Provence, la victoire de la cité semble compromise. Seul l'appui du Royaume d'Espagne et le mouillage de ses galères au port apporte quelques espoirs aux Marseillais ... mais guère de certitudes. En ses murs, une auberge : La Roue de Fortune, théâtre de bien des rencontres, de bien des histoires et qui sait, de la victoire ou de la défaite.

J'aime la Fantasy, j'aime les romans historiques ; j'étais donc toute désignée pour passer un moment d'anthologie avec Jean-Laurent del Soccoro dont on m'avait vendu Royaume de vent et de colères comme le roman de Fantasy historique à côté duquel ne pas passer. Et finalement, est-ce que ça l'a fait à ce point ? Non, mais c'était une lecture sympa et absolument pas contraignante. Des personnages, ce récit en compte cinq - un pour chaque doigt. Cinq personnalités, cinq survivants qui se partagent une narration expéditive à la première personne et dont on apprend à connaître les démons, ambitions, rêves et regrets. Leur vie telle qu'elle fut, ils nous la livrent sans fard ni pathos d'un ton brut d'honnêteté, alors que derrière leurs petites histoires de petites gens se dresse la grande. Le roue tourne, les entraîne avec eux et les écrase à moins qu'ils ne frappent les premiers et la brisent. Royaume de vent et de colères, c'est l'Histoire avec un grand H vue d'en bas, vue du peuple, et c'est aussi réussi que poignant.

De là cependant à parler de Fantasy historique, j'hésite. On est plutôt dans un roman historique pur et simple, une microscopique touche de magie en plus - l'Artbon, comme le nomme del Socorro, finalement trop discret pour qu'on le regrette vraiment. Le récit aurait pu s'en passer comme il aurait pu en proposer davantage, et Royaume de vent et de colères peine à émerger de cet entre-deux nébuleux. Magie or not, telle n'est pas la seule question : l'ambition historique du roman est bien là, avec son contexte historique brillamment remis, ses grandes lignes et sa multitude de subtilités politiques, mais digérer le tout en moins de trois cent pages, c'est tendu - surtout quand s'y emmêle une construction narrative à la temporalité déroutante. Peut-être aurait-il fallu alléger la dose ou, à l'inverse, s'étaler plus longuement et dépasser allègrement les quatre cent pages. Royaume de vent et de colères est de ces romans à la fois trop courts et trop longs, et dont on peine à savoir ce qui aurait finalement mieux valu. 

L'éternel combat du fond et de la forme, en somme, et dont la forme est de mon avis la grande perdante. Qu'à cela ne tienne, j'ai tout de même dans l'idée de re-challenger l'auteur en parcourant un de ces jours son second récit Boudicca. Pour ce qui est de Royaume de vent et de colères, ce n'est qui rendez-vous manqué, j'en suis sûre.

Note : 14/20

Date :  18 avril 2019 - 20 avril 2019

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